Jean Dréjac, homme de paroles, d’hier à aujourd’hui

Jean Dréjac Photo Dominique Durocher

Jean André Jacques Brun, dit Jean Dréjac est mort il y a vingt ans. Un coffret de trois CD qui lui est consacré affiche une couleur bleue tendre. Comme peut l’être un hommage bienvenu entre l’intime et le public, les bonheurs et les autres moments, le ciel privé de nuages. La plume est tenue par son fils Frédéric Brun, écrivain. Dédié à l’œuvre d’un poète qui a su donner des couleurs à bien des sentiments, voilà que ce retour sur les années d’un homme de paroles, avec près de quatre cent chansons à son actif, transforme la nostalgie en ode pour le temps présent. Parce que comme l’a écrit Trenet, ces chansons de poètes « courent encore dans les rues / La foule les chante un peu distraite. » En traduisant l’âme d’un peuple les poètes du couplet/refrain populaire marquent leurs époques et les suivantes. Le célèbre producteur Jacques Canetti estimait que Jean Dréjac était le seul qui pouvait écrire dans tous les styles, du précieux au familier, du poétique au populaire. Ce coffret en témoigne. Sans oublier l’engagement de Jean Dréjac au sein de la Sacem.

Comme souvent les chansons de Jean Dréjac (1921-2003) sont plus connues que leur auteur (et leurs compositeurs). La liste est longue de ces titres entrés dans la légende « fredonnante ». De l’insouciant Ah ! le petit vin blanc immense succès à la Libération, jusqu’au célèbre L’homme à la moto adapté pour Edith Piaf, en passant par le lumineux Sous le ciel de Paris associé à Yves Montand. Cette dernière chanson écrite en 1951 avec le compositeur Hubert Giraud, indique Frédéric Lebrun, est celle qui a le plus voyagé. Jusqu’aux Etats-Unis notamment où elle a été adoptée par des grands noms du jazz.

C’est un coffret de trois disques pour un total de soixante-seize titres, depuis les premières chansons des années quarante-cinquante, qui font partie de notre patrimoine tant elles ont été chantées, sifflées, fredonnées même en anglais, jusqu’aux plus récentes des soixante-dix à quatre-vingt-dix, chantées par Montand, Reggiani, Salvador ou Michel Legrand.
À chaque période on se sent en famille à l’écoute de ces chansons, interprétées parfois par leur auteur, avec finesse et humour, ou par tous les grands interprètes de l’époque, de Patachou à Lemarque en passant par Marcel Amont avec l’emblématique Bleu Blanc Blond. Les chanteurs contemporains, les chanteurs lyriques ne s’y sont pas trompés en le reprenant, et il faut remercier Laurent Voulzy, Romain Didier et Alissa Wenz qui ont posé leurs voix sur ces mots de vraie poésie populaire spécialement pour cet album.
À noter le très beau livret qui accompagne ce coffret, soixante-quatre pages de textes, photos et nombreux documents inédits.
-Catherine LAUGIER

Voilà qu’en trois CD le passionnant voyage connait de belles escales. L’ensemble est réuni autour de trois séquences : « Les chansons de ma jeunesse », de l’après-guerre, « Juke-box troubadour » (sur une musique de Léo Ferré !) pour les années 1960 et « Comme elle est longue à mourir ma jeunesse » pour les années 1970. C’est alors, note encore Frédéric Brun au sujet du répertoire de son père, que « la gaîté laisse place à la nostalgie ». Cette troisième partie, poursuit-il est la plus belle de son répertoire, marquée essentiellement par une longue et fructueuse collaboration avec Michel Legrand. On se rappelle que Jean Dréjac écrivit le dernier album de Serge Reggiani, en 2000, Enfants, soyez meilleurs que nous.

Le plus de ce coffret hommage soigné et suggestif tient encore dans les échos que le répertoire de Jean Dréjac trouve dans les artistes d’aujourd’hui. Laurent Voulzy, familier des bords de Marne, donne une version cool de ce célèbre Petit vin blanc. La tête d’affiche des mélodies pop fluides est rejoint par d’autres bonus. Ainsi Romain Didier revisite la Chanson pour Margot, Lambert Wilson la fameuse Chansonnette et Zaz Sous le soleil de Paris. Quant au violoniste Renaud Capuçon il célèbre un autre classique Dréjac-Legrand, écrit pour le cinéma L’été 42. Au fil du récit qui ne cache pas les moments plus sombres, Frédéric Brun cherche l’apaisement auprès des philosophes grecs, un pays cher à son père. On retiendra encore dans la chanson Le Chemin des forains sur une musique d’Henri Sauguet, cette sorte de profession de foi  sur la place des artistes : « Ils ont troué la nuit / D’un éclair de paillettes d’argent / Ils vont tuer l’ennui / Pour un soir dans la tête des gens ». Pour un soir, pour un jour, pour toujours.
-Robert MIGLIORINI

Le coffret 3 CD, Juke-box troubadour, EPM Musique/Universal musique, 2023. En promotion chez EPM. Le site consacré à Jean Dréjac, c’est ici. 

Le dimanche 14 mai à 18h30 se tiendra un concert hommage avec Romain Didier, Alissa Wenz, Bertrand Louis, Anahy et Benjamin Legrand. Mise en scène de Niobe et lecture d’extraits du livre Le roman de Jean de Frédéric Brun. Au Café de la Danse (5, passage Louis-Philippe. 75011) , à Paris.

A lire, une nouvelle version de la biographie écrite par Frédéric Brun qui a notamment obtenu le prix Goncourt du premier roman : Le roman de Jean, éditions Poesis. L’éditeur mentionne la liste de toutes les librairies où l’on peut trouver ses livres, par région. On peut également se le procurer en ligne chez leur distributeur ou sur les plateformes spécialisées. 

Présentation du coffret : 
Renaud, « Le p’tit bal du sam’di soir »
Jean-Claude Pascal, INA, « Papa est un poète » 
Michel Legrand, « L’été 42 »