La déferlante submersive de Denez
Denez (photo Pierre Terrasson)
Treizième disque (son précédent, Ur mor a zaeloù, remonte à 2022), pour le barde breton qui, après plusieurs superbes albums de gwerz, pose à présent son dévolu sur la chanson marine, avec la prétention de revisiter le patrimoine maritime chanté dans une orientation musicale plus actuelle. Disons-le sans ambages : ce nouveau pari de Denez est amplement réussi, quand bien même il peut, d’une plage l’autre, légitimement surprendre.
Quinze titres dans ce Toenn-vor (que vous traduirez par « toit de mer » ou par « déferlante submersive ») parmi lesquels des gwerz, complaintes et ballades, ronds de la côte, chants de bord et chants de travail, en breton comme en français. Des classiques (Calfats, La Tramontane, Les Filles de Lorient…) et d’autres chansons moins connues, mais avec plus ou moins un traitement différent. Tout est ici porté par « un enracinement à la mer et à la mémoire bretonne ».
A le lire, à l’écouter dans ses interviews, Denez se réfère à des groupes incontournables de la scène bretonne : Cabestan et Djiboudjep, objectivement deux piliers de la chanson de marin. Dans un style que d’aucuns pourraient tenir pour un peu vieillot. C’est donc le postulat de Denez Prigent : y injecter de la modernité : « Il était important de ré-ancrer une partie de ce répertoire dans le monde contemporain, en utilisant notamment des instruments issus de technologie nouvelle : des percussions modernes, des batteries, des claviers, des boîtes à rythmes pour rappeler aux gens que ce n’est pas du folklore et du passé, mais quelque chose d’intemporel ». Même si on peut se demander en quoi l’accordéon diatonique, les guitare, clarinette et violoncelle (pour Cabestan par exemple) seraient ringards aux plus jeunes oreilles, il est agréable et probant d’écouter la proposition de Denez, d’aller, au gré des titres, d’une interprétation presque « traditionnelle » à un déferlement de musique électronique (faite de synthétiseurs et séquenceurs), avec toujours un très grand intérêt, une indéniable esthétique et la voix de Denez qui, on le sait, est gage de qualité.
Des chansons tirées de la tradition des gens de mer mais pas que. Tri ano (Trois noms) est ainsi une création de Denez, tandis qu’Amsterdam… Car c’est par cette reprise du titre de Brel, « chanteur de cœur de Denez » que s’achèvent ces « chants des sept mers ». Et Denez de nous confier : « Adolescent, je chantais déjà Amsterdam ; j’ai même gagné deux prix en radio-crochet avec ce titre ! »
Visionnaire, inspiré et ma foi courageux, ce disque à coup sûr s’inscrira dans les annales bretonnes au titre d’un grand classique.
Denez, Toenn-vor / Chants des sept mers, Arfolk 2025. Le site de Denez, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.




La voix de DENEZ dégage une intensité émotionnelle inouïe.
Artiste bouleversant, DENEZ vous retourne l’âme.