David Lafore au sommet

David Lafore (photo Dominique Lila)
8 février 2025, festival La Chanson d’abord, le Nooz, Bédoin (Vaucluse),
Ça se passe dans une pizzeria, plutôt grande, beaucoup plus classe qu’une autre, avec un côté légèrement underground. Pour preuve, le coin réservé à la scène a gardé son look de garage. L’estrade est faite de quelques palettes surmontées d’un tapis, l’éclairage basique. David Lafore, comme à son habitude, y est sans sono : juste lui, une chaise, sa guitare et son t-shirt dont il joue. Ce dès le début où, par ses regards et ses cris, de tournoiements de guitare, il met le public dans sa poche et fait se rapprocher les derniers hésitants jusqu’alors restés au zinc.
« Attention dans ce spectacle, il y a des moments qui font peur ». La guitare en cadence, il répète sa litanie, insiste tranquillement. En une fraction de seconde, il nous surprend d’un son en pleine tête, venu de ses profondeurs vocales, faisant sursauter l’auditoire. Bouh !

(photo Sylvie Hildesheim)
Avec Lafore, nous sommes au pied du Ventoux, prêts à gravir des sommets de rires, d’émotion et de plaisir. Le bonhomme sait y faire. D’une simplicité poussée à l’extrême, il habite l’espace et touche tant les cœurs que les zygomatiques. On parle souvent d’absurde à propos de ce chanteur, c’est sûrement rester à la surface des choses, au premier degré. Par sa présence extra-ordinaire, Lafore nous suggère les degrés de compréhension de ses chansons. Comme avec Lèche, où le narrateur apprend à un autre personnage à lécher les marches qui vont en haut de l’échelle. Si on rigole du burlesque de cette situation, nous sommes touchés par l’humanité qui s’en dégage. Le portrait sans concession de notre société où celui qui lèche mieux que les autres n’hésitera pas à éliminer ses congénères pour garder la meilleure place. David laisse au public le soin de placer le curseur de la compréhension… Certains textes sont très courts, comme En boucle : trois phrases et un jeu scénique clownesque parfait ; d’autres plus travaillés (« Par dessus le ciel / Par dessus la ville, il n’y a que toi / Je te chanterai dedans ton sommeil / Tous les mots d’amour, les mots de satin » – Avant le soleil), mais chaque micro-seconde habitée par le chanteur, qui se fait performeur dans Petite culotte ou scandeur fou dans Jalousie.
Et puis il y cette autre chose qui occupe la scène, la guitare aux cordes nylons de David. Il la porte sans bandoulière comme une partie de son corps. Elle rythme le show d’une énergie rock au son acoustique, virevoltant parfois dans les airs, comme un joueur de tennis de sa raquette, Lafore joue avec une efficacité déconcertante, qui nous invite à suivre toutes les circonvolutions textuelles du chanteur.

(photo Sandrine Fdida)
Contrairement à d’autres, David Lafore n’atteindra jamais les zéniths du showbiz ; il n’aura pas non plus à craindre la chute dans la descente. A chaque prestation, c’est un nouveau sommet qu’il gravit. Qu’ils soient trente dans un café associatif ou trois cents dans un théâtre conventionné, l’arrivée est tout en haut et tous ensemble. Depuis 2017, il fait ça mille et mille fois : l’homme est chevronné. C’en était enthousiasmant pour cette avant-première du festival La Chanson d’abord.
Festival qui se poursuivra par une autre avant-première le 21 mars avec Danie Cohen et son groupe, puis du 18 au 22 avril avec Jean-Sébastien Bressy, Frédéric Bobin, Hervé Peyrard, Hélène Piris… Nous y reviendrons, tant il est vrai qu’un nouveau festival de la chanson alternative, c’est suffisamment rare pour y courir. Et le soutenir.
Le site de David Lafore, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
J’y étais, un David Lafore des grands soirs, toujours aussi humble, qui sait s’adapter à toutes les situations (ici un restaurant juste avant un service) et qui entraîne avec lui le public dans son monde aussi loufoque que poétique. A consommer sans modération