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Nicolas Fraissinet, dans la peau de la bête

Nicolas Fraissinet (photo non créditée)

Nicolas Fraissinet (photo non créditée)

Rien que le visuel du disque nous raconte déjà, ou plutôt nous suggère, ce que nous chantent les treize titres de cet opus, éloge au règne animal et à sa résilience.

C’est la bête dans son environnement, beau mais hostile. Et l’homme, autre et cruel animal. Le chanteur ne vend pas la peau de l’ours, mais se met dans la peau de la bête, qu’elle soit cerf, loup, serpent, coiffée de bois, couverte de laine ou d’écailles… Chaque jour recommencé à lutter pour vivre, survivre. « Aux premiers jours du monde nous étions nés ensemble / De quoi faire une famille il me semble / Toi Humain la peau lisse l’esprit clair mon semblable mon frère oui autrefois / Moi animal d’une œuf ou mammifère ton semblable ton frère oui autrefois » L’animal face à l’homme, l’homme devant l’animal. Obstination et résignation, espoir et lutte, en chaque chanson s’exprime l’animal : « Combien encore de blessures / Oh dis-moi encore combien est-ce que ça dérange ? / Combien encore d’abattoirs / A crever aux rebords de leurs visages d’anges ? / Combien encore d’innocences à saigner / Sur l’hôtel de l’humaine arrogance ? » Ce disque-concept doit être difficile à écouter, encore moins apprécier, pour un chasseur qui ne voit en l’animal que « [son] jambon [son] burger [son] entrée ou [son] quatre-heures » ; là, l’artiste se donne le droit de personnifier la bête, d’entrer en son âme, sa conscience, de penser sa vie et panser ses plaies. D’être son porte-voix. Qui plus est avec talent, ce qui chez Fraissinet est, convenons-le, un rare pléonasme.

CD Fraissinet Joie sauvageCe disque est un cri, un plaidoyer, en des textes d’une tendresse infinie qui pour autant ne cachent pas la cruauté du sort animal. « Qui a laissé nos corps se taire dans le noir ? » Il n’a, à mon sens, d’équivalent de cet album que le film d’animation de Walt Disney Bambi. Beauté sauvage, infinie tendresse, révolte et espoir. Avec l’art abouti de cet immense créateur qu’est le suisse Nicolas Fraissinet, dont chaque prestation, chaque disque – celui-ci plus encore – est quasi-symphonie. Avec une grande économie de moyens : peu d’instruments ici participent à l’ambiance, mais le font avec excellence : piano, violon et violoncelle, chœurs et programmations. Pour autant, nous sommes ailleurs, en nature, dans les bois, sur la banquise, à faire cache-cache avec le danger. Et nous d’écouter ces bêtes se parler, raisonner, tenter de parer à l’humain… Quarante-huit minutes où le souffle est retenu, où l’auditeur peut fermer les yeux et imaginer être, du côté de l’animal, à sa place ou face à lui : tout est ici dans les regards. Et la voix douce et empathique de Fraissinet…

De tous ces vers délicats, on retiendra plus encore le dernier couplet de la dernière chanson : « Donne-moi l’intelligence / Celle qui me manque / Pour éviter la dernière danse / Retour aux alliances originales / Être enfin digne de l’animal ». 

 

Nicolas Fraissinet, Joie sauvage, Trytons/InOuïe distribution 2025. Le site de Nicolas Fraissinet, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

 

« Hiver » : Image de prévisualisation YouTube

« Amours polaires » : Image de prévisualisation YouTube

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