Barjac 2016. Mie certes, mais pas à moitié !
Sauvé dans Anne-Marie Panigada, En scène, Festivals
Tags: Barjac 2016, Eric Mie, Nouvelles
Éric Mie ne fait pas dans la dentelle, d’autres que lui le font fort bien du côté du Puy. Ce Vosgien exerce dans la rusticité des mots, parfois bien gros bien gras, forts en lipides comme en glucides, forts en gueule surtout. Dans la tendresse aussi – ce n’est pas incompatible -, qu’il chante très bien. Il est comme un scieur de long de la chanson, mieux donc que ceux qui en sont chieurs de long en large. Comme un doux dingue qui rêve pour lui et pour nous d’un monde « insoumis et changeant / où l’on jette nos clefs toutes portes ouvertes / où l’on vit sans bon dieu, sans projet, sans argent / en tassant les banquiers dans la poubelle verte ». Un qui se repose à l’écoute d’un disque de Thiéfaine ou de la lecture d’un Gaston Lagaffe, un qui s’engage dans ses textes et pose un regard lucide et sans concessions sur notre société, moi je dis qu’un homme comme ça est un bel humain et qu’il mérite notre écoute. D’ailleurs quand on est né comme lui dans une ville sur la lune (enfin presque : à Lunéville, qu’il chante aussi vrai que Frasiak chante son Bar-le-Duc et Lavilliers son Saint-Étienne), on ne peut pas être mauvais.
À ceux qui n’ont pas connu les grandes heures de Font & Val (il fut un temps où Philippe Val – si, si, je vous le jure – était un type bien, gras d’impertinence lui-aussi, avant de scier la branche chanson dans laquelle il exerçait, en prenant avec grande incompétence la direction d’Inter), Éric Mie nous les rappelle : son art, parfois approximatif mais pas toujours, est de la même veine, libertaire et libéré. C’est du rentre-dedans, du chamboule tout. Pour le public de Barjac qui le découvrait – vieux motard que jamais – ce fut comme une salutaire plongée dans le temps, à l’époque où la chanson avait du vocabulaire et de la causticité, ne faisait pas particulièrement dans le politiquement correct, appelait un chien un chien, une chatte une chatte. Soyez assuré qu’Eric Mie ne calcule pas ses mots, ne négocie pas ses vers, ne fait pas de courbettes : il n’a pas cette prédisposition en lui. Il n’est que (force de la) nature, un bucheron de la chanson aux vers pas toujours élagués. Même si ça ne change pas le monde, faire chanter au public (de Barjac, faut le faire !) un truc sur la masturbation et les poils du sexe est réjouissant : presque tout le monde (j’ai les noms et l’enregistrement…) l’a repris. Tant qu’on est tous sortis du chapiteau avec un sourire comme ça. J’ai même cru apercevoir quelques poils rebelles entre les dents.
Regret ? Que Mie n’ait chanté qu’un titre un seul de son nouvel opus, Contre-Marée, celui avec sa Pomme (son héroïne qui exhibe ses charmes sur tous ses dessins) cul nu sur la plage pour agréable visuel. Au reste, tout semble avoir été nouveau pour le public présent sous le chapiteau. À tellement asexuer la chanson, à la confiner à une esthétique presque monacale, Barjac nous avait jusqu’alors interdit cette chanson-là, puritaine programmation qui ne pouvait l’accepter en son nichon sein. Mie ne confine certes pas au génie mais nous redonne un goût, une fragrance, que les gardiens de toutes les obédiences de la chanson s’ingénient à nous priver, à nous passer sous silence. Les pisse-froid ont quitté le chapiteau : ils n’étaient par bonheur pas bien nombreux. Les autres se félicitent encore de leur nouveau fil dentaire.
Le site d’Éric Mie, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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