Évelyne Gallet, quelques coudées d’avance

Evelyne Gallet Photos ©Thomas Weber

Cinquième album studio pour Évelyne Gallet (il y eu jadis aussi un live) qui traite comme personne le sujet le plus éculé de la chanson, je parle de l’amour. De l’amour, du désir, des sentiments, par des mots physiques, des élans organiques qui masquent mal des torrents de pure tendresse. C’est dire si chaque nouvel album de la Lyonnaise est attendu. Ce n’est d’ailleurs pas Gallet seule mais – c’est précisé dès le visuel du disque – « and the french alchemists » : rien que des alchimistes, ceux qui savent transformer des partitions en or : les Soto, Jouve, Julliard, auxquels s’ajoutent pour l’enregistrement, un étonnant instrumentarium fait de brocs et de briques, d’instruments aussi ludiques qu’improbables, ainsi que, sur certains titres, Longre et Bobin. Sans compter les auteurs et compositeurs de cet album : de Bobin, encore (qui décidément semble être sur tous les fronts de la chanson), à Balmino, de Sarah Mikovski à Melba, de Lucas Roullet-Marchand à Philippe Prohom, de Valérian Renault à La Lue, Hélène Piris et Anaïs Tampère-Lebreton. Même un certain Boby Lapointe, qu’elle a souvent interprété, dont elle nous révèle un titre rare : « Plus rouges sont mes lèvres / Et plus roses mes joues / Quand sa bouche de fièvre / Est brûlante à mon cou » (La Lune brille).

C’est Tachan qui nous chantait « entre l’amour et l’amitié »… Gallet chante l’amour ET l’amitié. Un amour qui, chez elle, ne manque pas de raideur. Comme dans ce titre où Balmino lui fait inspecter L’Homme en général, de toutes positions sociales, du mât d’artimon au poète, une revue de ces êtres aux poils, jusqu’à celui qui prend son cœur. Balmino lui fait aussi chanter L’Amante religieuse et, tout homme que je suis, cette perspective me fait moins envie : « Ah qu’il fut fort ce moment / Vous m’avez emmené aux cieux […] Ne bougez plus oui restez là / Que j’attaque enfin mon repas / C’est à mon tour de dévorer / Mon chéri vous le méritez ».

Mais c’est tout Évelyne qui, par des chansons qui ne savent rien du vulgaire prêt-à-porter en vigueur dans le métier, jouit de l’amour sur de jolies mélodies. « Attendons que l’amour revienne / L’appétit ne vient pas en baisant » conviennent, elle et Bobin, sur fond d’harmonica.

Amour, amitié… de façon générale, Gallet chante la vie, dans une grand indépendance de ton et d’esprit, une « ode à la joie et à la liberté d’être soi » dit l’argumentaire de presse qui pour une fois n’a pas tort. Un « disque charnel, intime et grandiloquent, enlevé et drôle » dit encore la production : en fait, un disque d’Évelyne Gallet, tout craché, dans ce qu’elle sait faire de meilleur. Est-elle si discrète, notre Lyonnaise, pour qu’on oublie trop souvent de la célébrer parmi nos meilleures chanteuses, à coup sûr parmi les plus audacieuses…

Sous de jolis vers (c’est tellement agréable d’en écrire de jolis pour elle, qui sait si bien les incarner), Évelyne est une rebelle, qui n’emboîte pas le pas des autres : elle les précède, bien de quelques coudées d’avance. Ne nous chante-t-elle pas, sur les traces de l’amante déjà citée, avec le même appétit « J’ai des envies de bouffer le monde / De vivre au bout, de vivre au beau / D’être une éternelle vagabonde / Avec toi comme le vent dans le dos ».

Évelyne Gallet, Brille !, Z production/InOuïe Distribution 2023. Le site d’Evelyne Gallet, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
Boutique éphémère samedi et dimanche  11 (11h-16h) et 12 novembre (16h-18h) 21 rue Sergent Blandan Lyon (Chez les Filles)

« L’Amante religieuse » : « Le Désir » avec Frédéric Bobin :