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L’enfance d’Annie Butor, c’est un pays plein de chansons

L-o Madeleine AnnieIl fallait la distance nécessaire pour écrire ces confidences, écrit Annie Butor – longtemps appelée Bizy-Ferré – ce que Colette aurait pu écrire quand elle se mit à rédiger, à plus de cinquante ans, ses souvenirs d’enfance sur Sido, sa mère. Il aura fallu quarante ans pour publier ce récit d’une enfance et d’une adolescence dans le sillage d’un amour fou, celui de sa mère Madeleine et de Léo.

Cette publication récente n’a pas manqué de provoquer des remous comme chaque fois que se pose la difficile question du rapport entre l’homme et l’artiste, entre l’homme et son œuvre. Léo Ferré, auteur compositeur de chansons, ne fait pas exception et le caractère passionné des commentaires qui fusent,  confirment qu’avec lui la chanson est élevée au rang d’œuvre d’art. Nul ne le contestera.

Cette autobiographie, ce récit d’enfance est particulièrement émouvant. Annie Butor retrace son histoire, avec les questions, les doutes, les peurs, les joies et les peines d’une enfance longtemps placée dans l’ombre tutélaire d’un Léo excessif le plus souvent, mais aimant. C’est à travers le prisme de ses sensations, de ses émotions que nous lecteurs, voyons éclore un talent exceptionnel, avec toutes les épreuves à traverser. On est au plus près, au plus intime. On est touché devant les efforts de Léo, soutenu par Madeleine, pour accéder à la scène avec un minimum d’aisance. On le voit s’acharner à la tâche, au piano jour et nuit, surtout la nuit. On l’entend faire part de ses trouvailles à Annie qui parfois ne comprend pas tout, qui interroge celui qu’elle nomme son « Pouta » mais n’obtient pas de réponse.

annie butorElle assiste à tout cette petite Annie. Ses parents, fous d’amour l’un pour l’autre, ne lui épargnent rien, pas même leur intimité. Elle a droit à tout, aux effusions, comme aux cris, aux coups de gueule de Léo, contre tout, contre les femmes qui chantent, contre les « cons » ; avec eux elle déménage, du boulevard Pershing, un « paradis » au confort plus que rudimentaire, au château d’opérette Costaérès, puis à une île entière, entre Cancale et Saint-Malo, où les souvenirs ont quelque chose du Combourg de Chateaubriand mais qu’il faudra quitter pour s’isoler, se protéger de la horde des admirateurs et ce sera Perdrigal, dans le Lot où s’accomplira le drame.

Elle a droit à tout celle qui finira par devenir une pauvre petite fille riche, nantie mais sacrifiée à l’autel d’un amour  morbide, voire mortifère, pour les animaux. 

On chante, on danse, on boit, on rit dans ce récit. Beaucoup. On pleure, on crie, on se déchire, on s’aime et ça fait mal. En refermant ce livre je me sens plus proche de l’artiste… tant il paraît évident que l’œuvre qu’il nous laisse ne peut avoir été écrite qu’au prix de la passion et de ses ravages.  

A visionner, sur l’Express.fr, la vidéo « Quelques jours heureux dans la vie de Léo Ferré ». On lira aussi le papier de notre collègue Norbert Gabriel sur ce livre, article publié il y a peu. C’est ici.

 

3 Réponses à L’enfance d’Annie Butor, c’est un pays plein de chansons

  1. Danièle 20 juin 2013 à 10 h 19 min

    J’hésitais à lire ce livre de peur d’être déçue par l’homme Ferré que je vénère en temps que chanteur, mais à lire votre article, il va falloir que je m’y mette .

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  2. John Manchec 18 octobre 2020 à 20 h 02 min

    Lorsque j’etais adolescent, je chantais, a la guitare, les chasons de Leo Ferre que j’admirais comme poete.

    Depuis, j’ai achete, et sauve, le chateau de Pechrigal (Perdirgal comme l’appelait Leo Ferre). Cela m’a pris 20 ans de ma vie pour sauver une propriete detruite par la Pepee, et que Leo Ferre refusait d’entretenir.

    Je suis desole mais, tout anarchiste qu’on se dit (mais on possede un chateau et on roule en Ferrari), on n’a pas le droit de detruire un chateau du XIV eme siecle comme Leo Ferre l’a fait. IL voulait que ce chateau s’effondre et refusait de le vendre pour ne pas avoir a donner un sou a la famille de Madeleine Raberaud (Annie Bizy Butor). Ca. c’est « degueulasse:

    Je ne vais pas parler de tout ce que j’ai pu apprendre localement sur Leo Ferre. Ce n’est pas beau! C’est meme « degueulasse »

    Si j’ai toujours de l’admiration pour les chansons de Leo Ferre (a condition qu’elles soient de lui), je n’ai plus aucun respect pour l’homme, faux anarchiste, et faux a tous points de vue.

    Annie Bizy Butor ou Bizy Ferre, est une femme sincere et vraie, Elle raconte ce qu’elle a vu et subi. Elle merite le respect. N’en deplaise aux romantiques de Leo Ferre

    John Manchec

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  3. Joël Luguern 20 octobre 2020 à 15 h 17 min

    N’oublions pas ce que disait Jean-Jacques Goldman il y a vingt cinq ans, en parlant des auteurs, compositeurs et interprètes:
    « Nos chansons sont plus belles que nous »…
    D’ailleurs, s’ils n’étaient pas ce qu’ils sont réellement , pourraient-ils faire d’aussi belles chansons ? Toute la question est là…

    Répondre

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