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Les Bisons Ravis : toute la chanson, ou presque

Les Bisons Ravis : Belle, Paul et Marie (photo de presse non créditée)

Les Bisons Ravis : Belle, Paul et Marie (photo de presse non créditée)

22 novembre 201, Chok-Théâtre à Saint-Etienne,

 

Le public s’entasse dans le hall du Chok-Théâtre, baigné d’une poussive lumière de secours qui menace à son tour de rendre l’âme. Le vent furibond « qui rebrousse les bois, détrousse les toits, retrousse les robes » a fermé le bec d’EDF. On ne sait quand l’électricité va revenir. Et si la conférence va pouvoir se dérouler. Dans une amicale proche, on raconte que, quand la lumière s’est éteinte, tout le monde a cru à un anniversaire et a spontanément entamé le Happy birthday to you de rigueur. On ne peut même pas prendre son billet, tout dépend de l’électricité. Le vin chaud n’est plus que tiède. Panique, résignation ? Non, dans l’attente de la fin du monde, on chante. A l’accordéon ou au piano, Valérie Gonzalès, conduit le bal : Nini peau d’chien, Mon amant de Saint-Jean, La mauvaise réputation, Les Champs-Élysées… même L’avventura. C’est beau, c’est épatant, on en bénirait presque EDF même si jadis elle a eu la peau de Cloclo.

Plus d’une heure à chanter, enchantés, et voici que la lumière revient dans ce théâtre de vie. Après la pratique, la théorie : on vient ce soir apprendre justement ce qu’est la chanson. En une Conférence de presque, presque au sens de relativement approximative. Qu’importe et pourquoi pas.

Ils sont trois : Belle, Paul et Marie, comme Peter, Paul & Mary ; plus sûrement, en y mettant un peu d’ordre, comme Marie-Paule Belle. Trois enseignants chercheurs, en blouses blanches, de l’Université de Chantemerle-les-Avoines. En blouses blanches, secondés de bizarres machines. D’abord ces bidules à antennes, loupiottes et bip-bip qu’on dirait tirés d’une série télé économique des années soixante, que même les Envahisseurs et David Vincent n’en voudraient pas : ils mesurent avant de commencer le TCS, Taux de Concentration des Spectateurs, avant d’entamer « la chanson du début / celle qui ne dit rien / celle qui n’a pas de contenu ». Constat de départ : la chanson d’expression française serait passé de mode, ne serait plus en phase avec notre époque. Postulat qu’ils refusent en bloc : ils vont, par l’absurde, le non sens, nous démontrer pourquoi. Eux ne semblent pas se contenter des doctes écrits des Dicale, Hidalgo, Vassal, Trihoreau, Dillaz, Hirschi, Kemper, Laugier, De Groeve ou Duneton : ils expérimentent la chanson au fond de leurs éprouvettes, la tâte et la teste, nous la font boire jusqu’à la lie ou l’hallali, c’est selon. Ils hypothèsent, farfouillent, théorisent, palabrent de concert. Ils soliloquent à un, à deux, à trois. Avec leur technicien parfois, dont ils attendent l’approbation et n’ont pour retour que des hennissements. En leur qualité de chercheurs ils cherchent. Et trouvent peu, sinon leur incongruité, leur déraison, leur folie. Et nos rires.

C’est du pas sérieux en fait très sérieux, une façon d’envisager la chanson. Qu’ils aiment, autant qu’ils aiment le théâtre. C’est donc du théâtre qui se goberge de la Chanson. Et en produit quelques unes, affligement désopilantes.

(photo ©Carla-Neff)

(photo ©Carla-Neff)

De leurs scalpels ils dissèquent les artistes, les rassemblent, les assemblent, copient-collent, en créent de nouveaux, fruits de rencontres artistiques parfois hasardeuses, toujours fructueuses : Jacky Labrel, Obipol Nareff, Boubaznav… et Georgette Loiseau, mi Piaf mi Brassens. Ils exploreront tant la chanson à boire que celle engagée-de-gauche. Toujours avec l’éthique et les tocs qui sont les leurs : une stricte et rigoureuse approximation !

Les trois sont excellents, chacun bien campés dans sa propre caricature. C’est plein de trouvailles qui, pour simples qu’elles soient, font leur effet. Des bricolages d’objets comme de vocables. Quitte à tout divulgâcher, ça ne vous apprendra pas grand’chose (encore que) que vous soyez féru ou non de chanson : ça vous dit comment on peut s’en amuser. Et c’est énorme. A ceux qui ne voient et n’entendent la chanson que par leurs chapelles, ça peut toutefois ouvrir les digues, digue digue don, faire entrer la différence, la contradiction. Cette compagnie lyonnaise des Bisons Ravis (qui a déjà à son actif un spectacle sur Boris Vian et un autre sur Francis Blanche) a cette douce folie contagieuse qu’on aime plus que tout. Si elle joue pas loin de chez vous, foncez !

 

Le site de la compagnie Les Bisons Ravis, c’est ici. Image de prévisualisation YouTube

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