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Le Balavoine d’Alquier : franchement oui et plutôt non !

9782756432694_Daniel_CouvDe temps à autre, pas assez souvent à notre goût, le débat fait rage au sein de la rédaction de NosEnchanteurs : l’un aime, l’autre pas. Comme avec cet ouvrage sur Daniel Balavoine paru en novembre dernier… Par ordre d’entrée en scène : la tendre plume de Vincent Capraro et celle, humectée de vitriol, de Michel Kemper.

 

OUI De nombreux ouvrages ont été écrits sur Daniel Balavoine, alors François Alquier l’annonce dès le début, son Balavoine, un homme vrai n’est pas une biographie. Il choisit un axe de travail très différent qui prend la forme d’une enquête avec plus de cinquante interviews de proches, de musiciens, de personnes qui ont côtoyé et travaillé avec l’artiste.

Les personnes interviewées livrent à l’auteur, avec une grande sincérité, des témoignages inédits, très souvent émouvants et fort intéressants qu’il met habilement en perspective. François Alquier a réussi cette belle performance de mettre en confiance et de créer des liens très particuliers avec les personnes interviewées qui offrent leurs souvenirs sans retenue. C’est sans aucun doute la plus grande réussite de ce livre. Toute l’admiration de François Alquier pour l’homme et sa passion pour l’œuvre depuis toujours n’auront sans doute pas laissé indifférents ses interlocuteurs. Pour autant ce n’est pas un livre de fan mais un vrai travail d’enquêteur qui maîtrise son sujet. L’adolescent fan de Balavoine qu’il fut, serait sûrement très fier du chemin et du travail accompli, comme un aboutissement personnel mais au service des lecteurs et du public.

Les témoignages raviront autant les connaisseurs qui ont suivi la carrière de Balavoine que les plus jeunes qui découvriront un artiste tellement actuel dans ses engagements, ses convictions mais aussi artistiquement. Balavoine était un artiste talentueux, complexe, lucide, combatif, exigeant et d’une grande tendresse. Mais le dénominateur commun à tous les témoignages c’est la sincérité, sa sensibilité incroyablement attachante et la simplicité de l’homme. « Un homme vrai » (le titre s’imposait) qui se moquait éperdument de la célébrité et restait en toutes circonstances à l’écoute de l’autre.

Tous les témoignages sont plus riches les uns que les autres mais on retiendra ceux des frères et sœurs de Daniel, des ex-compagnes Linda Lecomte et Catherine Ferry, de Fejria Deliba qu’il avait choisie pour incarner l’antiracisme dans le clip L’Aziza et Andy Scott l’alchimiste du son, réalisateur et ingénieur de tous les albums dont l’exceptionnel Sauver l’amour, qu’il qualifie de « chef d’œuvre » au même titre que des albums des Pink Floyd avec qui il a travaillé. Enfin, au travers des récits des photographes, Liliane Vittori (qui a réalisé la photo de couverture du livre), Pierre Terrasson et Tony Franck, on apprend que Daniel avait une attirance particulière pour l’image et la pratique de la photographie, ce qui bien évidemment me fait encore plus regretter de ne jamais l’avoir rencontré…

«…L’homme qui courait après Lucie est parti quand même un peu vite.
Dans les mauvaises fables,
dans les vents de sable, le diable est partout… » F. Cabrel

VINCENT CAPRARO

 

NONJ’aime l’enthousiasme de mon ami Vincent quant à ce livre, mais ne le partage pas. Pas du tout. Visiblement, François Alquier, auteur jadis d’une bio un peu précipitée sur Louane, n’aime pas les biographies : « Ma volonté d’écrire un livre sur un artiste en tentant de casser les codes habituels vient du constat évident que, en tant que lecteur, je n’aime pas lire les biographies » (1). La sienne, sur Balavoine, si tant est que c’en soit une, est dès le départ tronquée, privée de l’enfance du chanteur d’un péremptoire et sans appel « Ne comptez pas sur ce livre pour raconter en détail l’enfance de Daniel ». C’est quand même bien souvent dans l’enfance qu’on trouve les germes de l’artiste à venir… Passons.

On s’interrogera sur ces « codes habituels » de la biographie, que semble abhorrer l’ami Alquier. Et de cette teigneuse volonté de s’en affranchir. On objectera qu’il y a parfois des biographies (de chanteurs, d’acteurs, de peintres, d’hommes politiques, de personnages historiques…) qui sont de vrais chefs-d’œuvre et que le métier de biographe est tout à fait respectable même si, comme dans tous les genres de la littérature, il y a à boire et à manger, qu’on y trouve le meilleur comme le pire.

Le seul argument, commercial, de cet ouvrage réside en « plus de cinquante témoignages inédits », ce qui représente ici l’essentiel de la pagination. Dans leur jus ou presque, souvent inutilement bavards, parfois sans réel intérêt. Il n’y a pas, ici, le moindre effort littéraire : on se contente d’ouvrir et de fermer des guillemets (2). C’est facile de faire un livre en empilant ainsi des témoignages. Où est le travail du biographe ? Un travail qu’on souhaite sérieux, documenté, d’analyse, de recherche, allié à la qualité rédactionnelle qu’on attend de l’écrivain. Ici, rien de tout ça. Ce n’est d’ailleurs pas un livre, et certainement pas ce qu’on peut appeler une enquête (c’est autre chose, que je sache, une enquête, une vraie…), tout au plus un registre de témoignages. Comme une annexe dispensable à la « vingtaine de biographies » déjà disponibles sur Balavoine, que l’ami Alquier semble couvrir d’un singulier mépris.

MICHEL KEMPER

(1) François Alquier travaille pourtant sur deux nouvelles biographies pour l’année 2022. Passons…

(2) Signalons que les très nombreux témoignages de ce livre ne sont pas pour le coup entre guillemets mais simplement d’une autre police de caractères et en retrait de texte. Pour autant, l’expression se justifie.

 

François Alquier, Daniel Balavoine, un homme vrai, Pygmalion 2020, 352 pages, 18,90 euros.

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