Henri Gougaud, 1936-2024
Un poète de plus s’en est allé, sur la pointe de la plume. Le 11 mars dernier, sur sa page facebook, il s’adressait à celles et ceux qui, chaque jour, le suivaient dans ses publications toujours aussi poétiques : « Chers amis, Les temps sont venus où nos routes vont se séparer, je vais désormais emprunter les chemins de l’intime au gré de l’amour de mes tout proches. Je me laisse découvrir chaque matin l’imprévisible, qu’il m’emporte encore plus loin vers le désir et la force de dire oui, de dire non, de rire au ciel, d’écouter la tendresse. Si vous voulez me retrouver, feuilletez les pages des livres que j’ai écrits, fredonnez les ritournelles que j’ai chantées, j’y serai tel que vous m’avez connu. Comme je ne me suis réclamé de personne, ne vous réclamez pas de moi. J’ai eu pour ambition secrète que mes mots vous délestent des maîtres et chapelles qui vous empèsent les rêves. »
Henri Gougaud est de ces auteurs qui écrivent des chansons et des livres avec des mots gourmands, charnus, bien vivants, habités d’êtres humains dans leur quotidien, de saveurs, de couleurs, de parfums, de paysages, d’amours et de colères. Des mots chantés par Jean Ferrat, Juliette Gréco, Christine Sèvres, Francesca Solleville, Serge Reggiani, Jacques Bertin, Les Frères Jacques… Des histoires, réelles ou non, racontées à la radio à partir des années 1970, grâce à Claude Villers, puis sur RTL en 2016-2017.
Écoutons par exemple cette chanson de 1967 écrite pour Ferrat (qui mit en musique une vingtaine de textes de Gougaud) : « Prisunic aux soleils d’aluminium fleuri / Je flâne en vos jardins d’ustensiles étranges / Prisunic Prisunic en passant je souris / Aux petites vendeuses couleur de pschitt orange ».
Ou dans cette chanson à écouter sur coffret paru chez EPM en 2023, Rome fléau du monde, enregistrée à l’origine sur un disque produit en 1972 par Cavalier ( la société de production créée par Hélène Martin), lequel reprenait des poèmes des anciens troubadours occitans, ici Guilhem Figueira, adaptés et mis en musique par Gougaud : « Rome, votre filet vous savez bien le tendre / Les morceaux mal acquis vous savez bien les prendre / Car vous portez en vous sous un air d’agneau tendre / Cœur de loup effréné / De serpent couronné / Et le diable vous aime ainsi que salamandre / D’infernale amitié ».
Henri Gougaud aimait transmettre son amour des mots en proposant régulièrement des stages autour du conte, sa deuxième vie, son autre intime forme d’écriture. Comme il n’aimait pas les honneurs ni les chapelles, saluons-le simplement en le relisant et en chantant un sombre présent et un futur meilleur : « Un jour, quand sera sec et stérile le ventre / Énorme des fascismes, un autre temps viendra / Et reviendront les morts qui ne pourrissent pas / Ils descendront du train, ils secoueront la cendre / De leurs vieux vêtements démodés. Un matin / Ils pleureront de joie dans des gerbes de mains / Parmi les travailleurs à l’aube juste éclose / Avec, dans leur poing bleu, le soleil vertical / Entre les dents des jours une rose scintille / Dans Prague aux doigts de pluie où chantera Nezval. » (Les poètes assassinés, sur le disque La dérive, 1976, Disques Cavalier).
« Rome fléau du monde » :
« Les Poètes assassinés », par Jacques Bertin :
Merci pour cet hommage à cet homme que j’ai eu la chance de croiser sur mon parcours. J’étais un de ceux qui recevaient ses mots quotidiennement, avec beaucoup de chaleur et de joie. Il me manquera comme il manquera à la poésie.
Beaucoup regretté quand il a arrêté sa carrière d’auteur de chansons, de chanteur.
Ses activités suivantes nous permettaient de le suivre, mais quand même … regrets.
« A peine a-t-on le temps de vivre qu’on se retrouve cendre et givre » Henri Gougaud, vient de dire « adieu, et pourtant » il y avait « tant à faire avant que les mains de la terre » lui « ferment à jamais les yeux. » lui qui voulait « que nul ne meure avant d’avoir un jour une heure aimé toutes voiles dehors »
Un grand conteur s’en est allé faire briller les étoiles de l’autre coté du miroir… J’ai eu la chance de croiser son chemin. Souvenirs émus de sa présence et si belle humanité. Il nous invitait en son royaume et s’assurait que la porte reste toujours ouverte.
Un enchanteur du monde, un bel humain, un sage sans drapeau : son oeuvre est magnifique
Fini le plaisir de ses mots quotidiens.
L’homme des mots, ce merveilleux conteur, chemine désormais dans le monde des poètes. Reste pour nous sa voix et sa belle humanité.
Pour avoir côtoyé Henri Gougaud comme maître et comme Ami, je peux affirmer qu’un grand Homme nous a quittés. Il nous a enseigné à délaisser « le bruit du monde » pour célébrer la VIE. Il est celui qui m’a donné la clé pour tracer mon chemin de Vie. Ma pensée pour lui va au-delà des remerciements.