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Off Avignon 2023, Pascal Mary, la vie est une tragédie heureuse

Pascal Mary à l'Atypik 2023 photos©Catherine Laugier

Pascal Mary à l’Atypik 2023 photos©Catherine Laugier

11 juillet 2023,  Avignon, Atypik Théâtre

 

Cela fait onze ans que Pascal Mary revient à Avignon, avec tour à tour cinq albums de ses textes et musique, sans compter le premier, épuisé. Quand le hasard ou le bouche à oreille vous ont conduit jusqu’à Pascal Mary, vous ne pouvez qu’y revenir : certains ne ratent aucune de ses prestations à Avignon, il y en a même qui reviennent plusieurs fois dans le mois. Il  fait d’emblée partie de la famille, même si la vôtre est plus tranquille que la sienne. Qu’il vous présente un nouvel album ou pas  - le dernier, Du vide plein les poches, date de début 2021- vous ne verrez jamais le même spectacle. « Me v’la d’retour à la maison », nous dit-il, et c’est exactement ce que nous ressentons à son écoute.

Pascal Mary 2023 07 17 1355 480x360 ©catherine LaugierIl est le seul artiste à pouvoir dire des horreurs sans la moindre vulgarité, des turpitudes familiales aux faits divers sordides, tout en restant complètement empathique avec le genre humain dont il débusque pourtant toutes les faiblesses et toute la cruauté. En commençant par sa propre famille, une mère dépressive qu’il adore mais dont les rêves n’ont sans doute pas été à la hauteur de ses espérances, un père frustré, malade quarante ans, des grands parents déjà morts, des aïeux suicidés, des alcooliques, une mémère sénile, des dimanches ennuyeux « en riante Normandie » (une antiphrase) ou des Noëls iconoclastes. Mêlant réalité et caricature, les anecdotes qu’il nous rapporte tel un seul en scène humoristique lui ont valu de longues séances chez le psychanalyste, malgré l’amour reçu de ses parents. Pourtant lorsqu’il nous les conte, ce sont nos propres souvenirs qui remontent aussi. Pascal Mary nous donne un concentré d’humanité, avec ce qu’elle a de pire comme de meilleur. Sa satire commence toujours par lui-même, avec cette auto-analyse « Je cherche moi, et quand je me trouve, je questionne moi ». Qu’il évoque son enfance, son adolescence, son homosexualité, c’est toujours avec autant de classe que de crudité, un art consommé des mots et des conclusions inattendues, un exercice sur la corde raide qu’il est un des rares à pouvoir réaliser, d’autant qu’il arrive à l’envelopper d’une infinie tendresse.

Pascal MARY 2023 07 17 3336 signéeC’est là qu’on voit la grande cohérence de l’œuvre de Pascal Mary, qui ne nous fait pas ou très peu des albums qui suivraient la chronologie de sa vie, mais plutôt tisse et retisse les émotions heureuses ou tragiques qu’il a, que nous avons éprouvées, chantant avec mélancolie des chansons d’espoir :
« Les jours où je n’suis plus rien (…) Aime-moi plus que bien  » ou joyeusement des chansons mélancoliques « Dis-toi bien qu’ici bas rien ne dure » sur un piano plein de rythme et d’ardeur, comme la vie « p’tites secousses [et] grands râteaux », entrelaçant une vingtaine de chansons écrites du début des années 2000 jusqu’à maintenant. Avec de belles nuances dans la voix, forte ou douce, des vocalises lyriques quand il chante « Aux ombres sous les porches (…) aux passions aux idylles (…) C’est toujours sur le fil et jamais dans la poche ». Sa seule philosophie dans ce monde où tout passe, c’est vivons, ou autrement dit, aimons. 

N’évoquant jamais trop longtemps les absents, et tout particulièrement sa maman, à laquelle il consacre deux de ses plus belles chansons qui nous ont déjà tant émus, trouvant les mots justes : « Le poids de vos peines vous pousse / Cahin-Chaos » comme ceux qui consolent : « Mes larmes ont creusé des lagunes / Où vous pourrez, jours d’infortune / Vous reposer » sans aussitôt enchaîner quelque chanson d’humour noir et dérisoire. Rendant hommage à Tachan au passage avec une pipe et une langue à peine effleurées si j’ose dire, ou à ce Maître-queue qui n’y va pas avec le dos de la cuiller, chanson torride et tendre d’un lyrisme brûlant. S’il se moque gentiment de La femme, c’est pour mieux la défendre quand on la lapide, et la toute dernière chanson est un hommage à un vieux couple, où le mari s’adresse à sa femme avec des mots aussi passionnés que tendres : « Cinquante ans ma belle / Que la vie nous mêle / Nous mélange (…) On va parallèle (…) On se tient l’échelle ». Mais le coup de cœur du spectacle est sans nul doute cette magnifique déclaration d’amour à son compagnon depuis cinq ans – le dossard 4001 nous confie-t-il dans une inflation de relations d’un soir – dont on pourrait citer chaque vers : «  La nuit je construis mon abri / Avec les branches de ton corps / À ton ventre je fais mon nid / À ton ancre je fais mon port ». Une chanson qui n’a d’ailleurs pas de genre, seulement de l’amour.

 

Le site de Pascal Mary, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

Les vidéos ci-dessous ont été enregistrées dans une configuration différente, en duo avec Martin Le Ray au Festival des Lavandes à Roumoule (04) en 2022 par Martine Fargeix

« Faut bien qu’ça passe » Image de prévisualisation YouTube
« Petite sirène d’eau douce » Image de prévisualisation YouTube

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