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Rima rime à ça !

Pierre Perret (photo Vincent Capraro)

Pierre Perret (photo Vincent Capraro)

Je dois avouer particulièrement aimer Pierre Perret. Il n’est certes pas le seul à avoir fait toute ma vie mais j’apprécie tant de choses en lui, tant de chansons, que j’en ai fait depuis longtemps un de mes plus sûrs favoris. Du plus loin que je me souviens (est-ce Tonton Cristobal, sont-ce Les Jolies colonies de vacances ?) à il y a pas longtemps, je le trouve excellent, réjouissant, touchant.

Mais le bonhomme vieillit, presque 90 au compteur. Qu’il ait la voix dans les chaussettes comme il dit ne me gène pas : c’est toujours mieux que les trémolos, mollo-mollo, de Renaud. Non, j’ai l’impression que c’est le dedans du ciboulot du Pierrot qui en prend un coup et que, désormais, parfois, il dit des conneries.

Qu’il raille Anne Hidalgo dans Paris Saccagé (objectivement une de ses – rares – piètres chansons) ne me gène pas, je ne suis pas parigot, même si je préférerai que notre Pierrot taille un costard à sa rivale, la fossoyeuse de l’aculture qu’est l’opportuniste et nocive Rachida Dati. D’autres le feront sans doute à sa place ; tenez mes propos comme un appel à projet…

Non, je suis atterré à la lecture des quelques vers qu’il vient de consacrer à Rima Hassan.

Chaque jour, et quelques soient les réprobations internationales, l’indignation légitime, les interdits de l’ONU, on tue dans la bande de Gaza : on tue pour tuer, accumulant avec satisfaction les dégâts collatéraux tous plus meurtriers les uns que les autres. Qu’on cherche à dégommer cette organisation qu’est le Hamas me semble juste (j’aime pas les terroristes) mais pas au prix de dizaines de milliers de victimes innocentes, hommes, femmes et enfants. De Gaza, Netayahu et ses potes d’extrême-droite veulent faire table rase.

Rima Hassan est cette juriste, militante des droits humains, candidate LFI de surcroît, née dans un camp de réfugiés palestiniens près d’Alep, en Syrie, qui mène une lutte contre ce carnage, allant même jusqu’à dire que « qu’Israël [est] pire que la Russie ». Je ne sais, pour ma part, s’il faut hiérarchiser l’horreur. Je sais simplement que, jour après jour, nous faisons de bien tristes additions : plus de 36 000 morts à ce jour, des Gazaouis qui ne demandaient qu’à vivre. De quoi nourrir des chansons toutes d’indignations…

L’ami Pierrot, lui, vient de tricoter quelques vers, les plus mauvais de toute son œuvre, à l’endroit de cette dame : «Mes fidèles loulous attention / Oyez en grande précaution / Les folles élucubrations / D’une pasionaria en carton / Sais-tu pourquoi Rima Hassan / En tes veines dépourvues de sang / Circule un jus nauséabond / C’est parce qu’il n’est que du poison / « Le Chant des partisans », « Lily » / Tous ces poèmes ont fait le lit / De ceux qui combattent la haine / Qui met ce sang noir en tes veines / Tu crois faire de la résistance / Tu n’résistes qu’à l’intelligence / Celle du cœur dont tu ignores le lien / Et ton combat ne rime à rien. »

Désolé, Pierrot, mais c’est là que je constate que ton art, lui, ne rime plus à rien, qu’il te vaut mieux ranger ta plume, reboucher ton encrier. Et ne plus chanter Lily, celle qui croise Angela Davis dans un meeting à Memphis. Car la lutte pour les Droits de l’Homme ne se morcelle pas : je suis pour les droits des Ukrainiens autant que pour celui des Gazaouis, pour celui des Ouïghours autant que pour ceux des frères de couleur de Lily. Je suis pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, en Chine comme en Palestine, en espérant toutefois qu’ils puissent se choisir les moins pires dirigeants qui soient (parfois je doute).

Pour moi, Rima rime à ça. J’aime quand on fait rimer l’espoir, la justice et la paix.

Au terme de ton œuvre foisonnante et belle, Pierrot, tu viens de faire une bien mauvaise faute note.

 

***

 

Les commentaires à la suite de cette « chanson » publiée par Pierre Perret sur sa page facebook témoignent le plus souvent de l’indignation soulevée par ces quelques vers. Ce à quoi Pierre Perret répond : « Mes P’tits loulous antisémites, il y a maldonne ! D’abord si vous êtes antisémites, racistes, vous ne pouvez faire partie de mes loulous ! Après avoir écrit des chansons telles que « Ferdinand » « Lily » ou « La bête est revenue », j’ai eu l’honneur – moi qui me tamponne des honneurs – de me voir attribuer par deux fois le prix de la LICRA (ligue contre le racisme et l’antisémitisme). Mes chansons sont apprises depuis longtemps dans des tas d’écoles qui portent mon nom. Non, on n’y apprend pas la haine. Non, on n’y glorifie pas non plus les bombardements de pauvres gens, pas plus que le carnage du sept octobre perpétré par de courageux barbares amis de la grande résistante R. HASSAN désolé ! Adieu donc mes faux loulous et ne perdez plus votre temps à écouter des chansons que vous ne comprenez pas ! »

17 Réponses à Rima rime à ça !

  1. Norbert Gabriel 8 juin 2024 à 21 h 06 min

    Salut
    je souscris mot pour mot à cette chronique et je suis encore plus vieux que Kemper, c’est en 57/58 que j’ai découvert Perret avec « Adèle..  » qu’il attendait pour la bagatelle … Mais depuis quelques années avec sa mémoire qui refait le film, surtout quand les témoins sont morts et ne peuvent le contredire, ça commence à sentir le moisi pour le Pierrot.. Et ses pamphlets à deux balles ça se situe au niveau CM1 de la galéjade pour minus habens .

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  2. Pierre Schuller 8 juin 2024 à 21 h 29 min

    En ce qui me concerne, ça fait longtemps que j’ai compris que le Pierrot en question est un mytho-démago-opportuniste : il y a une quinzaine d’années, lors de la parution de son livre « A cappella », quand il avait osé dire et écrire entre autres c… que Brassens avait été jaloux de son succès !!

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  3. DUFRECHOU CHRISTIAN 8 juin 2024 à 22 h 09 min

    Il n’y a pas de fatalité à devenir con avec l’âge. Enrico Macias, Pierre Perret et quelques autres sont juste de fâcheux contre-exemples.

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  4. POMMIER 9 juin 2024 à 9 h 45 min

    Excellente chronique Michel Kemper… Tu as trouvé les mots justes et sensibles car rien ne servirait à aller dans son sens de la mauvaise pente vers laquelle glisse Pierre Perret. Déjà, ses dernières chansons étaient moins bonnes. Comme beaucoup, il traite d’antisémites ses loulous qui ne sont pas d’accord avec lui. C’est de la désolation, un assassinat de Lily , de La Petite Kurde et d’autres si belles ! Un assassinat des résistants à la
    célébration de la libération. Je n’ ai pas trop suivi les infos, mais je ne suis pas si certain que les résistants tels Georges Guingouin et tous ces espagnols soient cités (j ‘espère me tromper).
    Alors, je suis content qu’ une telle chronique existe, car je ne veux pas rentrer dans des chamailleries sur le net qui ne serviraient à rien et surtout pas le soutien à militer pour la paix dans le monde et soutenir les peuples minoritaires. Enfin dommage cela lui a valu aussi des messages où fleurissent des soutiens irréfléchis en haineux envers cette jeune femme des Insoumis !

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  5. Gallet 9 juin 2024 à 11 h 18 min

    Ado, vers 1965, j’avais vu Pierre Perret dans l’Indre, en plein air. J’avais vu aussi le journal Minute dans sa Mercédès. J’ai pensé qu’il y cherchait la matière pour mieux la dénoncer… finalement… pas si sûr !

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  6. Sara Benani Arts 9 juin 2024 à 17 h 57 min

    Très bien ton article Michel Kemper ! Un de plus encore que je n’écouterai plus.

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  7. Erwan Agaësse 9 juin 2024 à 17 h 59 min

    Comme beaucoup d’amis, j’ai pris une méchante claque en découvrant la dernière « trouvaille » de l’ami Pierrot… du moins que je croyais faire parti de la famille… mais non… plus rien n’est sacré… j’ai juste envie de vomir et me dire « non pas lui ! C’est pas possible …

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  8. Christine D'Orsi 9 juin 2024 à 18 h 00 min

    Inspirée ou commanditée, si c’est une manoeuvre de diversion contre la liste LFI à 48h des élections européennes, on peut dire qu’elle a atteint sa cible.

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  9. Marcella Quemener 9 juin 2024 à 18 h 01 min

    Je suis trop déçue, il a rejoint Enrico Macias

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  10. Henri Gourmelen 9 juin 2024 à 18 h 04 min

    Depuis le C.O.V.I.D, il a pris certaines positions qui ne sont pas à son « honneur ». Quand on lit le livre de Michel Valette « Le Joli temps de la Colombe » on apprend certaines choses, sur lui, qui expliquent, peut-être, certaines de ses prises de positions actuelles. Son égoïsme y transparaît. C’est parfois difficile de vieillir et de ne pas savoir se retirer. En politique, c’est pareil !

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  11. Wilfried Roux 9 juin 2024 à 18 h 05 min

    Qu’il est difficile de voir s’effriter nos idoles

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  12. Petra Ouche 9 juin 2024 à 18 h 10 min

    ça m’attriste beaucoup cette prise de position de Pierre Perret, d’autant plus qu’il persiste en traitant d’antisémites » ceux qui seraient plus modérés que lui en ce qui concerne les paroles de Rima Hassan.

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  13. Sp Wassy 9 juin 2024 à 18 h 14 min

    Il a pété un câble le pauvre. C’était un gars que j’admirais beaucoup pour ses prises de position, notamment contre le racisme et en faveur des réfugiés. Quelle déception… La vieillesse est, malheureusement, parfois un naufrage.

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  14. Bruno-Michel Abati 9 juin 2024 à 18 h 15 min

    A Rima Hassan en réponse à Pierre Perret

    Dans tes veines coule la force d’un peuple
    Que sang et larmes n’auront jamais émoussée.
    Seul’ ta rage de vivre en paix t’aura poussée
    A être un rempart quand la haine est si ample.
    Par ce courage, que l’on cite en exemple,
    Tu braves salissures et menaces pointées
    Comme une arme vers une âme qu’ils croient blesser
    Mais dont la force inouïe se décuple.
    Un poète a osé laisser ses vers amers
    Te dessiner telle une bête inhumaine
    Aux veines corrompues d’un fluide délétère
    Sans voir qu’il rejoignait ainsi cette gangrène
    Nauséabonde qui envahit tant d’esprits
    Et que d’antan dans ses chansons il combattit.

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  15. DEBARD Gérard 10 juin 2024 à 12 h 49 min

    Certes, la chanson de Pierre Perret est mauvaise, comme l’était déjà celle sur le confinement. Ce sont là des textes de chansonniers des années 1950 (Le grenier de Montmartre), à consommer tout de suite, et non de poète.
    Pour autant, et bien que je vomisse ce que fait Netanyahou à Gaza, je ne me sens pas obligé d’éprouver quelque sympathie que ce soit pour Madame Rima Hassam qui veut rayer l’état d’Israël de la carte (« La Palestine du Jourdain à la mer »)

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  16. Charles Tellien 10 juin 2024 à 15 h 59 min

    L’impossible est advenu : Pierrot est devenu vieux. Ça ne présage rien de bon pour l’humanité !
    Quand l’auteur de Lily, que je ne peux toujours pas à 50 balais écouter sans verser de larme, sombre dans la fange du »sang impur », ce sang noir qui ne serait que poison, pour désigner une femme née dans un camp de réfugiés, venue dans un bateau plein d’immigrés rejoindre sa mère institutrice qui vidait « de son plein gré » les poubelles à Niort… Je me dis que la couleur de l’amour contre laquelle on ne peut rien, on ne devrait jamais la regarder en sépia !

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  17. Joël Luguern 4 juillet 2024 à 10 h 13 min

    Autant dire tout de suite que je partage complètement le point de vue de Michel Kemper.
    Cela étant dit, j’essaie de comprendre pourquoi Pierre Perret a écrit un tel texte. Un de mes amis, à peu près du même âge que P. Perret, est lui aussi un inconditionnel d’Israël. Il est très difficile de parler avec lui du sort misérable, injuste et tragique subi par les Palestiniens.
    Ils appartiennent à cette génération traumatisée par l’holocauste et, donc, soulagés que les Juifs aient eu une patrie où plus rien de dramatique ne pouvait leur arriver.
    Pour eux, l’Histoire des Juifs s’est arrêtée à la création de l’Etat d’Israël en 1948 et, il faut bien le reconnaître, les leaders palestiniens (en Cisjordanie et à Gaza) n’ont rien fait non plus depuis une vingtaine d’années pour s’attirer la sympathie des peuples du monde entier, notamment en Occident.
    Non, à mon avis, P. Perret n’a pas « pété un câble », n’est pas « devenu vieux », n’a pas perdu la boule. Lui non plus n’a tout simplement pas suivi (ou voulu suivre) l’évolution de la situation en Palestine depuis 1948.
    Quant à Rima Hassan, la principale intéressée par cette chanson, personne n’a le droit de lui reprocher de défendre la cause des Palestiniens réfugiés, ou maltraités en Cisjordanie ou à Gaza. Bien au contraire ! La question qu’on peut cependant se poser est celle-civ: a-t-elle conscience qu’elle est récupérée pour des raisons bassement électoralistes par les chefs de son parti ?

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