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Les vers de Pinard

erwanpinardQue dire à ceux qui le découvrent ici, au hasard d’un article, à la recherche de nouvelles émotions ? Il est lyonnais aussi sûrement que le sont un bouchon, un saucisson à cuire. Et porte un nom qui fleure bien la France, fait tâche et enivre un peu, beaucoup… Buvez et écoutez sans avec modération. Unique en son genre, il n’en est pas moins cousin de nos Lantoine, Ville, Arno, Thiéfaine même, de tous ces arrachés, gueules cassées, ceux qui travaillent et éructent les mots, dont les vers tourneboulent sur eux-mêmes et griffent vos oreilles, les violentent pour mieux s’en faire complices. Il ne chante ni du Ronsard ni du Fréhel mais du bien plus rustre, de l’âpre en bouche, écriture insolite peaufinée plus à la toile émeri qu’à la peau de chamois. Ses mots portent en eux de la violence mais il n’est pas sûr que lui, le soit, violent, lui le prof à temps complet et chanteur par intermittence. Des mots sans forcément de grâce, encore que, qui pourtant s’agencent en des combinaisons étonnantes, surprenantes. Au final probantes, séduisantes, même s’il nous faut changer de logiciel, quitter la broderie pour le ciseau à bois. Qui presque aboie. Les puritains de la chanson a priori n’aimeront pas : qu’ils se donnent la chance de l’a posteriori et ainsi découvrir un artiste important, j’ose dire bouleversant. Ce disque est fait de plein de pièces d’importance : écoutez J’élabore pour en être convaincus : « J’élabore / Mais d’abord je bois / Et ça n’arrangera rien / Et ça n’arrangera rien / Alors c’est décidé : j’arrête de picoler. »

S’il faut à tout prix le code-barrer pour aider le commerce, on dira de lui qu’il est mi punk mi crooner, on peut aussi dire inclassable si ça peut arranger, tant il est vrai qu’il faut bannir le terme de chanson. Pourtant c’en est, belle et puissante… « Je t’ai comblée / Je t’ai gorgée d’eau / Je t’ai tout fait / Même les plus beaux cadeaux / Si seulement si seulement si / Je pouvais t’offrir mes larmes… » Dans la mélancolie, la tristesse, le désespoir des vers de Pinard, il y a toute la beauté du monde, des mots rares qu’en général en n’ose pas.

Les gardiens du temps ne m’en voudront pas si je dis qu’il y a du Brel dedans, du Brel organique, du Brel qui aimerait aimer l’amour et pourtant s’en détache. « Qu’as tu été capable de faire par amour autre que de te défiler ? / Les conjectures mathématiques se résolvent / Les conjectures du cœur se dissolvent / Dans le temps, dans les larmes / Dans le commun des bordels / Rien d’exceptionnel. » Pinard touille et nettoie la boue du cœur. De la société aussi.

Pinard a la déprime et la colère salvatrices. Et le talent de les exposer, de les exprimer. Collages de mots, d’émotions, parfois d’indignations, drôles de combinaisons qui font sens, les défont parfois. Batterie et claviers, guitares et basse, cuivres et clarinette, violon et violoncelle font plus ample dramaturgie encore, dosent, régulent, sont aussi lecture, pouls des mots, pression artérielle. A l’unisson d’un disque important, d’un artiste qui l’est tout autant.

 

Erwan Pinard, Obsolescence programmée, Samedi 14/InOuïe distribution 2016. La page sur Erwan Pinard chez Mathpromo, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est làImage de prévisualisation YouTube

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3 Réponses à Les vers de Pinard

  1. Pierre 30 mai 2016 à 9 h 41 min

    Merci pour cette belle découverte.

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  2. GILLES 31 mai 2016 à 0 h 17 min

    Quel choc!
    Je me réjouie par avance de sa présence aux « rencontres MARC
    ROBINE » à la mi-juillet.

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  3. Humbert 7 juillet 2016 à 20 h 55 min

    Ben voilà, c’est fait, c’est dit : »j’suis amoureuse ;-)  »

    Répondre

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