Boule, la vulgarité n’a rien à voir avec lui – Le 51 Pertuis 2026
Le 51 à Pertuis, 11 octobre 2025
Dans ce salon à l’abri des vicissitudes du monde, un petit groupe d’irréductibles amateurs de chanson signifiante résiste encore et toujours à l’envahisseur. En ce jour d’octobre il accueille un artiste dont la plupart, comme souvent, ne connaît pas le répertoire. C’est ce qui caractérise ce public, toujours curieux de découverte. Non que l’artiste en question soit un nouveau venu dans la chanson : cela fait plus de vingt ans qu’il chante, et il a déjà publié une demi-douzaine d’albums, tous marquants. C’est donc Cédrik Boulard, plus connu sous le nom de Boule, qui se présente à nos yeux et nos oreilles : « Je suis un garçon doux et tendre / Je ne me suis jamais battu / Tolérant je peux tout entendre ».
Chanson bien choisie puisqu’elle définit tout ce qu’est Boule, y compris la physiologie, lui qui est né sous une « étoile qui zozote un peu / Au creux de la main j’ai du poil / Et sur la langue un long cheveu ». Mais vous qui lisez NosEnchanteurs, le connaissez bien. Cette chanson, succès sur les scènes comme dans les kermesses, et où l’ours polaire ne fait que de la figuration (il ne s’agit pas d’une chanson engagée contre le réchauffement climatique), va pourtant poser un dilemme à Boule, qui va lui gâcher ce weekend provençal dont il se faisait une joie : c’est la première fois qu’on lui interdit de chanter une chanson. Tout cela parce que la municipalité de la ville où il doit se produire le lendemain un dimanche après-midi à cinq heures (mais pas le 15 juillet !) lui a fait dire qu’il était hors de question qu’il la chante devant un public familial. Pourquoi ? Parce que dans sa chanson Boule suggère à ce petit patron exploiteur, qui lui a définitivement ôté l’envie de travailler pour un boulot alimentaire, d’aller se faire enc…
Boule nous a interprété plus tard Celui qui a mal tourné, de Brassens, un choix qui n’est pas innocent. Ce Brassens, qu’il a tant chanté à ses débuts a été plusieurs fois censuré, pour ses sujets comme ses « gros » mots. Mais c’était il y a 70 ans… Donc il n’y a aucune honte à subir le même sort que Brassens, qui donne son nom à tant de rues, places, parcs, théâtres, médiathèques, écoles de tous niveaux… Si j’insiste un peu sur le sujet, c’est que Boule, qui est autant sensible qu’irrévérencieux, en a été fortement perturbé, émaillant son récital de ses questionnements : chanter en retirant cette chanson ? Son répertoire est suffisamment abondant, mais ne serait-ce pas se renier ?
Et d’ailleurs d’autres chansons, même sans gros mot, ne seraient-elles pas plus impertinentes encore pour la morale bien pensante ? (Voir la définition de la vulgarité selon Michel Bühler…) N’est-ce pas bouffer des pizzas qui est vulgaire, alors que les oiseaux chantent ? N’est-ce pas réduire des humains à faire les poubelles pour s’en sortir – Les biffins, un mot pas gros celui-ci, chargé d’histoire et de misère depuis le moyen-âge, et qui prend tellement d’actualité avec la folie actuelle de la fast fashion, et ses montagnes de chiffons pas même bons à faire la poussière… N’est-ce pas ce que l’on assigne au chien policier, dans cette version modernisée du Loup et le chien : « Il te faudra / Traquer les gueux, les clandestins / Mordre les voleurs de pain / Faire la chasse aux filles de joie » ?
Ne pas chanter du tout ? Le problème n’est-il pas plutôt notre époque, où l’on laisse passer des activités aussi choquantes qu’illégales, et où l’on formate l’expression, porte plainte pour un mot… Ne croyez pas pourtant que l’engagement de Boule est politique.
S’il peut siffler sur de tristes constatations : « Le corail, les poissons, c’est fini pour de bon / Il reste le plastique, les centrales électriques », c’est aussi un poète, un gentil, éternel enfant prêt à s’émerveiller sur un nuage, des oiseaux. Un hypersensible inspiré par chaque anecdote de la vie, les amours, les rencontres. On ne se lasse pas de ce Vélocipède interstellaire, chanson de poésie surréaliste pour un monsieur dans un Ehpad qui aimait autant les astres que le vélo, et se morfond dans sa vieillesse qui lui grignote les dents et les neurones : « Je remporterai, mille sabords, l’étape de l’étoile polaire / Maillot jaune sur le podium / Du criterium interstellaire ».
Ou de ce Lierre et la ronce, texte mélancolique de Richard Destandau chanté avec douceur. Et bien sûr de cet Appareil volant imitant l’oiseau naturel, épelez Avion, poétique déclaration d’amour que l’on pourrait donner à analyser avec profit en classe de français au collège, mais « désordre structurel » n’est-il pas trop complexe pour le lexique appauvri par l’abandon de la lecture ? Alors qu’ enc… fait partie du vocabulaire diffusé à longueur de temps dans la musique urbaine, et là, ils auraient ri…
Boule, qui se présente comme un cancre à la Cervelle de moineau, est de la même trempe qu’un Leny Escudero, de ceux qui, considérés comme incapables dans des écoles formatées, écrivent ensuite les plus beaux textes de la langue française. De ces autodidactes rêveurs et humanistes qui prennent le temps de vivre, d’apprécier la beauté, de la trouver jusque dans les sciences et ses « molécules d’eau vagabondes » (merci Hubert Reeves), de regretter la routine qui pèse sur le couple, de manier la satire dans cette goguette inversée sur les gens qui doutent d’Anne Sylvestre, s’en prenant aux gens sûrs d’eux « qui portent du jacquard, embauchent des smicards et qui sont gras du bide ». Et même de vous envoyer dans le nez sa philosophie provocante : Tout le monde il meurt à la fin.
N’ayez pas peur. Programmez-le, vous aurez un ami de plus. Ah, j’oubliais : ses mélodies sont inventives et il joue très bien de la guitare.
Le site de Boule, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.Regardez s’il passe près de chez vous en concerts, sa saison s’achève en 2026 à nouveau en Provence à Venelles (13) à l’Etincelle en trio, occasion de découvrir les très bons musiciens qui l’accompagnent.
« L’ours polaire », acoustique 2019 
« Le lierre et la ronce », clip 2020 
« Le biffin », live 2021 
Après le concert de Boule qui ouvrait la saison, novembre 2025 a accueilli Bonbon Vaudou en partenariat à la Médiathèque de Pertuis, et Clément Bertrand (article à suivre)
Le lieu se met en pause pour les fêtes familiales de fin d’année, et voici la suite pour 2026 :
Samedi 24 janvier 20h Natasha Bezriche
Samedi 21 mars 20h Julie Lagarrigue
Jeudi 09 avril 20h30 Le Cirque des Mirages Lieu: Théâtre Municipal de Pertuis
Samedi 09 mai 20h Camille Laïly
Samedi 13 juin 20h Amélie les Crayons
Plus de détails sur le site du 51.


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