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Jean Guidoni, 1951-2025

71KjIS3Z5ALDans la chanson il y a Le Barbier de Belleville ; il y a aussi ce jeune coiffeur de Marseille qui n’a qu’une obsession : monter à Paname y devenir chanteur. Et se présente aux bureaux du producteur de Michel Legrand, une petite bande à la main. C’était en 1975. C’est pour sa voix qu’il y sera remarqué, retenu. Un nouveau préposé à la variété, sans doute. De fait il enregistre quelques titres qui marchent un peu. Notamment Le Têtard d’un certain Jacques Lanzman : un beau succès. Il tourne même en première partie de Serge Lama.

On ne sait ce que Jean Guidoni serait devenu s’il avait suivit cette voie, ces primes balbutiements. Mais son destin fut tout autre. A la chansonnette il préféra un tout autre univers, glauque à souhait, au romantisme noir. Il rencontre le compositeur Michel Cywie qui d’abord pose des musiques baroques sur ses textes. Et, dans la foulée, Pierre Philippe, qui a écrit les chansons françaises d’Ingrid Caven et s’offre aux désirs précis, lettrés, du jeune homme, à ce que celui-ci veut entendre : du long, du riche, de l’original… Le trio est formé, qui va faire naître le Guidoni qu’on sait, celui qui marche dans les villes, qui dans un premier temps nous apparaissait fardé, à la manière d’un clown blanc : il a suffi d’un album, en 1980, pour que le souffle Guidoni marque la chanson d’une empreinte indélébile, l’illumine d’une lumière singulière. Souvenez-vous : Chez Guitte, Midi-Minuit, Le Voyage, Sirocco, Il y a… Et Djemila ! « La première fois que je l’ai vue, c’était l’heure des poubelles… » Un grand, un géant naissait sous nos yeux. Je ne sais plus comment cet album est arrivé au public, les programmateurs étaient, eux, tous indignés, entonnant en chœur un « comment peut-on dire des choses comme ça ? ».

Pas encore reposé de cet album entre tous mythique, Guidoni nous fait le coup du Crime passionnel, huis-clos d’un possible drame. C’est là où Guidoni rentre dans ma vie de spectateur : je le revois encore, seul sur cette scène baignée d’une semi-obscurité et, à l’ultime chanson s’ouvrir le décor sur la chambre à coucher au lit défait : l’une de mes plus grandes émotions de spectateur : « C’est dans des draps blancs que tout commence / Et que tout finit... ». Viendront d’autres albums, Le Rouge et le Noir, Chromos, Putains… qui tous participent au mythe Guidoni. « Il y a en lui, dit sa biographe Colette Godard, des accents qui rappellent ceux de la chanson réaliste, des cris de bête traquée, des gestes de combattant vaincu ».

On ne va pas, au jour de son trépas, refaire sa chronologie, son demi-siècle d’activité, sa discographie (une trentaine d’albums, en public et compilations* inclus), ses incroyables audaces, son toupet même, ses chansons interprétées sur le ton de la confidence, ses collaborations fructueuses (Astor Piazzolla, Michel Legrand, Juliette, Romain Didier), ses mémorables interprétations (Jacques Prévert, Allain Leprest, Arnaud Bousquet…), ses salles mythiques (L’Olympia, Les Bouffes du Nord…), ses hauts et ses bas, ses scènes éclatantes et ses fréquentes traversées du désert. Mais quand même, quel bonhomme, quelle œuvre au bout du compte. Il conviendra de ne pas, de ne jamais l’oublier.

En juin dernier, dans ce trou génial de Mouhet, plus imposant à mes yeux que celui de Padirac, au Festiv’en Marche, Jean Guidoni était venu tester son nouveau spectacle, faire sa pré-rentrée avant de se produire au Café de la Danse, à Paris. Devant une salle bondée, consciente de cet insigne privilège, devant sa copine de turbin Juliette venue saluer son retour à la scène. A ses toutes nouvelles chansons, il avait adjoint celles de ses débuts : formidable prestation qui nous rappelait au besoin l’artiste, le sommet qu’il est. Et qu’il restera.

 

Ce que NosEnchanteurs à précédemment écrit sur lui, c’est là.

 

*On se délectera du coffret anthologique de 5 CD, 94 titres, paru l’an passé chez EPM.

 

« Je marche dans les villes » et « Il y a » : Image de prévisualisation YouTube

« Tous des putains » : Image de prévisualisation YouTube

« Mort à Venise » : Image de prévisualisation YouTube

Une réponse à Jean Guidoni, 1951-2025

  1. Georges LATRIVE 23 novembre 2025 à 18 h 16 min

    Etant animateur d’une émission sur la chanson vivante sur une radio associative à Longwy (Radio ARIA) mon émission de ce mardi 25 novembre à 20 heures sera consacrée à Jean GUIDONI.
    Elle peut être écoutée sur : http://www.radio-aria.fr

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