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Mathieu Pirro, de Brel aux Beatles

 

Mathieu Pirro (photo Gilles d'Andrea)

Mathieu Pirro (photo Gilles d’Andrea)

14 décembre 2014, Théâtre et Chansons à Aix-en-Provence

 

Dans une région désertée par la chanson, il est bon de rendre compte du peu qu’il s’y passe. Le public qui a aimé l’Alcazar et le beau Chant à l’Opéra, ce pays d’Edmond Rostand et de Darius Milhaud ne peut pas être fermé totalement à la Chanson française… Encore faut-il qu’on lui propose quelque chose !

Retour donc dans ce petit théâtre caché au sein du vieil Aix-en-Provence, entre Beaux-Arts et Pavillon de Vendôme. Concert de Mathieu Pirro, originaire d’un beau village perché tout proche d’Aix, que nous connaissons comme pianiste de talent et interprète d’entre autres Brel, Ferré, Brassens et Leprest, de standards anglo-saxons aussi,  et notamment les Beatles. Le voici dans ses propres créations parmi lesquelles quelques pépites nous ont été dévoilées au hasard de précédents concerts 

La salle est pleine pour accueillir ce chanteur qui sait entretenir son mystère. Avec son troisième album, Rétrovisions (quinze textes choisis parmi quelques anciens titres parfois réécrits et réarrangés et une majorité de chansons nouvelles), il a choisi d’enregistrer avec huit musiciens, pour un son plus pop rock que l’habituel piano-voix, son ambition étant de faire converger ses principales références, Brel et les Beatles. Ce soir il est au piano avec Marine Radallec au violoncelle, Xavier Reusser à la guitare et Mathieu Chrétien à la batterie.

Rétrovisions, c’est un peu un regard de l’avenir du passé, ou du passé de l’avenir. Où le bel indifférent nous révèle ses fêlures et ses ruptures, dans une écriture souvent cynique, avec beaucoup d’auto-dérision, fortement ou douloureusement poétique, même si elle peut s’accompagner d’une musique légère et entraînante. C’est aussi un clin d’œil à l’album des Beatles Rubber Soul, aux compositions élaborées, ou à l’acidité de l’album Revolver.

Mathieu chante d’une façon flamboyante et baroque peu courante dans sa génération, La quarantaine (« Sur ta gueule de vieil enfant / Le temps perçoit la gabelle… / L’amour ça ne dure pas / Ce n’est pas fait pour durer ») et autres titres alternent un son pop-rock où la voix porte haut en vibrations. Ou, au contraire, un son plus sobre, avec une voix plus retenue, soutenue par le violoncelle : c’est celle que je préfère.

De l’enfance avec Cet enfant que je fus (« Notre enfance est un lieu / Quand elle n’est plus un âge ») et La chance d’être orphelin où la métaphore marine lui serre la gorge : « Je voyais des navires / Entre les lignes claires / Des yeux de mon grand père / Où j’apprenais à lire… / J’accostais des récits / Je foulais mon ardoise / Je marchais dans mes phrases » Et la mer toujours présente dans ce Y a pas la mer en bas de chez moi en mémoire à Ferré…

Aux amours dont on ne sort pas indemne, « Nos mots étaient des crimes », et La chanson du célibataire : « L’agenda ne ressasse / Que des affaires classées. » A moins que l’on ne se souvienne d’un détail envahissant, Bonnet D bonne idée: « Qui s’occupe du monument / De ses juteux émoluments » qui, obsessionnel, revient dans La Serveuse. Ou dans Sur les récifs de mon visage : « Je veux des filles aux gorges pleines / Pour voyager en rémission. »

Et puis la chanson en forme de profession de foi, L’autre part des anges : « Ferré, Brassens, Allain Leprest, Brel à la barre / Dans la houle sur mon bateau le Manifeste, parti du port de Liverpool… / Il reste quoi de nos sanglots / Peut-être une autre part des anges… / Je suis épuisé de moi-même / Alors j’écris pour m’oublier / Je persiste et puis je saigne / J’ai la blessure obstinée » ;

Mon stylo : « Mon stylo jette l’encre sur des feuilles arides… Mon stylo mon fourreau cache une arme de tendresse / Mon stylo mon pays mon exil volontaire / Un sang d’encre y égrène le meilleur de sa nuit », son outil de travail mais aussi clin d’œil au Mon Zippo de Leprest.

Plusieurs chansons ne figurant pas sur l’album, dont se détache Cigarette où il s’adresse à la clope comme à une ancienne amante, femme fatale au plus profond sens du terme, des adresses aux aixois avec La rue Gaston de Saporta ou, plus ancienne, Le Tango Aixois. De l’humour aussi avec Belle comme la femme d’un autre puis, en rappel, la très belle Les yeux du Caravage.

Récital généreux où aucune chanson du nouvel opus n’y manquait. En bonus une demi-douzaine d’autres chansons, y compris, en final, La mémoire et la mer de Ferré.

La chance d’être orphelin Image de prévisualisation YouTube

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