CMS

Feu! Chatterton « L’affiche rouge »

feu chatterton 2022 live à parisVous n’avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Feu! Chatterton

Poème de Louis Aragon (Le roman inachevé, 1956), Musique Léo Ferré. Extrait de l’album « Live à Paris », 2022

Enregistré à l’Olympia en 2021

En 1958 Léo Ferré envisage un album consacré à la mise en musique de poèmes de Louis Aragon. Avec l’accord d’Aragon, l’album « Les Chansons d’Aragon chantées par Léo Ferré » paraît en 1969, avec notamment l’Affiche rouge, qu’il chante a cappella avec des chœurs, poème écrit par Aragon à l’origine pour l’inauguration de la rue du Groupe Manouchian à Paris, le 6 mars 1955, sous l’appellation Strophes pour se souvenir. De nombreux artistes ont chanté cette chanson après Ferré, tels Monique Morelli, Catherine SauvageMarc OgeretFrancesca Solleville, Leny EscuderoMorice Benin, Jacques BertinBernard Lavilliers, Manu Lann Huel, SaphoCali, Annick Cisaruk, Isabelle Aubret, Mama BéaFrancis LalanneNatasha Bezriche, Cello Woman, HK, Nawel Dombrowsky et bien d’autres…

Affiche_rougeL’Affiche rouge fait allusion à l’affiche de propagande nazie antisémite et xénophobe, placardée dans toute la France en 1944, présentant dix résistants du FTP MOI (Francs Tireurs et Partisans – Main d’Oeuvre Immigrée), en majorité juifs (polonais, hongrois), comportant également un communiste italien, un communiste espagnol, et leur chef, Missak Manouchian, arménien, comme l’armée du crime plutôt que comme des libérateurs. Le groupe Manouchian comportait plus largement 23 résistants qui furent fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien. Le poème reprend une partie de la lettre qu’adressa Missak Manouchian à son épouse Mélinée avant d’être exécuté : « Bonheur à tous, bonheur à ceux qui vont survivre / Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand / Adieu la peine et le plaisir, adieu les roses / Adieu la vie, adieu la lumière et le vent / Marie-toi, sois heureuse et pense à moi souvent »

Monument à Missak Manouchian Marseille  Vieux Port ©CathLaugier

Monument à Missak Manouchian Marseille Vieux Port ©CathLaugier

Survivant du génocide arménien, orphelin en Cilicie (actuelle Turquie) puis au Liban, autodidacte, poète, Missak Manouchian (appelé aussi Michel) arrive en France, en 1924 à 18 ans, travaille comme ouvrier menuisier ou tourneur à La Seyne, Marseille, Paris, adhère en1934 au PCF pour lutter contre le fascisme, puis à l’Internationale communiste, plus spécialement chargé de l’Union Populaire Franco Arménienne. Dans les années 30 il écrit des poèmes au sein de la communauté intellectuelle arménienne de Paris et publie dans des revues. Apatride, « Français de préférence »  il demande deux fois la nationalité française, souhaitant faire son service militaire, sans l’obtenir. Militant communiste, il adhère au FTP en 1943 et participe à la résistance armée. Sa femme Mélinée a un parcours parallèle, orpheline suite au génocide, passant par Smyrne et la Grèce avant d’être envoyée en France à Marseille en 1926, elle a alors 13 ans, puis en région parisienne où elle fait des études de secrétariat, et arrive à Paris dans les années 30, voisine et amie des Aznavourian parents du futur Charles Aznavour. Ils se rencontrent en 1934 au Comité de secours arménien puis s’engagent tous deux au PCF, se marient en 1936, militent ensemble. Résistants notamment à Paris au sein du  « Groupe Manouchian-Boczov-Rayman », il finira par être arrêté, torturé et condamné à mort avec ses compagnons tandis que son épouse, qui portait des messages et parfois des armes, échappe de justesse à la rafle. Elle ne suivra pas les vœux de son époux, ne se remariera pas, fidèle à son souvenir, et continuera à militer. Après avoir séjourné en Arménie soviétique, déçue par le stalinisme elle reviendra en France dans les années 60 et entretiendra la mémoire des résistants arméniens, avant de décéder en 1989. 

Le 21 février 2024 au soir, en provenance du « carré des fusillés » du cimetière d’Ivry-sur-Seine, après un passage la veille au Mémorial du  Mont Valérien où le public pourra le veiller, Missak Manouchian rejoindra, avec son épouse Mélinée, le Panthéon.  Une plaque commémorative y rendra également honneur aux 23 autres membres du Groupe fusillés avec lui, ou en avril 1944 pour Joseph Epstein communiste juif polonais dirigeant du FTP-MOI sous le nom de Colonel Gilles, et en mai 1944 pour Golda Bancic, résistante communiste juive roumaine membre également du FTP-MOI, guillotinée à Stuttgart. C’est la première fois que la France rend hommage au Panthéon aux héros étrangers et communistes « Morts pour la France ». Les Archives départementales des Hauts-de-Seine prêtent pour l’occasion des documents inédits. D’autres expositions ou conférences ont lieu en France en parallèle. 

«  Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement. » – Missak Manouchian

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

code

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

Archives