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Romain Lemire : mourir avec savoir-vivre

Romain Lemire (photo Anne-Marie Panigada)

Romain Lemire (photo Anne-Marie Panigada)

Ah que ce Monument aux vivants est beau ! Et toutes les fleurs et couronnes paraissent à l’entendre si dérisoires, si réductrices. Pourtant, à son écoute surgissent des mots, de ceux que la langue française nous offre et qui sonnent si bien pour le décrire, des mots que j’aime : mélancolie, sérénité, douceur, tendresse, délicatesse, fantaisie, poésie, allégresse !

Le disque s’ouvre sur une annonce surprenante : Je suis mort… rien de dramatique cependant. Cette disparition imaginée est prétexte à un retour sur soi et son rapport aux autres, un moment pour poser des « souvenirs en équilibre », jeter un regard amusé et surpris sur le monde et les êtres, le temps de quelques soupirs, et finir par en sourire. Sereine mélancolie, ai-je dit, pour Romain. En effet, « la mort n’est pas un échec, c’est la fin d’une réussite », d’une existence épousée, inspirée, ici célébrée.

La vie dans ses instants fragiles, fugaces, jugés parfois futiles – mais ô combien essentiels – voilà ce que Romain nous invite à aimer. Cette vie qui « pourrait tenir dans une poche », un refrain et trois couplets. Dépouillé du superflu, conjuguant le verbe être plutôt que l’avoir, il flâne, rêveur, s’inventant un monde, au gré d’un bel ennui, de « matins légers et contemplatifs », s’inspirant de la peinture de Soulages et du verbe de Seghers, surpris qu’un rayon de lumière vienne poser du soleil sur ses regrets.

Avec ce même vague à l’âme, cette douceur et tendresse déjà évoquées et beaucoup de pudeur, Romain s’attache aux jeux de l’amour. Dans un duo avec Sophie Le Cam se joue tout le mystère d’une rencontre, l’inattendu qui survient dans l’imprévu d’un rendez-vous et cette « question qui se pose, vivons-nous la même chose ? » Tout en délicatesse, C’est compliqué nous dit toutes les hésitations, les effleurements, l’émoi d’une première fois. L’amour, dans toutes ses déclinaisons, peut être l’idéal, lumineux et enflammé Plus vivant qu’un vitrail mais aussi l’incertain Ponctuation, habile jeu d’écriture sur la rupture, de points de suspension en interrogation. Moment rafraichissant, plein de fantaisie et d’une pointe d’ironie, Sympa en duo avec Lucrèce Sassella, nous offre un savoureux et amusant dialogue sur un rendez-vous d’amour vegan.

Cd MonumentsL’écriture de Romain est fine, imagée, ludique, capable, partant du singulier, de l’intime, de venir toucher notre propre humanité. La voix – on le sait rompu à toutes les formes vocales : théâtre, conte, chant – se fait ici caressante, apaisante, avec ce qu’il faut d’humour et d’impertinence. Quant aux musiques, chacune d’elles illustrant avec justesse le climat des chansons, on trouve pour les compositions, outre Romain, Antoine Sahler, Solen Imbeaud et, aux arrangements, Laurian Daire. Véritable festival d’instruments, difficile d’en faire ici une liste exhaustive, les cordes se mêlent aux vents, les cuivres aux percussions, un piano à la Satie offre ses notes à la mélancolie, une machine à écrire se fait boite à rythme. De bien belles harmonies !

Un album touchant, réjouissant, tout du long surprenant, étrange et pourtant si familier ! Un Monument aux vivants devant lequel on ne peut que s’incliner ! Rien d’étonnant alors que, pour le saluer, les deux voix de Romain et de François Morel s’accordent en final dans une invitation : « Dans un monde emporté / Par un courant barbare / Le mieux que l’on puisse faire / Est de vivre en fanfare. »

Un grand merci à Romain, à qui j’emprunte ce joli jeu de mots : Aux vivants l‘empathie reconnaissante !

 

Romain Lemire, Monuments aux vivants. Le Furieux Music 2022. Le site de Romain Lemire c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui c’est

« La même chose » : Image de prévisualisation YouTube

« Je suis mort » : Image de prévisualisation YouTube

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