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Les stars et la loi du marché (noir)

C’est la fronde, la colère, la sainte croisade. Zaz, Christophe Maé, Yannick Noah, Camille, Grégoire, Bénabar, Nicolas Sirkis (Indochine), Yael Naim, Pascal Obispo et quelques autres s’insurgent contre la revente des billets de leurs concerts au marché noir sur le net, demandant aux pouvoirs publics « d’agir contre cette pratique qui fait s’envoler le prix des places. » Car « l’accès à la culture ne saurait être un luxe ! » chantent-ils en chœur, la main sur le cœur et la larme à l’oeil.
Certes, certains billets sont revendus jusqu’à cinq fois leur prix sur internet. Certes, le marché noir c’est pas terrible (c’est d’ailleurs souvent une économie qui témoigne d’un temps de crise…), c’est du reste illégal. Certes des prix de places vendues à 200 euros pour voir Les Enfoirés (le site Viagogo.fr a même déjà proposé des billets pour le spectacle des Enfoirés à 1500 euros pièce, alors que le prix fixé par les organisateurs était 20 fois moins élevé) c’est de fait une manne, un bénéfice qui n’ira pas aux Restos du Cœur et donc dans l’assiette de leurs bénéficiaires. Certes.
Présentement, ce n’est pas ça qui me chiffonne, non. C’est l’argument « l’accès à la culture ne saurait être un luxe » qui me laisse pantois… Ces stars-là, que je sache, ne se produisent que dans les Zéniths ou dans des trucs d’égales dimensions. Et les prix d’entrée sont chaque fois élevés, très élevés (tiens, Hallyday, l’exilé fiscal, c’est entre 55 et 130 euros pour sa prochaine tournée française, hors Stade de France ; Age tendre et tête de bois, c’est 50 euros…). C’est que, voyez-vous, le disque ne fait plus fortune, s’effondre même, et il faut bien aller chercher le fric ailleurs. Ce que les consommateurs, cochons de payants, ne dépensent plus en disques, ils le payent au prix fort en achetant leurs places de concerts : on compense en augmentant exagérément les cachets et les intermédiaires, donc le prix des places. Vendeurs au noir ou pas, le précieux billet pour aller applaudir son idole est bien souvent un luxe, je n’ose dire carrément du vol. Mais telle est la loi économique, celle de l’offre et de la demande.
Si tous se précipitent sur Noah ou sur Grégoire, ces chanteurs prendront plus encore de la valeur et demanderont plus cher encore. Logique en cette société où la seule valeur qui vaille est le fric.
Alors on peut comprendre l’inquiétude de nos idoles : si les négociants du marché noir, dans la rue ou sur le net, font largement leur gras sur ces billets, les portant même au prix du caviar, le budget spectacle des ménages en sera d’autant plus touché. Ce qui veut dire moins de sorties, et par conséquence moins de rentrées pour ces artistes avides d’engranger un max de blé au cas où, va savoir, leurs carrières les conduisent un jour à l’inexorable oubli. Que voulez-vous, c’est la complexe loi du marché.

Avez-vous remarqué que nous parlons là d’économie de la chanson et de gros sous, en aucun cas de sa dimension artistique ? A un certain degré de ce juteux bizness, ça ne compte plus.

23 Réponses à Les stars et la loi du marché (noir)

  1. Norbert Gabriel 13 février 2012 à 9 h 05 min

    Je ne sais pas comment fonctionne exactement le système des tournées, et qui fixe le prix des places, mais je me souviens d’une anecdote avec Mouloudji, après un concert dans une ville plutôt ouvrière, un responsable local lui a dit que son asso l’aurait bien invité mais qu’il était trop cher. Mouloudji s’est inquiété du tarif auquel était vendu son spectacle, et par rapport à son cachet, il y avait, comment dire ? une disproportion assez effarante, d’où un prix de place élévé. Par la suite, quand il est venu dans certaines villes comme Roanne (Loire) en 1982 ou 83, il traitait en direct Dans ce domaine, le prix des places, je suis toujours assez effaré des tarifs pratiqués par les salles qui reçoivent des humoristes en stand up, une personne seule en scène et des places à 25/30 euros.
    On peut se demander comment des artistes de la chanson qui s’autoproduisent dans des salles de 100 places , avec deux/trois musiciens arrivent à survivre avec des places à12/15 €n sachant qu’il faut payer la salle, les techniciens et les musiciens, et que les 100 places plein tarif sont souvent un petit miracle.

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  2. Floflorim 13 février 2012 à 9 h 24 min

    @ Norbert Gabriel : c’est simple, la plupart du temps, il n’arrivent pas à vivre de leur musique : je peux en témoigner ! Et passer à l’étape supérieure tiendrait du miracle ou de la compromission aux grosses boites de prod !

    @ Michel Kemper : les artistes des majors ne sont que le relais de leur entreprise de toute façon. Si l’entreprise dit que la vente au marché noir ou le piratage, ce n’est pas bien, ils disent la même chose. Ce ne sont que des jouets, des produits… jetables qui plus est !

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  3. Delorme 13 février 2012 à 10 h 30 min

    « c’est simple, la plupart du temps, il n’arrivent pas à vivre de leur musique »

    Tout le monde ne peut pas vivre non plus de la musique et tout le monde ne fait pas une musique suffisamment intéressante pour prétendre en vivre.

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  4. Beline 13 février 2012 à 10 h 49 min

    « On peut se demander comment font les artistes de la chanson qui s’auto produisent dans des salles de 100 places » : les artistes de la chanson mais aussi les instrumentistes divers et variés survivent souvent, pour les plus chanceux, grâce au statut de l’intermittence du spectacle qui permet à celles et ceux qui ont la chance de rassembler suffisamment de travail pour y avoir accès, d’investir dans la diffusion de leur spectacle. Quand on s’auto produit, c’est que l’on joue « à la recette » et les sommes sont souvent petites d’autant qu’en plus, dans certains cas, il faut « louer » la salle. Le public le sait rarement car les artistes ont quelquefois de la difficulté à avouer que non, ils n’ont pas « vendu » leur concert à un diffuseur. Je parle des petits bien sûr. La cour des comptes vient de pointer le déficit provoqué par l’intermittence du spectacle, je me pose des tas de questions et j’avoue que la complexité du sujet me laisse sans voix : quels modes d’action engager si on remet en question cette couverture sociale ? Est elle toujours adaptée à la situation actuelle ? Chaque fois que je monte un nouveau projet discographique ou de création de spectacle, je l’engage sur mes fonds propres, je considère que la société me le permet car je bénéficie (encore…) de ce statut. Mais si ce « statut » disparaît, compte tenu de « l’industrie show biz-laminoir », je pense que beaucoup de créations seront atteintes. Il y aurait beaucoup à dire car il arrive, chez les « petits », que la lutte pour la survie engendre des attitudes peu dignes comme celle de jouer au noir …
    Et même quand les places sont peu chères, pour ceux qui gagnent peu, c’est encore trop.
    Je rêve d’une mobilisation générale du monde de la culture « du bas » pour faire la nique aux gros vilains et s’organiser pour inventer un réseau parallèle vif et dynamique. Hélas, mon expérience au sein d’une grande fédération me montre que c’est un doux rêve, car même chez les « petits », il y a des bandits de grands chemins qui fonctionnent comme les gros du Show Biz. Sans doute suis je sortie du sujet…
    Merci pour ce blog Michel.

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  5. Laffaille Gilbert 13 février 2012 à 10 h 52 min

    D’accord avec la phrase de Pierre Delorme : effectivement, vivre de la musique n’est pas un droit et tout le monde ne fait pas une musique suffisamment intéressante pour pouvoir prétendre en vivre. Le problème c’est que Grégoire, Christophe Maé, Bénabar et quelques autres… – hum, comment dire ? – font des musiques nettement moins intéressante que Jean-Claude Vannier, Romain Didier, Dick Annegarn ou Camille pour ne parler que de chanson. Mais combien d’artistes immenses dans le classique ou le jazz qui ne vivent pas de leur art !!!

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  6. FESTIV'ART 13 février 2012 à 10 h 55 min

    Oh là, là… il y aurait tant à dire !!
    @Norbert Gabriel : La flambée du prix des places fixé par un tourneur / producteur (je sais pas vraiment ce qu’il convient d’écrire) c’est un constat parfois consternant, même à l’échelle de ceux qui sont qualifiés d’émergents.
    Une petite anecdote au passage : je propose en 2009 au duo Délinquante de se produire à Lavelanet dans le cadre de la saison culturelle pour le Printemps des Poètes dont le thème cette année là est « En Rires ». Quel ne fut pas notre effarement (et le leur !) quand leur production d’alors nous a réclamé 5000 € ! Je m’empresse de dire que ce n’est pas à ce tarif – loin s’en faut – qu’elles sont venues. Grâce à nous, elles découvraient le prix de vente de leur concert ! Très récemment un ami musicien m’a confié son désarroi et sa tristesse de découvrir le montant auquel son concert était vendu… Nous sommes là à un très modeste niveau mais les pratiques sont identiques.
    @Pierre Delorme : C’est assez brutal dans sa formulation mais sûrement exact. Je m’en rends compte tous les jours… Comment imaginer que tous ceux qui nous sollicitent chaque jour, puissent « vivre de leur musique » ? Une fois encore je pense aux écrivains, aux plasticiens… pour qui ce rêve n’existe pas !

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  7. Michèle 13 février 2012 à 11 h 01 min

    …j’aime bien la réflexion de M.Delorme, quoiqu’un peu sévère. Intéressante, l’anecdote de Mouloudji. Je sais que le chanteur Jann Halexander, pourtant pas très connu (on peut dire qu’il a un certain public mais pas forcément un public certain) même s’il est passé un peu à la télé, fait des places assez chères, quelque soit le type de salle (Magique, Angora, Archipel, Sentier des Halles). C’est un cas assez rare dans les nouvelles générations de chanteurs de « chanson française » et la politique des prix de son petit label avait été souvent contestée. Il s’était expliqué avec un journaliste en disant que, sur Paris, le public parisien était très condescendant vis à vis d’un spectacle où les tarifs étaient très bas mais venait quand les tarifs étaient plus élevés. Il trouvait cela aberrant lui-même en rappelant qu’ailleurs en Europe, sachant que la France paraît-il offre une meilleure protection et un meilleur cadre de travail aux artistes, cela pouvait être pire puisqu’en Allemagne il faisait les places à 25 euros pour une heure de concert. Du coup, même si peut trouver dommage que l’accès à la culture soit cher, on ne doit pas s’étonner que certains continuent de chanter, d’exercer leur art, même dans des conditions difficiles quand d’autres se retrouvent sur le bord de la route (l’artiste lui-même a confié qu’il était privilégié et que rien n’était acquis). Un artiste, petit ou gros, un peu malin, joue aussi avec les règles de marketing + loi du marché de la société actuelle où effectivement l’argent, l’apparence sont des mots-clés. On peut le déplorer mais on aurait beau jeu de le leur reprocher.

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  8. Norbert Gabriel 13 février 2012 à 11 h 06 min

    « tout le monde ne fait pas une musique suffisamment intéressante pour prétendre en vivre. »

    C’est vrai, mais est-ce que tous ceux qui vivent bien de la musique font une musique intéressante ? ou des produits bien marketés ? Je ne connais que la play list de France-Inter mais, depuis quelques temps, dans cette play list j’ai l’impression d’entendre des nouveaux talents play listés qui sont des clones presque parfaits de talents pas si vieux comme Dominique A ou des artistes qui en scène sont désespérants d’amateurisme, et je vois souvent des artistes de scène qui n’auront jamais le privilège de la play list et qui font des spectacles qui emballent le public par leur créativité, la rigueur de la mise en scène qui en font un pur moment de bonheur, une heure d’enchantement total, alors que souvent en 5 mn j’ai le sentiment de m’être ennuyé 2 heures. Pour différentes raisons, mais aux dernières Muzik Elles, le spectacle de Carmen Maria Vega c’était une heure de totale réussite et juste après, Mademoiselle K une petite cata, à cause d’une sonorisation désastreuse, on ne comprenait rien du tout (c’est le seul spectacle défaillant sur ce point de la soirée). Et de cette soirée, j’ai le sentiment que l’une est surexposée et l’autre sous exposée, Carmen Maria Véga, je l’ai revue à la Cigale, et c’est épatant, totale réussite. Je ne sais pas si elle en vit bien ou pas bien sur le plan matériel, mais au moins elle peut être fière de sa vie artistique.

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  9. Danièle Sala 13 février 2012 à 11 h 20 min

    « Tout le monde ne peut pas vivre non plus de la musique et tout le monde ne fait pas une musique suffisamment intéressante pour prétendre en vivre. » Certes, mais certains prétendent faire de la musique intéressante parmi les stars et en vivent très bien, ainsi que ceux qui les entourent. Et il y a un public qui marche à fond dans ce système. Quand on pense que pour le prix d’un concert de Johnny, on peut voir plusieurs « Michèle Bernard », « Céline Caussimon » ou « Gilbert Laffaille », mon choix est fait.

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  10. Christine MIrété 13 février 2012 à 12 h 33 min

    Un jour un ami m’a offert une place pour aller voir Serge Utgé-Royo en concert… Pour moi qui suis encore actuellement au RSA, la place coûtait… 2 euros !!! Je veux dire que pour tous ceux et toutes celles qui sont au RSA, les édition Hudin de et par Christine Hudin, la place est à 2 euros ce qui, personnellement, m’a fait découvrir un type super. Après, j’ai eu la chance de voir, lors d’un printemps des poètes dont le thème était le rire, Gilbert Laffaille disant des poésies… gratuitement. Des petits trucs, comme ça, qui font que l’accès à la bonne chanson française et à la culture n’est pas cher et vous donne envie d’y aller.

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  11. Michel TRIHOREAU 13 février 2012 à 12 h 36 min

    A force de mélanger QUALITÉ et QUANTITÉ, on ne va plus rien comprendre !
    Sortons du domaine passionnel de la chanson :
    Mon copain Robert vend des légumes bio qui sont excellents et pas beaucoup plus chers que ceux vendus à Carrefour ou Leclerc. Il a mis dix ans avant d’arriver à en vivre, mais il en vit. Il n’a pas pour objectif d’être le PDG d’Auchan ou de Champion.
    90 % des chanteurs ressemblent à mon pote Robert et s’en sortent plus où moins en vendant, certains d’excellents produits, d’autres de pas si mauvais que ça. Les 10 % restant sont dans les grandes surfaces du show-business et ils sont mangeables pour la grande majorité de la population, certains mêmes sont excellents.
    Ce qui est en cause, ce n’est pas (seulement) le pouvoir d’achat de la population (ou de la masse), mais son ignorance et sa paresse :
    Il faut aller chercher le public pour lui montrer qu’il existe des produits de qualité (dont aucun média ne parle), lui faire goûter la différence. Ce public paresseux (et il a des excuses) n’est pas stupide, il fait rapidement la différence entre qualité et médiocrité. S’il découvre des chanteurs de talent dans une petite salle près de chez lui, il y retournera (voir l’expérience des Chant’appart en Vendée).
    Il manque des relais associatifs, des responsables municipaux honnêtes et intelligents et des médias qui font leur travail d’information correctement.

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  12. Christian Landrain 13 février 2012 à 12 h 38 min

    J’ai le souvenir d’être allé un soir (au culot), à la rencontre de Ricet Barrier à la fin d’un de ses spectacle. Le même culot me fait lui proposer de venir chanter au Picardie, un restau Ivryen où notre assoc. programmait des cabarets de chansons une fois par mois. Je lui explique en quelques mots notre démarche. Et il me dit « banco, je viens. Je refuse des contrats dans des salles plus importantes si l’interlocuteur me parle de tarifs, de billeterie, de contrats, dans des termes mercantils. Mais là, je te dis oui « . Et il est venu ! Pas pour le malheureux cach’ton proposé (le même pour tous nos invités, connus ou pas) mais pour son plaisir de choisir des chemins de traverse afin de venir à la rencontre d’un public qui n’aurait pas eu accès à ses prestations scèniques dans d’autres circonstances… Spectacle magique ! Des deux côtés de la scène.
    Chris Land

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  13. Michel TRIHOREAU 13 février 2012 à 12 h 41 min

    Poste Criptome !
    J’ai vu aussi dans de petites salles des chanteurs d’une navrante médiocrité ou simplement d’une platitude exaspérante, qui découragent évidemment la soif de découverte du public. Ce n’est pas parce qu’on fait un métier qu’on est bon. Les mauvais boulangers ne font pas fortune, mais les bons ne deviennent pas Poilane pour autant !

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  14. Delorme 13 février 2012 à 13 h 39 min

    @ Danièle
    comme dit Michel, ne mélangeons pas tout ! Ni Michèle Bernard, ni Gilbert Laffaille, ni d’autres que vous devez apprécier, ne sont en mesure de proposer ce que Johnny propose : un véritable show. Et ça n’est pas la même chose. Vous avez le droit de préférer les petites salles et les artistes confidentiels, mais d’autres ont le droit de préférer le « show » où l’on en prend plein les mirettes !
    L’amateur de chanson dite de qualité évoque souvent le manque de curiosité du public, mais eux-mêmes ont-ils eu au moins une fois la curiosité d’assister à un grand show pour voir de quoi il s’agit ?
    Je suis aussi assez d’accord avec Michel encore dans sa dernière note, j’ai vu de nombreux cas où le public plein de bonne volonté et curieux a fini par se lasser et déserter les petites salles à force de s’y ennuyer.

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  15. Norbert Gabriel 13 février 2012 à 15 h 10 min

    Complétons les infos, c’est une petite salle dans un lieu prestigieux, c’est une artiste qui emballe le public par sa présence scénique, et ses chansons à l’insolence punchy et pertinentes, et on en prend aussi plein les mirettes, pour pas cher, c’est Céline Caussimon, et c’est là
    http://resistancechanson.hautetfort.com/archive/2012/02/13/celine-caussimon-au-lucernaire.html
    pour tout savoir sur cette sériale chanteuse qui va faire les beaux dimanches du Lucernaire.

    http://www.youtube.com/v/uVfP99xn64g&fs=1&source=uds&autoplay=1

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  16. Danièle Sala 13 février 2012 à 16 h 18 min

    Eh bien voilà, je préfère la sincérité, le talent , l’impertinence et le punch de Céline Caussimon à voir et écouter dans une salle à dimension humaine où l’on peut vraiment communier avec la chanteuse que le style ostentatoire et bling-bling d’un concert de Johnny, ou de toute autre marionette du show-business, mais comme vous le dites, à chacun ses goûts !

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  17. Jean Théfaine 13 février 2012 à 16 h 59 min

    Bon, c’est vrai que les pétitionnaires auraient pu éviter l’expression « l’accès à la culture ne saurait être un luxe » quand on voit les prix qu’atteignent l’entrée à leurs propres concerts. Et à bien d’autres, hélas. De là, cher Michel, à les soupçonner des arrières-pensées machiavéliques que tu leur prêtes (je te cite: « Alors on peut comprendre l’inquiétude de nos idoles : si les négociants du marché noir, dans la rue ou sur le net, font largement leur gras sur ces billets (…), le budget spectacle des ménages en sera d’autant plus touché. Ce qui veut dire moins de sorties, et par conséquence moins de rentrées pour ces artistes avides d’engranger un max de blé »), il y a un fossé que je refuse de franchir. Globalement, j’en suis sûr et sans être particulièrement naïf, leur appel à lutter contre les dérives du marché noir est sincère. Parce que ça fait déraper encore un peu plus un système en passe, si ce n’est déjà fait, d’être hors de contrôle. La pierre est d’abord dans le jardin des producteurs-tourneurs qui engrangent encore et encore avant, qui sait, une apocalypse éventuelle dans le domaine du spectacle vivant lui aussi. Les salles des « grosses pointures” étant pleines, pourquoi se priver ? Le cynisme fait partie du métier, au seul critère de l’offre et de la demande. Rien de neuf sous le soleil : ça a toujours été le cas. Perso, bien que ce soit généralement à cent lieues de mes « tropismes », je ne vois pas au nom de quoi on ferait la gueule à ceux et celles qui sont prêts à casser leur tirelire pour voir des artistes « formatés », au seul fait qu’en face il y aurait une « bonne chanson » française « injustement » boudée et des artistes qui rament, faute de public. Dans ces artistes-là, j’en conviens, il y a des figures magnifiques qui mériteraient un meilleur sort, des émergents doués qui ne trouvent pas la clé, faute de relais médiatiques ou institutionnels, mais aussi pas mal d’ACI en mal d’une reconnaissance qu’ils ne trouveront jamais, faute d’ »épaisseur », chaque mois qui passe les laissant un peu plus meurtris, un peu plus aigris. Mais qu’y faire? On peut, bien sûr, réouvrir ici, le débat récurrent sur « les radios qui ne font pas leur boulot » et les médias écrits « qui ne s’intéressent qu’aux people, à ceux qui ont déjà réussi ». C’est vrai, bien sûr, mais est-ce que les choses ont fondamentalement changé de ce côté-là ? Le temps des trois chaînes de télé et des quelques radios nationales n’est plus. Celui de Denise Glaser (que j’aimais beaucoup), d’Albert Raisner et tutti quanti non plus. Il est permis d’être nostalgique (je le suis à petite dose, mais sans plus), mais gaffe à ce que ça peut induire de négatif. On avance, on avance, même si, pour certains, on recule, on recule. Pour avoir été « élevé » à la chanson, mais aussi à bien d’autres sources (rock, jazz, musiques du monde, etc.), je comprends mal certains replis monomaniaques. Avant, c’était mieux ? Demandez donc à un Guy Monfaur, qui s’est suicidé en 1986, après une grève de la faim, parce qu’il était désespéré, lui le mec bourré de talent, que rien ne soit fait pour aider à éclore et s’épanouir ses collègues artistes. Bon, je sais que je ne vais pas me faire que des amis après ce long commentaire, mais c’est la règle du jeu. Et je suis prêt à rebondir si je suis interpellé ! Ah, j’allais oublier : c’est quoi, au juste, une « bonne chanson française » ?

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  18. Jean Théfaine 13 février 2012 à 17 h 00 min

    Juste un petit ajout : je suis entièrement d’accord avec Michel Trihoreau.

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  19. Danièle Sala 13 février 2012 à 18 h 37 min

    Jean Théfaine, personne n’a dit qu’avant c’était mieux. « Le cynisme fait partie du métier, au seul critère de l’offre et de la demande. » Seulement, si tous les artistes étaient également proposés dans les médias, le public pourrait faire son choix, ce n’est pas le cas, on nous impose, on nous matraque, quand une star de la chanson sort un nouvel album, on l’entend à longueur de journée à la radio, et surtout dans les radios commerciales, au seul motif qu’il faut que ça marche, que ce soit rentable. Ce n’est pas ainsi que je conçois le talent. La bonne chanson française (ou pas) ? Celle qui me touche, tout simplement.

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  20. Jean Théfaine 13 février 2012 à 19 h 21 min

    « La bonne chanson française (ou pas) ? Celle qui me touche, tout simplement », dites-vous, Danièle. Nous sommes exactement sur la même longueur d’ondes. Ce qui implique, de facto, qu’il faille accepter les goûts et les émotions des autres, qui ne sont pas forcément les mêmes que les vôtres, que les miens. Pas toujours évident. Et quand vous écrivez: « Si tous les artistes étaient également proposés dans les médias, le public pourrait faire son choix », je ne peux évidemment qu’être d’accord avec vous. Sauf que le journaliste chanson que j’ai été pendant quatre décennies (Ouest-France, Chorus, etc.) peut vous affirmer que c’est littéralement impossible, compte tenu de ce qui sort tous azimuths et de la place disponible pour en parler, qui est inversement proportionnelle. Ce qui veut dire choix. Le matraquage de certains titres sur les radios de grande audience, au détriment d’autres artistes qui auraient largement leur place sur la play-list, c’est une autre histoire, regrettable mais inévitable dans un système d’audimat. Reste, dieu merci, le réseau des radios associatives. C’est moins immédiatement performant mais ça permet à beaucoup d’exister et de monter en puissance. Bonne soirée.

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  21. FESTIV'ART 13 février 2012 à 22 h 21 min

    Hé bien voilà, cette joute bien sympathique s’achève sur un hommage aux radios associatives qui, elles, s’ouvrent à beaucoup de talents ! J’en profite pour citer la nôtre, celle qui fait ce travail là en Ariège :

    http://www.radio-transparence.org/

    De temps à autre on y entend un bénévole de notre association FESTIV’ART s’adonner aux joies de l’interview ou de l’émission thématique .. Bon, ce n’est pas encore le brio de « Jambon Beurre » sur RFO St Pierre et Miquelon, mais c’est bien sympa, tout de même !

    http://www.patrickboez.com/jambon_beurre/index.htm

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  22. Delorme 14 février 2012 à 9 h 18 min

    Allez, je ne résiste pas au plaisir de vous donner encore une fois cette phrase qui me semble très intéressante, elle est de Pierre Bourdieu, philosophe et sociologue :

    « Le goût, c’est presque toujours le dégoût du goût des autres ».

    Comme je l’avais déjà écrit ici (je crois), heureusement il a dit « presque », ça nous laisse une petite marge de manœuvre, profitons-en !

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  23. Michel TRIHOREAU 14 février 2012 à 17 h 23 min

    Puisqu’au passage chacun y va de sa pub (c’est amical évidemment) lisez donc mon bouquin La Chanson de Proximité (ed L’Harmattan) vous y trouverez de quoi alimenter très largement cette réflexion. C’est le fruit de quelques dizaines d’années de travail à Paroles & Musique, puis à Chorus et de multiples passages dans les petits lieux, festivals et de rencontres avec les artistes qui les habitent de leur mieux.

    http://nosenchanteurs.com/2010/09/30/biblio-trihoreau-traine-dans-les-petits-lieux/

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