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Chansons pour gel de printemps (Sarah Toussaint Léveillé)

Sarah Toussaint-Léveillé (photo Jerry Pigeon)

Sarah Toussaint-Léveillé (photo Jerry Pigeon)

Parfois, c’est plus intime de partager le silence.

C’est ce vers, tiré d’une des dernières chansons de Sarah Toussaint-Léveillé, qui m’a fait écrire cette chronique. Pas par grande découverte intérieure (faut pas rêver non plus), mais par écho au roman que je lisais justement vautrée dans la petite brume d’un trop-sommeil.

Cette chanson, Les Vieux chats, vient du troisième album (déjà) de Sarah Toussaint-Léveillé, sorti en décembre 2020, à l’heure du blanc qui normalement s’installe à la saison froide dans la grande Montréal où l’autrice-compositrice vit et respire. Et il parle de ça : des instants de flottement – auxquelles nous prêtons peut-être un peu plus attention depuis nos multiples confinements…

En cinq titres à peine, La solitude des flocons nous embarque loin dans cette couleur : l’enveloppement, l’oblitérant des tempêtes et le sentiment de solitude qui s’y attache flottent dans des mélodies et des mots caressants, comme dans une continuité du souffle de la parole ; brume de voix, litanie du mot et ritournelle du piano.

« On ne sait jamais trop quand le soleil creusera les nuages jusqu’à notre tête » (Sarah Toussaint-Léveillé, 3 décembre 2020)

D’haïkus verlaineux qui tombent sur la ville en chute de lumière (Sarah écrit ses chansons sur des pages blanches, mais à partir de divers horizons poétiques) jusqu’au drap qui coule du lit ou aux flaques restantes de vin dans verre abandonné, l’artiste nous plonge, dans cet album, dans la torpeur de ces moments d’entre-deux qui parfois en disent plus loin que ceux dont on penserait qu’ils sont les vrais tenants de notre réel. Un bol de céréales qui se dévide, une cloche qui vibre, le silence d’après-fête ou de « derrière »-fête,…

TOUSSAINT-LEVEILLE Sarah 2019 La solitude des floconsC’est une écriture tout en gros plan, en pulsation ralentie, peuplée d’images où l’ours est l’hiver – Un ours polaire s’est couché sur la ville, les problèmes sont des pots cassés – « Ton regard suspendu retrace les pots cassés dans ta tête » et les paroles ondulent soudain – échos de mots déformés sur Flocons. Un oiseau parmi ces strophes revient aussi souvent ; « retrace / Le chemin vers son nid / Dans le squelette de l’arbre / Ce que l’on croyait acquis / Les couleurs de nos vies » ou se fait Spectre de Noël « [qui] mange dans ma main / des miettes de soleil… »

Ces images se déversent et débordent du cadre simplement parolier pour envahir notre lieu : l’univers se prolonge dans les teintes en mineur à la Satie, voire le son pur (comme sur Flocons) et dans l’image, la vraie, un travail multidisciplinaire qui se voit notamment dans ce clip des Vieux chats, petit bijou pour l’œil si bien décrit en ces autres lignes.

Alors c’est sûr, ce ne sera pas un album pour vous donner la pêche du mois de mai, mais il accompagnera parfaitement ces dimanches lents et encore frisquets d’un printemps qui tarde.

 

Sarah Toussaint-Léveillé, La solitude des flocons, 2020. Le site de Sarah Toussaint-Léveillé, c’est là.

« Les vieux chats » : Image de prévisualisation YouTube

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