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Lou Casa, les larmes de Brel et de Barbara

Lou Casa Dossier presse ©Paul Prim

Lou Casa Dossier presse ©Paul Prim

Avec enthousiasme, nous avions chroniqué l’opus précédent, consacré à Barbara.

Avec cet autre, Marc Casa double la mise. A nouveau la longue dame brune, ici associée à Jacques Brel. Sur le papier, ça donne envie.

Dix titres, six de Brel, quatre de Barbara, l’idée est intéressante d’à nouveau faire se rencontrer ces deux géants. Mais.

On peut proposer d’autres arrangements à une chanson, un autre éclairage, suggérer une autre lecture, avoir une autre façon de se l’approprier : c’est d’ailleurs l’intérêt d’une reprise. Mais pas toucher aux textes. Là, ce ne sont que trois petites retouches de rien du tout à trois chansons de Brel. Mais l’une en change le sens. Est-ce possible de modifier (La chanson des vieux amants) « Nous protégeons moins nos mystères » en « Nous protégeons mieux nos mystères » ? A savoir l’exact contraire. Comment peut-on se permettre, à trois reprises, trois titres, de corriger Brel ? Quelle prétention, d’ailleurs ! Est-ce une erreur à l’enregistrement qui, confinement oblige, n’a pas techniquement pu alors être corrigé, transformée ensuite en cet avertissement au dos du disque : « les paroles des chansons Jaurès, Mathilde et La chanson des vieux amants ont été légèrement modifiés par rapport aux originales » ? On peut certes faire des erreurs, qu’on se doit de réparer : il fallait repasser en studio, réenregistrer ce qui a été raté. A défaut de l’avoir fait, je ne valide pas ! - MICHEL KEMPER


Michel Kemper a signalé ce regrettable changement dans le texte des Vieux amants. Qu’il soit « langue fourchée » (combien de fois Leprest n’a-t-il pas changé ses paroles en concert ?) ou volonté, mieux ou mal compris ainsi, il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain. On se priverait de bien du plaisir, que dis-je, du bonheur, à ne pas écouter cet album. Pour l’irréparable erreur, que celui qui ne s’est jamais trompé leur jette la première pierre.

Marc Casa fait dialoguer Jacques Brel et Barbara sur les grands thèmes de la chanson, l’amour, l’amitié, la façon dont ils appréhendent le monde. De Barbara, il reprend des chansons intimes, les respire, murmure, vibre, chuchote à l’oreille, « C’est parce que je t’aime ». Ni Nantes, ni Göttingen ni l’Aigle noir, mais La solitude ou cette rare Gauguin (Lettre à Jacques Brel), qui fait le lien entre les deux B, comme dans un spectacle précédant l’étourdissante Sur la place. Sa voix, si elle n’est pas identique, se fond avec celle de Barbara, la prolonge. Le jeu paraît plus difficile avec Brel, avec des chansons fortes, des incontournables. Qui deviennent des prières, des valses à mille temps, des adieux vibrants de larmes retenues. On voudrait être Fernand, on voudrait être Jojo, ou nos grands parents dans Jaurès, « vieux avant que d’être / Quinze heures par jour le corps en laisse » pour qu’on nous parle avec tant de douceur, pour qu’on nous console ainsi. Même Au suivant a perdu « Cette voix qui sentait l’ail et le mauvais alcool » pour ne garder que ce personnage timide assoiffé de tendresse.

Lou Casa 2020 Barbara & BrelC’est que Casa a justement choisi de ne pas se mesurer à Brel dans son interprétation dramatique, forte, articulée. Même sans le voir, on n’imagine pas que la sueur lui coule du front ni que sa bouche se torde de souffrance. Casa saisit l’âme sensible, on pourrait dire, si je ne craignais qu’on ne m’accuse de préjugés, la partie féminine de Brel. Sa Mathilde a des douceurs nouvelles, sa prière est contenue, il parle à son cœur, à ses émotions, à ses mains, avec une douceur vibrante, s’essouffle après le piano…

Sa Chanson des vieux amants est insinuée, frissonnante, en retrait, presque trop. Mais vous touche au cœur dans l’aveu murmuré « Oh, mon amour / Mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour / De l’aube claire jusqu’à la fin du jour / Je t’aime encore tu sais / Je t’aime ».

En réponse L’Amoureuse, folle d’amour trompée, « morte dans le petit jour d’avoir trop aimé d’amour, …Fut-elle innocence / Fut-elle démence / Qui donc le saura jamais ? » se joue comme une tragédie antique.

Il faut saluer la subtilité des musiques qui suggèrent tant, notes légères de piano, passages forts ou grinçants, violon, basse, orgue, percussions subtiles ou prégnantes, à elles seules dramaturgie. Dans ce théâtre des passions humaines, je dirais bien « Pouce en l’air ».CATHERINE LAUGIER

 

Lou Casa, Barbara & Brel : des échanges, de présences et d’absences, Les soirs imprudents/Inouïe distribution 2020.

« Ce disque est lié au spectacle du même nom. Il a été finalisé tous confinés, et enregistré juste avant »

Le site de Lou Casa, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Lou Casa, c’est ici.
En tournée à partir de janvier, suivre les dates sur leur page facebook. 

Présentation de Brel & Barbara
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