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Signes à l’Œil, la chanson française pour les sourds… et les autres

Signes à l'œil Photos ©GabrielKerneis

Signes à l’Œil Photos ©GabrielKerneis

11 juin 2022, bibliothèque Saint-Éloi, Paris

 

Signes à l’Œil est un projet monté il y a deux ans par La Compagnie des Corps Bruts pour rendre accessible la chanson française aux sourds parlant la langue des signes. Les artistes viennent d’horizons variés : ils sont comédiens, mimes, chorégraphes, ou performeurs. Tous ont en commun d’être chansigneurs : un art à mi-chemin entre chant et danse, où le texte est dit avec les mains, le visage, le corps. Leur répertoire s’étend de grands classiques (Brel, Gainsbourg, Barbara) à des groupes contemporains (Oldelaf, Juliette, les Ogres de Barback).

En ce samedi caniculaire de juin, ils sont trois sur la place piétonne devant la bibliothèque Saint-Éloi, à l’occasion d’une après-midi consacrée à la langue des signes française (LSF) : Célia Chauviere, Isabelle Florido et Luca Gelberg. Chaque chant est une petite pastille de bonheur : pendant que la musique originale est diffusée dans des haut-parleurs, les chansigneurs interprètent en simultané le texte en langue des signes. Ils dansent, jouent l’un avec l’autre, changent de costume à la vitesse de l’éclair dans des coulisses improvisées. C’est joyeux, émouvant, drôle. Les entendants redécouvrent autrement des chansons connues par cœur, les sourds y ont accès parfois pour la première fois.

Quelques images en vrac de ce flot de bonne humeur. La détresse absolue qui se peint sur un visage pendant Formidable (Stromae), à tordre les tripes autant que la voix du chanteur. Le très jeune enfant qui s’invite sur scène, et vient nouer un dialogue imprévu avec l’artiste qui l’accueille dans son chant. La sorcière et les fabuleux cochons de Circé (Juliette) prennent vie devant nous, jusqu’à la réalisation du sortilège comme un douloureux accouchement. Les « grabataires » de Morts les enfants (Renaud) sont glaçants dans leur cynique partage du monde, et la violence de la guerre, des oiseaux et des arbres que l’on voit s’effondrer rongés par la pollution, contrastent avec la musique guillerette d’autant plus fortement qu’aucune parole ne sort de la bouche de ces corps en souffrance.

SIGNES 1 G Kerneis PXL_20220611_133653299.PORTRAITLa LSF est une langue à part entière, avec sa grammaire et son vocabulaire propre : il n’est pas question de mime ici, mais de travail littéraire soigné. Comme dans toute traduction poétique d’une langue à l’autre, il faut souvent trouver des chemins de traverse pour faire passer une métaphore, éclore une allitération. Dans La non-demande en mariage (Brassens), « l’encre des billets doux pâlit » devient ainsi le signe du mot « amour » qui s’effrite et se décompose sous nos yeux. Un autre défi du chansigne, relevé avec talent, est d’arriver à faire passer le rythme de la musique dans le balancement des corps, la chorégraphie. Sur la magnifique interprétation de Perlimpinpin (Barbara), c’est la chorégraphie tour à tour lente et frénétique qui nous entraîne dans le tourbillon de la douleur et de l’espoir.

Mais nul besoin de parler la LSF pour apprécier ce spectacle. Même sans saisir le sens des signes, il suffit de se laisser porter, d’écouter les paroles chantées et d’admirer la mise en scène, le jeu des chansigneurs, la beauté visuelle. Comme avec le dernier morceau, Mon ami, mon frère (Les Zoufris Maracas), qui transmet dans ses embrassades le bonheur simple de la fraternité, dans sa danse à deux le grand plaisir de vivre. Témoignage ultime de cette réussite : le public, bel équilibre de sourds et d’entendants, de parents et d’enfants, qui applaudit en silence en agitant des mains à la fin du concert.

 

Le site de Signes à l’Œil, c’est ici ; leur page Facebook, c’est là. Prochains concerts le 17 septembre à Paris, le 24 à Bordeaux et le 5 octobre à Lyon : détails et autres dates sur leur site.

Perlimpinpin Image de prévisualisation YouTube

Mon ami, mon frère Image de prévisualisation YouTube

 

Une réponse à Signes à l’Œil, la chanson française pour les sourds… et les autres

  1. Loirat Sylvie 5 août 2022 à 13 h 12 min

    Devenue sourde au fil de ces dernières années je suis implantée et appareillée. La découverte du chansigne m’a permis retrouver ma passion pour le milieu musical. Je suis en cours d’apprentissage LSF et je suis toutes vos vidéos

    Répondre

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