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Steve Normandin, chroniques des neiges éternelles

Steve Normandin (photo Alain Clavier)

Steve Normandin (photo Alain Clavier)

Steve Normandin ? Oui, l’accordéoniste voyageur, la mémoire vivante de la chanson, de toute la francophonie et plus encore, celui qui est capable de tirer de sa mémoire des trucs vieux comme le phonographe, celui qui nous a déjà régalé sur disques de telles et si belles re-trouvailles. Au hasard de salles ou de festivals, vous l’avez sans doute croisé. Telle rencontre est, je crois, toujours mémorable.

Ce disque-là nous informe, au cas où, que Steve Normandin n’est pas que ce formidable interprète. Il est aussi auteur-compositeur à lui tout seul, et c’est tout aussi passionnant. A force d’interpréter les chansons des autres, de les habiter de l’intérieur, de les habiller de sa voix, d’en comprendre et d’en restituer l’âme, il sais mieux que quiconque ce qu’est une chanson et comment ça se fabrique..

Tout pétri qu’il soit de matière neuve, originale, ce nouvel opus est sans âge. Si ce n’était le millésime imprimé sur la pochette, il ne pourrait être daté, sauf par de fastidieuses expertises : il s’inscrit simplement dans la tradition autant que dans l’avenir de cet art. C’est dire qu’il ne sait rien des facilités et vacuités de la chanson actuelle. Il véhicule des émotions, transporte des histoires autant qu’il tire des roulottes à patates et déblaie des tombereaux de neige.

61183534_2253776638036811_3280060833123532800_nSi nombre de chanteurs se dévoilent par des chansons plus ou moins autobiographiques, lui y va carrément et chante L’arbre généalogique des Normandin. Avec un humour qui ne nuit ni à la véracité du récit familial ni au contexte historique. On ne saurait l’imaginer, c’est néanmoins l’une des chansons les plus passionnantes de ce très bel opus. Mais il y en a d’autres, paroles et musiques taillées dans la précision, le pur plaisir. Même quand Normandin évoque Les petites funérailles « de rien du tout »« il n’est même pas question d’héritage » : les notes sur le piano sont comme une marche pas pressée dans les allées du cimetière. Même quand il chante Les orphelins (« on apprend doucement à devenir orphelin ») qu’on ne peut que mettre en relation avec L’orphelin de Georges Brassens, tant le cousinage est évident.

C’est drôle quant il fait, à son tour, son propre bilan carbone appliqué à son métier de chanteur. D’autant qu’il le fait deux fois, en version française puis en version québécoise : « c’est fout toute l’essence qu’on brûle pour la peine / C’est pas écolo d’être chanteur / C’est pas écolo ».

Plus que toute autre, c’est Bras levé que nous aimerions entendre de partout : le portrait certes au vitriol mais réaliste des actuels États-Unis d’Amérique. Le bras levé en question c’est celui de la statue de la Liberté dont on ne sait de quelles libertés elle peut encore se targuer : « Quand le geste se durcit / Se meure la démocratie / Dans la haine et dans la peur / Ils veulent se croire supérieurs / Bras levé / Fascistes et néo-nazis en font leur piège à connerie ». Exemplaire, sauf si je me trump.

Treize titres, une redite et un instrumental, valse en mémoire d’un ami harmoniciste : on sait qu’on possède avec ce disque une pièce rare, de toute beauté. Et que Normandin n’est pas que cet invraisemblable dictionnaire de chanson, ce juke-box toujours prêt et prompt à vous chanter ses connaissances : il en est un de ses créateurs les plus pertinents. Il serait temps que ça se sache.

 

Steve Normandin, Le Québec de Steve Normandin, Compagnie Vieux Gramophone 2019. Le site de Steve Normandin, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

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2 Réponses à Steve Normandin, chroniques des neiges éternelles

  1. Asselin Christiane 7 juin 2019 à 19 h 44 min

    Magnifique article sur un artiste tout aussi magnifique. J’ai le bonheur de posséder ce pur bijou. Merci, monsieur Kemper, de vous pencher avec intelligence et sensibilité sur le travail des artistes. Et toi, Steve Normandin aux talents plus que pluriels, ne nous fais plus attendre aussi longtemps!
    Christiane Asselin

    Répondre
  2. Violaine Cloutier 9 juin 2019 à 14 h 30 min

    Bravo Steve ! J’ai hâte d’entendre ! Sera-t-il disponible au Québec ?
    Je te souhaite un succès à la hauteur de tes multiples talents !

    Répondre

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