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Patrick Juvet, 1950-2021

515mDaWoD7L._SY355_Convenons que mourir un premier avril ne fait pas très sérieux. Si l’autopsie pouvait situer son décès quelques heures plus tôt, sa mémoire serait sauve.

Donc Patrick Juvet, qui pour toujours chantera Où sont les femmes ? D’autres que lui répondront peut-être à cette angoissante question.

Juvet est devenu star, comme on dit, du jour au lendemain, à la faveur d’une chanson : La musica, en 1972. « La pluie sur les toits / C’est la musica / Le son de ta voix / C’est la musica / La musica / C’est le vent et c’est l’orage en été… »

Relativisons, on sait comment on fabriquait les idoles à ce moment-là : bidonnage des ventes de disques et générosité des labels envers un Guy Lux particulièrement gourmand. La popularité est entretenue par les passages télé et par tous les journaux-à-fans et leurs posters des chanteurs en taille réelle qui masquaient souvent l’indigent papier peint des chambres à coucher. Ça et, bien sûr, des tubes en pagaille, en rafales : Au même endroit à la même heure, Sonia, Je vais me marier Marie, Toujours du cinéma, Love, Rappelle-toi minette… un insipide chapelet et une voix plate, asexuée. Nuançons : Patrick Juvet, c’est son fait d’arme, collabore un temps avec Jean-Michel Jarre (Paris by night). Il était apparu en 1973 sur la scène de l’Olympia maquillé façon Bowie dans Ziggy Stardust, donc précurseur en France d’une forme de visibilité gay.

Le succès déclinant à la fin de la décennie soixante-dix, Juvet enfourche comme d’autres (même Cloclo, même Dalida !) la mode du disco : ça prolonge d’autant sa carrière dans les hits. Mais tout passe tout lasse et le succès décline jusqu’à disparaître totalement. Juvet n’aura de cesse de chercher à le retrouver, en vain, en chantant alors en anglais, dans l’idée d’une illusoire carrière internationale.

Il y a peu encore, il se produisait dans la tournée Age tendre, la tournée des idoles, ce pour la cinquième saison. Je l’y ai vu, pitoyable et ivre sur scène, avec trois tubes cabossés pour tout bagage et une interprétation catastrophique. Patrick Juvet avait sombré depuis longtemps, certes dans le ravageur oubli, mais aussi dans les addictions qu’on devine.

Au bout du compte, que restera-t-il de lui dans l’Histoire de la chanson ? Peu de choses, pour ne pas dire rien. On peut juste espérer que les posters de l’époque soient redevenus pâte à papier. Sans doute que son Où sont les femmes ? restera au générique des boîtes prétendument branchouilles : ce sera la seule trace posthume de ce minet, place qui, à tout prendre, vaut mieux qu’un costume de loser.

 

« La musica » : Image de prévisualisation YouTube

« Rappelle-toi minette » : Image de prévisualisation YouTube

3 Réponses à Patrick Juvet, 1950-2021

  1. FRÉDÉRIC QUINONERO 1 avril 2021 à 20 h 42 min

    Un peu sévère, mais assez juste, hélas, pour ce qui est de sa triste déchéance. Sévère et incomplet. Patrick Juvet a débuté comme parolier de Claude François (Le lundi au soleil). Son talent de mélodiste est indéniable (il composait au piano), et parmi la rafale de tubes à minettes, on peut sauver pas mal de pépites : « Toujours du cinéma » (qui n’était pas du même tonneau que « Rappelle-toi minette ») « L’enfant aux cheveux blancs », « Rêves immoraux », « Magic », « Pas assez de toi », « Les Bleus au coeur », « Solitudes » (écrite par Françoise Hardy)… Daniel Balavoine a
    été l’un de ses choristes. L’album Paris By Night était mieux qu’un simple album disco, musicalement plus raffiné. FQ.

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  2. Catherine Laugier 1 avril 2021 à 21 h 58 min

    Plutôt que Rappelle-toi Minette, on peut aussi écouter, par exemple,

    Les bleus au cœur, paroles de Jean-Michel Jarre (qui était parolier avant d’avoir le succès que l’on sait avec la musique électronique et qui signe aussi Où sont les femmes), album Paris By Night, 1977
    https://www.youtube.com/watch?v=xLcVQeoD_cw

    ou surtout

    Rêves immoraux, texte de Jean Loup Dabadie, Musique Patrick Juvet, de l’album éponyme, 1982, qui constitue une sorte de Coming out

    Des statues de marbre font l’amour intégral
    Sous les arbres, je marche nu, j’ai peur du scandale
    Le parfum défunt d’un ange me dérange
    C’est l’odeur du mal
    Dans la nuit s’efface au loin la grâce
    De deux garcons qui s’enlacent
    Tout près de mon corps sans âme, se pâme une femme
    A son pied, déesse vague, elle porte une bague
    Au creux de son ventre, une fleur anormale
    Et c’est la fleur du mal (…)

    Baudelaire a tenu la plume de Jean-Loup…
    https://www.youtube.com/watch?v=RfNLZQcfVz4

    La voix n’est pas plate, elle est capable d’être assez chaleureuse ou de grimper dans les hauteurs, un peu comme Balavoine (qui d’ailleurs a coécrit ses musiques sur l’album Chrysalide, en 1974, où Balavoine chante aussi une chanson dont il est auteur-compositeur, Couleurs d’automne).

    Que Juvet ait mal fini sa carrière, on ne peut le nier, mais apportons un peu de nuances.

    Patrick Juvet composait ses musiques au piano, il a été très jeune au Conservatoire de Lausanne, où l’on dit qu’il a obtenu un premier prix…
    Les orchestrations de l’époque ne jouent pas forcément en sa faveur !

    Je précise que je n’en ai jamais été fan, que l’époque disco ne me plaît guère, et que je découvre, comme pour beaucoup, certaines de ses chansons à sa mort.
    Dur d’être star ou idole manipulé par le « Chaubiz », voyez Mike Brant…et tant d’autres

    Répondre
  3. FRÉDÉRIC QUINONERO 2 avril 2021 à 8 h 10 min

    Patrick Juvet n’a pas su à l’instar d’un Christophe franchir l’étape qui mène du kitsch au respectable et vous fait une réputation d’intouchable. Il aurait pu, il avait du talent mais pas celui-là. J’espère pour lui qu’on ne retiendra pas que « Où sont les femmes ? », écrite par Jean-Michel Jarre pour les paroles et qui sonne sinon comme misogyne du moins comme « genrée », le comble pour un chanteur-musicien qui ne l’était pas !

    Répondre

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