CMS

Off Avignon 2025, Les Voluptueuses, À s’en lécher les badines

Les voluptueuses Photo Pierre Margot (ici avec Noémie Lamour)

Les voluptueuses Photo Pierre Margot (ici avec Noémie Lamour)

6 juillet 2025, L’Arrache-Cœur, Avignon

par Franck Halimi

 

Après des millénaires d’une histoire menée à la braguette par la réification stigmatisante des hommes tout-puissants, et dans la fiévreuse et chaotique société actuelle, moult femmes -soeurs-belles- se rebellent et décident de porter haut et fort une pensée et une parole trop longtemps mises sous l’éteignoir. Et lorsque le propos « con cerne » le désir et le sexe au féminin -sujets ô combien tabous-, tout peut arriver…

Il en a « phallu » de l’envie, de la jugeote et du courage pour oser une invitation à la sensualité féminine dans un cadre comme celui du Off d’Avignon, ce faitout où bouillonnent à feu vif tous les ingrédients du spectacle (encore) vivant. Car tenter de happer le spectateur avec cette thématique, au milieu des 1.723 autres spectacles de ce marché, est une véritable gageure ! Et ce, dans le sens où il faut d’abord la sortir du tiroir où d’aucuns l’ont enfermée depuis belle lurette, avant de lui décoller l’étiquette qu’elle a sur le front (qui n’a rien de populaire).

LesVoluptueuses -PhotoThomas Bader

LesVoluptueuses -PhotoThomas Bader

Mais, en même temps, quelle putain de bonne idée, que de monter un Girl’s Band (oups… n’oublions pas que nous sommes chez Nos Enchanteurs !) pour faire chanter des textes de femmes par des femmes pour… toutES le monde ! Et c’est ce que Nathalie Miravette & Pierre Margot ont entrepris, en tricotant un spectacle ne s’embarrassant ni de préjugés ni de faux semblants, en appelant un chat une chatte, et dans lequel quand diva geint, clito rit…Parce que si ces « Chansons de femmes à susurrer » nous prennent d’emblée et sans préliminaires à bras le corps (« Aux Gullivertes, aux sorcières – Aux filles faciles, au nom de celles qui fontainent et qui s’inondent – À celles qui voudraient bien qu’on les lèche tranquille – Aux quatre milliards de vagins car, paraît-il, – Un homme sur deux est une femme en ce monde »), le propos ne se veut pas provoc’. Non, il nous raconte juste, de façon directe et pénétrante, ce que ces femmes veulent dire.

Il nous fait donc entrer dans cette intimité par la petite porte de l’intelligible intelligent. Alors, certes, les mots peuvent être crus, le langage fleuri et les images hardies, comme dans cette version revue et (sadement) corrigée de « La Parisienne » de la Belle Marie-Paule, devenue ici « La Clitoridienne » :« Je ne suis pas nymphomane, bigame ou érotomane – Je ne suis ni trans ni bi, ça me nuit, ça me nuit – Je ne suis pas sur Meetic, adopte un mec ça m’ panique – Et quand je pense à Tinder, ça m’écœure, ça m’écœure – Jamais deux doigts dans l’anus, ni d’ prépuce, ni d’ phallus – Et quand j’ m’habille en latex, je ressemble à un corn-flakes, à un corn-flakes… » Mais, ces lestes paroles sont énoncées avec une telle élégance et en y mettant de telles formes, que même le voyeur le plus relou en arrive à se laisser porter sur les ailes d’une musique arrangée au p’tit poil et interprétée avec délectation par quatre drôles de dames.

L'équipe d'Avignon avec Amandine Roques - Photo Franck Dufour

L’équipe d’Avignon avec Amandine Roques – Photo Franck Dufour

Tiens, justement… parlons-en de ce quatuor féminin un tantinet cavalier, mais ô combien efficace en matière de muse hic. Clélia Bressat-Blum à la batterie (pas de cuisine) et Amandine Roques à la contrebasse (in) proposent une rythmique implacable, en mesure de déjouer toutes les chausse-trapes tendues par les autrices-compositrices claviéristes-arrangeuses inventives que sont Dorothée Daniel et Nathalie Miravette. Parce qu’il faut bien reconnaître que ces demoiselles dérogent fort aux lois du genre et ne font pas dans la Démy mesure, en effectuant Legrand écart entre des textes lestes et des arrangements léchés, qui font tanguer un public conquis du grégorien au rock, en passant par la chanson, la pop et le jazz, de façons fluide et jubilatoire : quelle version de Naked de Lizzo (on se croirait dans un cabaret de Broadway)… rien qu’à y penser, j’en ai encore les poils (et pas que les poils) qui se dressent !

Je pourrais parler des heures de ce spectacle -qui n’est certes pas d’un genre nouveau (car il s’agit bien d’un récital)- mais, qui s’avère être d’une facture tellement réjouissive ! En effet, son répertoire (mixant reprises déroutantes, textes profonds dits en voix off par Natalie Dessay et Léovanie Raud, goguettes inventives et créations originales), l’intelligence de son propos, la richesse de ses arrangements (tant instrumentaux -les artistes n’hésitant pas à changer d’instrument- que vocaux, parce que ça joue grave et ça chante vraiment !), son interprétation (alter naïvement touchante ou irrésistiblement drôle), son fil conducteur (sensible et cohérent),… entrainent les spectateurs incrédules dans le sillage attractif de ces quatre sirènes touchées par la grâce d’une odyssée sensuelle absolument bandante. Et sans dévoiler plus avant les autrices-compositrices qui ont inspiré les chevilles-ouvrières de ce spectacle -magnifiquement mis en lumières et en son par Allan Hové et subtilement mis scène par Pierre Margot, avec le compagnonnage efficace d’Antoine Marneur- je peux affirmer sans ciller qu’il n’y a aucune fausse note, un rythme pétulant et moult formidables surprises ! Allez, je ne résiste pas au plaisir de vous donner un p’tit tuyau : penchez-vous donc sur l’inspirée version 2.0 de Dorothée Daniel des « Nuits d’une demoiselle »

Bref, vous aurez compris que ces « Chansons de femmes à susurrer » -célébrant l’érotisme, la sensualité et la vie au travers de l’écriture féminine avec dextérité et savoir-faire- m’ont plongé dans un tel émoi, que j’ai eu beaucoup de difficultés à m’en remettre. Et je ne peux donc que vous inciter à vous rendre à l’Arrache-Coeur pour vous faire caresser l’esprit et vous faire palpiter le cœur, avant de replonger corps et âme dans le chaudron bouillant des nuits avignonnaises…


Les Voluptueuses, Chansons de femmes à susurrer… -   Le facebook des Voluptueuses, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit des Voluptueuses, c’est là. 

Théâtre de l’Arrache-Coeur (13 Rue du 58ème Régiment d’Infanterie)

du 05 au 26 juillet 2025 à 22H30 (relâche les mercredis)

Teaser (extraits) Image de prévisualisation YouTube

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

Archives