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Gérald Genty, si proche là-haut…

Gérald Genty (photos de presse non créditées)

Gérald Genty (photos de presse non créditées)

On connaissait Gérald Genty comme un habile mélodiste, bidouilleur de sons de première, auteur de textes joliment troussés et contrebandier de jeux de mots capillotractés. Des chansons teintées de mélancolie parfois, débordantes de tendresse souvent, bourrées d’humour toujours. Son CD de 38 chansons paru en 2017, intitulé Hippopopopopopopopopopopotame, est à cet égard un sommet de loufoquerie, que tout amateur de chansons fines et drôles se doit de posséder. C’est dire combien son nouvel opus nous a surpris.

Commençons par la pochette. Prise dans le sens normal, avec le nom de l’artiste à l’endroit et le titre de l’œuvre à l’envers, elle nous montre un Gérald Genty planant dans le ciel, tel un ange gardien bienveillant. Si on la retourne, nous avons un chanteur flottant comme une Ophélie au masculin, les arbres et les nuages n’étant que des reflets dans l’eau. Magnifique photo et superbe illustration du propos développé dans l’album.

Là-haut – ainsi se nomme la galette – est en réalité un album-concept, qui parcourt tout au long de ses 11 chansons les thématiques de la disparition et de la mort, associées aux images du ciel et de l’eau. Pas vraiment ce à quoi Gérald Genty nous avait accoutumés. Est-ce l’âge qui avance ? Une volonté d’être pris au sérieux ? L’envie de passer à autre chose ? Des événements personnels et familiaux ? Allez savoir. Ce qui est certain, c’est que le disque est une vraie et belle réussite.

Planeur, la chanson d’ouverture donne le ton. Au son d’une guitare country guillerette, le morceau débute sur l’image joyeuse d’un père jouant avec son enfant à la balançoire, non sans un pincement au cœur pour ces moments magiques inéluctablement éphémères : « Un jour les enfants s’en vont / Un jour les enfants s’envolent / Et on se retrouve tout seul ». Mais les papas sont eux-mêmes des enfants, qui peuvent « se balancer sur une balançoire en forme d’ambulance ». Et la triste réalité nous rattrape : « Un jour les papas s’en vont / Un jour les papas s’envolent / Et on se retrouve tout seul ». Et les mots Accroche-toi de prendre alors un second sens bien plus urgent. La chanson nostalgique du début s’est muée en confession bouleversante sur le deuil…

GeraldGenty_La-haut_visuelLes chansons semblent aller par paire dans Là-haut. Ainsi Planeur trouve-t-elle un écho dix titres plus loin, avec Petit avion (Petit oiseau / A papa tango parti / C’était un peu tôt / Pour défaire le nid). De même, le retour à la vie après un coma, la Near Death Experience en bon français, est abordé à deux reprises, dans La station (De là-haut / Je me vois / Sirènes hurlantes / S’affairent autour de moi) et dans Le fil (Là-haut l’air était si doux / Que revenir vers vous / J’hésitais, j’avoue). Par deux fois également, voici la mort artistique et le succès absent, qui frappent le chanteur du Métier qui sort (étonnant portrait aux airs de vécu : Quelqu’un saurait un peu c’qui s’trame ? / A quoi ça rime ? Pourquoi ça rame ? / C’est le métier qui sort / Une partie de ton public qui pense que t’es mort) ou l’auteur-compositeur décédé dans l’anonymat, au centre du Facteur.

La camarde, toujours elle, plane dans MH 370, nom de vol du Boeing malaisien mystérieusement évanoui en plein vol, même si – miracle de la fiction et liberté de l’artiste – elle aurait en fait échoué dans sa mission, les passagers disparus s’étant juste cachés dans une île microscopique. Mais dans les Fa dièses, qui évoque le suicide, elle est aux aguets, avant de repartir, dépitée, dans Rien, chanson de clôture et note d’espoir (C’est bon comme il fait beau / Rien à la radio / Rien, rien, rien / Pour une fois, avoir rien, c’est bien !).

Malgré son thème, Là-haut est un disque lumineux, dont on ressort léger et ému. Les orchestrations épurées mettent en évidence le talent du compositeur, tandis que la voix claire et douce – qui rappelle de plus en plus Mathieu Boogaerts – nous berce d’une apaisante mélancolie. Un disque sensible et intelligent, coloré à la fausse naïveté, farci à l’émotion pure. On connaissait le Gérald Genty rigolo, on découvre un artiste d’une pudeur touchante. L’un et l’autre méritent votre écoute.

 

Gérald Genty, Là-haut, 30 février/PIAS 2019. Le site de Gérald Genty c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

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