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Off Avignon 2023, Tourbillon, Serge Rezvani, sa ligne de chance

Tourbillon Rezvani Isabel Richard Parsa Sanjari11 juillet 2023, Avignon, l’Arrache-Cœur,

Tandis que vient de sortir aux Editions Canetti, à l’initiative de Françoise Canetti, un florilège des chansons pour Lula par des artistes contemporains, puis l’intégrale de ses chansons originales, et également le livre de ses textes, Chansons silencieuses, Serge Rezvani, 95 printemps, s’est fait très présent au Off d’avignon. On l’a vu chanter le 14 juillet dans les jardins du Musée Calvet avec Dominique A, Léopoldine HH et Carole Poulain, une soirée organisée par France Culture. Il a même déclaré qu’il reviendrait à Avignon pour ses cent ans, sa première visite remontant à … 1947 à l’époque où il était peintre, pour le premier Festival de Théâtre de Jean Vilar, couplé avec une exposition de peinture. On a pu l’entendre interpréter sa Marseillaise amie, une des compositions pacifiée qu’on aimerait bien voir se substituer à notre hymne sanglant.

Captures d'écran Documents Barcarolle

Captures d’écran Documents Barcarolle

Pour ma part, j’ai été séduite par le spectacle musical qui lui a été consacré à l’Arrache-Cœur, qui déborde de sens et d’émotion. Il s’agit d’une création de 2020 d’Anne Conti, metteuse en scène, et Isabelle Richard, co-autrice, comédienne et chanteuse, de la Scène conventionnée du Pays de Saint-Omer La Barcarolle. Inspirée des romans autobiographiques de Serge Rezvani, tout particulièrement ceux sur sa compagne de plus de cinquante ans, Danièle Adenot, sa « Lula », décédée en 2004 après une éclipse (c’est le titre qu’il a donné au récit de cette terrible maladie) d’une dizaine d’année due à la maladie d’Alzheimer,

La vie de Rezvani est de toute façon un roman où il n’est guère besoin d’en rajouter. Né en Perse, fils d’une mère russe juive, abandonnée par son mari, elle l’emmènera en France. Il la perd à 10 ans d’un cancer qui la dévore à petit feu. Tragédienne par nature et dans ses tourments. Et d’un père persan fantaisiste et volage, qui le stimule puis l’abandonne en pension en Suisse. Sa vie est faite de voyages, de rencontres, de sobriété choisie et d’excentricité revendiquée, de hasards heureux et de malheurs affreux, de joies profondes et illuminatrices, un tourbillon d’aventures et d’émotion. Rezvani vit et c’est sa plus grande gloire.

REZVANI peinture Capture video 850 jpgIsabelle Richard n’est pas seulement une comédienne, c’est aussi une chanteuse de talent. Passionnée de pédagogie, elle donne aussi bien des cours de théâtre que de musique et de danse, et c’est la scène qui l’inspire. La musique pour elle est autant dans les mots que dans les notes, elle est dans la voix et le corps, elle est la vie. Ce que nous avons vu n’est donc pas un concert. Même si Rezvani a écrit de nombreuses chansons, pour d’autres interprètes ou qu’il a chantées lui-même, seules deux seront chantées dans leur intégrité dans ce spectacle : ce Tourbillon, qu’interpréta Jeanne Moreau dans Jules et Jim de François Truffaut en 1961, et qu’il accompagna sur trois accords à la guitare. Succès international imprévu qui l’amena à écrire des chansons, jusqu’à ce que cinq ans plus tard, de peur que le succès ne le perde, il raccroche sa guitare pour se mettre au roman, au théâtre et à la poésie. Comme auparavant, il avait abandonné la peinture, brûlant même ses toiles, alors que Lula, peintre elle-même, en sauvait quelques unes, lorsqu’il s’était senti prisonnier des galeristes, à bout d’inspiration.
Et vers la fin, ce
Blues indolent que Jeanne Moreau, toujours elle, chanta en 1967. Seules quelques notes évoqueront l’autre grand succès de Rezvani, Ma ligne de chance, qu’Anna Karina interpréta face à Belmondo dans Pierrot le fou de Godard. Quelques mots encore de J’ai la mémoire qui flanche, pour évoquer la sinistre maladie de Lula, et trois autres titres chantés ou joués partiellement.

REZVANI Isabelle Richard 490 jpgUne comédienne chanteuse, grande, sculpturale, d’une féminité un rien androgyne, qui incarne la mère, telle une héroïne de tragédie antique, avec aussi toute cette intensité slave et juive, cette souffrance exacerbée. Qui incarne le père, magicien fantasque, terriblement séduisant, terriblement décevant, et avant tout le fils, Serge, ses angoisses, ses joies. Sobre ou tragique, calme ou en révolte comme lui.
Un guitariste persan, Parsa Sanjari,
présence discrète et indispensable qui traduit les émotions.

REZVANI Pajar 490Un simple portique, tour à tour maison, rideau, diptyque. Des toiles suspendues, des projections d’images, portraits, fleurs, paysages. Un tabouret à roulette qui fait bateau, qui fait manège, vous êtes transportés dans la vie de ce personnage singulier, peintre, auteur de chansons et chanteur lui-même, écrivain, en éternelle fuite devant ce qui peut brider l’authenticité et la liberté. Il n’a été fidèle qu’à cette volonté de dépouillement en vivant cinquante ans à La Garde Freinet à La Béate, un mas sans confort moderne, ni eau, ni électricité, avec sa femme Lula, avec quelques séjours à Venise, leur pied à terre de sociabilité, l’eau en complément de la terre. Vivre sous les arbres et parmi les fleurs. Ne rien finir pour que rien ne meure. Et revenir à la chanson, à la peinture quand on a à nouveau quelque chose à dire, recommencer, vivre.

 


Isabelle Richard, Parsa Sanjari « Tourbillon » Théâtre musical sur la vie de Serge Rezvani, l’Arrache-Cœur, 13-15 rue du 58eme RI, salle Boris Vian, 14h50, du 7 au 29 juillet sauf mercredis. Le site de Serge Rezvani, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là. Le site de La Barcarolle, ici.

Teaser spectacle « Tourbillon »

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