Pourchères 2015. Marie Zambon, portée par l’amour
Dimanche après-midi, sous forte canicule. Celle qui nous vient a, dans le « civil », un bien beau métier : elle nous fait du vin. Pas de la piquette, non. Un presque nectar. Dans la chanson de Véronique Pestel, elle est la Marie du Beaujolais ; je vous jure que ses vers valent ses verres, que c’est fruité et gouleyant, propre à une douce ivresse. Elle n’est chanteuse que par surcroît, en amatrice et nous le rappelle souvent : c’est dire si c’est grand luxe, presque privilège, de la voir en concert.
Là, en cette Chansonnade, il n’y a qu’amis et connaissances dans l’assistance. Délit d’initiés mais là ce n’est pas un avantage : Marie a le trac, une peur panique qui ravagera ses chansons. Elle l’avoue d’emblée mais ce ne sera pas suffisant pour l’évacuer.
A ses côtés, un quasi orchestre d’exception, que tout artiste lui envierait : Sandrine De Rosa au violon, à l’alto, à la contrebasse ; Bénédicte Bonnet au violoncelle ; Patrick Luirard à la guitare. Si prodigieux, si onctueux qu’ils se sont même permis d’effacer le texte d’une chanson pour n’en garder que la musique, tellement leur orchestration est belle.
Ce n’est pas que Marie Zambon fasse dans l’alimentaire mais… charité bien ordonnée, elle chante le vin (« Un verre de Beaujolais, ça s’boit / Comme du p’tit lait… »). Les haricots et les pissenlits (les uns qu’elle emprunte à André Marguin, les autres à Ricet Barrier), les casse-croûtes partagés avec les vacanciers au bord de l’autoroute… Ça met en appétit. D’ailleurs, Marie Zambon s’attache à des riens qui ont grande importance : « Je suis l’étiquette / Celle qu’on inspecte pour distinguer le vrai du faux / Quand on achète / J’vis en dessous / Je connais tout / De vos manières et de vos goûts. » De l’étiquette à la lettre, le format change ; celles de Zambon s’écrivent dans la tête, muettes « qui partent au p’tit bonheur la chance / dans la voie lactée de l’enfance… » Autres chansons sur l’amour et la difficulté de l’amour, sur « toutes ces mains fermées / qui espèrent s’ouvrir »… : nous sommes en état de grâce. Et, note plus sombre, la résurgence des idées noires : « Mais comment en est-on arrivé là ? »
Délicat et émouvant concert, contrarié par ce trac qui lui fait perdre paroles. Contrariété, confusion… Le public, d’une rare intelligence, d’une exceptionnelle empathie, est là pour assister la chanteuse, l’épauler et plus encore l’aimer. En d’autres circonstances, elle eut quitté la scène. Là, l’assistance la porte et c’en est magnifique. Alors, parler d’émotion est heureux pléonasme. Émotion par les chansons elles-mêmes, émotion dans ce rapport, cette fusion entre cette dame sur la scène, ses musiciens, ses spectateurs qui sont plus, bien plus qu’un public. Assurément, certes pour une insolite raison, le grand moment de ce festival.
Vous pourrez comprendre la ferveur du public : https://www.youtube.com/watch?t=56&v=TjPH9MbEkAI