Mengo, métier d’Art
Tout au long de cette semaine, nous reviendrons sur le festival « Pas des poissons, des chansons » dont la cinquième édition s’est déroulée ce week-end de cloches et d’œufs en chocolat à Annonay, en Ardèche. Sans aucun soucis de chronologie, débutons par ce récital de presque clôture du 3 avril au Théâtre municipal. Un grand moment avec Art Mengo, bel artisan de la chanson qui s’en est venu revisiter avec nous ses vingt ans de métier d’Art.
« La vie de château, c’est rien, que dalle / Changer les coutumes et les us / Se rejoindre à l’horizontale / Chaque jour comme une nuit de plus… » Ça jazz et ça blues, parfois tangotte, ça a des couleurs chaudes de plein soleil, guitare ou piano, et ce chromatique étonnant qui jamais ne manque de soufflet. C’est bonheur, presque vie de château en ce Théâtre municipal. Une scène où c’est chauve qui peut : deux presque frères, presque clones, pas un cheveu sur les cailloux que les projos prennent, sans se tromper, pour autant de pépites. Complicité oui, la magie première de ce récital est là, entre le chanteur, Art Mengo, et son accordéoniste, Lionel Suarez, un que les artistes s’arrachent. On se dit que la rencontre entre les deux était inévitable. Elle est heureuse. C’est tournée anniversaire pour Mengo que celle-ci : « Vingt ans que je sévie de ma douce présence dans la chanson… » L’occasion est belle de revisiter, de toiletter l’œuvre passée, prélever à l’existant, en faire comme quintessence. De « faire le compte des écarts, le bilan d’usure, le récit des blessures, des faiblesses. » Et c’est parti pour un confortable voyage où prédominent les thèmes de la vie, de l’amour et de la mort (« Demain, demain / J’emmerderai le monde / Perché sur mes décombres / J’insulterai la mort / Et je crierai encore »), en une chanson impliquée où le « je » prédomine. États d’âmes et de corps, en de belles mélodies jazzy où les mots coulent de source, par une voix légèrement nasillante qui elle-même est musique, presque instrument. Pas d’effets de manches superflus, seul le talent et la simplicité prédominent. Par cette formule, les amateurs d’Art découvrent d’autres focales, d’autres arrangements, tous (dé)taillés dans l’excessive douceur, recueillement presque. Comme pour cette Lettre à Milena, de Kafka : « Permettez-moi Madame, de me taire aujourd’hui / Je vous laisse mon âme et je reprends mes nuits. » Beau moment, affranchi du temps, sincère et généreux. De la chanson considérée comme un art… C’en est un.
On lira l’excellent papier de Bertrand Dicale sur Art Mengo paru dans Chorus n°69 ; le site d’Art Mengo, c’est ici.
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