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Stavelot 2017. Mehdi Krüger, les greffes de la vie

Mehdi Krüger à Stavelot (photos Benjamin Georges)

Mehdi Krüger à Stavelot (photos Benjamin Georges)

Stavelot, « Une chanson peut en cacher une autre », 28 octobre 2017,

 

La scène est vide, hormis deux micros sur pied et les éclairages verticaux à l’arrière, qui lui donne un petit air urbain. Mais voilà Ostax, le guitariste à la crinière indomptée, qui entre dans la lumière. Les quelques notes préliminaires d’usage s’élèvent dans les airs. Le public applaudit. L’homme s’étonne : « Mais je n’ai encore rien fait ?». Un spectateur lui répond : « C’est de confiance ! ». La soirée s’annonce chaleureuse.

L’artiste s’avance alors et se campe derrière son micro. Mehdi Krüger. Un nom qui sonne comme un jeu de mot, clin d’œil au méchant long-couteau d’une série de films d’horreur. Un patronyme qu’on n’oubliera pourtant pas de sitôt.

Car le chanteur-rappeur-slameur (choisissez le terme qui vous plaît, aucun n’est tout à fait juste, ni entièrement erroné) s’est lancé. Le flot de mots nous submerge, la ribambelle de rythmes s’emballe. On en reste bouche bée, le souffle court, estomaqué par ce poète qui n’en a pas l’air. La diction est parfaite. Si l’on ne comprend pas tout, n’accusons pas une sono défaillante, mais juste le trop-plein d’images qui nous noie de sa beauté littéraire. L’écriture est si riche qu’un seul morceau pourrait fournir matière à 10 chansons. En ces temps de disette textuelle, qu’il est bon d’avoir l’occasion de se repaître d’une telle déferlante.

La chanson pas chantée (pour reprendre l’expression de Loïc Lantoine, autre grand jongleur de mots) d’ouverture nous frappe directement à l’estomac. Je suis un arabstrait, nous clame Mehdi. La double identité pour les nuls (Je suis un arabstrait/Arabe de manière abstraite/Une identité flottante/Une nationalité sur feuille volante avec deux pays comme ventricule/Papiers français, et chiffres arabes sur mon matricule). Quand la poétique des mots se révèle être le plus beau des traités pédagogiques.

Le morceau final (avant un rappel en partie improvisé au départ de mots donnés par le public) nous met définitivement K.O. Une seconde avant l’impact, ou les derniers moments des victimes d’un attentat. Puissant autant qu’émouvant.

Mehdi Kruger 7Entre ces deux pôles, des chansons sur les migrants, sur une rupture, sur la vie… Avec de belles formules qu’on retient à l’emporte-pièce : une descente comme seul Orphée ose en faire ; Plus longtemps on sera vivant, moins longtemps on sera mort ; La vie seule me relie au sol comme la ficelle d’un cerf-volant… On voudrait appuyer sur « Pause » pour savourer sereinement, ou pouvoir rembobiner pour se repasser un passage chargé d’images dont le sens nous a peut-être un peu échappé. Mais pas possible, nous sommes au spectacle et face à un artiste d’exception, qui fait corps avec son texte, dont les gestes aériens – quoique parfois surabondants – le sourire éclatant et la voix chaude constituent le plus bel embarcadère vers son univers. Sans oublier l’apport musical de son complice guitariste, qui vient intelligemment souligner le texte, dans un dialogue permanent et éclairé.

J’ai eu quelques chocs dans ma vie de spectateur, de ceux qui vous marquent à jamais, qui vous donnent l’impression de jamais-vu. Ils sont rares : ma découverte de Richard Desjardin, une soirée avec Pascal Auberson, un concert magique de Dominique A… Depuis ce samedi, ma liste s’est allongée d’un nom.

 

Le site de Mehdi Krüger, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est làImage de prévisualisation YouTube

 

Une réponse à Stavelot 2017. Mehdi Krüger, les greffes de la vie

  1. Franck Halimi 1 novembre 2017 à 12 h 11 min

    La sensation d’avoir ressenti la même qualité d’émotion, à la vision et à l’écoute de ce formidable duo en direct-live, est vraiment puissante.
    Bravo Mehdi !
    Bravo Ostax !
    Bravo Pol !

    Répondre

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