38 ans après, Vitor Hublot boucle enfin son hommage à Brassens
Guy Clerbois alias « Vitor Hublot » (photo non créditée)
Des reprises de Brassens, il y en a de toutes sortes, bonnes ou mauvaises, les pires étant celles qui, se voulant fidèles à la virgule près, n’apportent rien sinon notre ennui. J’ose : aussi ennuyeuses qu’un Bertola. Rien qu’en écrivant ces lignes, me viennent des noms en tête, pudiquement je les tairai. Il y a aussi des chefs d’œuvres : Contrebrassens, Yves Uzureau, Maxime Le Forestier et quelques autres, qui font ou devraient faire partie de toute discothèque bien ordonnée. Comme directeur de collection chez EPM, j’ai réalisé il y a deux ans un Brassens pas piqué des hannetons qui est une de mes grandes fiertés où vingt repreneurs, de Jamait à Mélanie Dahan, de Romanens à Forcioli, des Aristo à Mayoud, de Boutet à Yacoub, font singulière résonance au chanteur à la pipe.
L’histoire du projet « Brassens selon Vitor Hublot » est chaotique à souhait. Vitor Hublot ? Un groupe uninominal belge qui, au gré de ses pérégrinations, se renforce de diverses collaborations.
Ce « un » de Vitor Hublot, c’est Guy Clerbois, l’Attila de la chanson, le grand Maître de l’underground wallon, qui, il y a trente-huit ans, se souvient d’une phrase de Brassens et la prend au mot : « Ce qu’il y a de bien dans l’anarchie, c’est qu’il n’y a pas de véritable dogme, je ne désapprouve jamais rien, c’est d’ailleurs ça qui est exaltant ».
Ainsi débute une saga d’embûches et de rejets : Vitor Hublot sort en 1987 un 45 tours explosif, en fait une adaptation sauce Clerbois de La Mauvaise réputation, chanson qui, se le rappelle-t-on, fut la première censurée de Brassens. La version de Clerbois connut la même destinée, coquin de sort. « L’hommage est parfait car le rejet fut brutal : silence médiatique, censure tacite, disquaires hostiles » se remémore-t-il. Déçu, défait, déconfit, Clerbois renonce à poursuivre.
Vingt années se passent quand, à la faveur du net, la machine Vitor-Hublot se remet en marche, imaginant un triptyque de reprises de Brassens : trois fois 30 minutes. Le premier CD sort, avec un casting pour le moins éclectique : Jeff Bodart, Jil Caplan, Stéphanie Coerten, Lou Deprijk, Jacques Duvall, Renaud Janson, Thierry Mondelaers, Jean-Louis Sbille, Gilles Verlant, Pierre Vervloesem et les Talbot Sisters. Du lourd, de l’osé. Bienheureux ceux qui possèdent cet enregistrement car, sur un regrettable malentendu (entendu qu’il convient parfois de dresser l’oreille) il fut vite bloqué suite à l’intervention du neveu de Brassens. Le disque passe au pilon. NosEnchanteurs, qui l’avait reçu en service de presse, en fait alors une chronique sur le thème de la censure (c’est à lire ici).
Clerbois et le neveu, Serge Cazzani, se rencontrent enfin. Celui-ci reconnaît volontiers que Clerbois se serait bien entendu avec Georges. Le projet redémarre à presque zéro, mais cette fois-ci en deux volumes. Au générique du premier, réédité, s’ajoutent Philippe d’Avilla, Didier Odieu, Isabelle Wery et Yohadane. Cet album, urticant mais savoureux à souhait, est à nouveau ignoré des médias, comme s’il touchait à un tabou, qu’on ne pouvait toucher à Brassens. On doit pouvoir avec de la soie ou du satin, pas avec de l’abrasif ! A trop respecter Brassens, on le dénature, on le dévitalise. Ça, Clerbois l’a bien compris, mais on le lui refuse.
Ce n’est que quatorze ans après que Vitor Hublot clôt ce projet débuté en vinyle, poursuivi en CD et achevé en numérique. Le « Brassens selon Vitor Hublot 2 » est tout aussi éclectique avec cette fois-ci Stéphanie Coerten, Marie Dury, Jacques Duvall, Jean-Luc Fonck (Sttellla !), Gene Kelly, Thierry Mondelaers, Jean-Louis Sbille, Isabelle Wéry et les Trans Vitor Express.
Ecoutez-le, vous aimerez ou pas, mais au moins il existera à vos oreilles, il vous aura été proposé. Dire qu’il aura fallu trente-huit ans « de passion et d’obstination » pour que Guy Clerbois en arrive là !
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