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Georgette Lemaire, 1943-2025

GEORGETTE LEMAIREC’est dans un Ehpad, la Maison des artistes de Nogent-sur-Marne, qu’elle est décédée au premier jour de l’hiver : un cocon, un havre de paix pour celle qui devenue miséreuse fut souvent menacée d’expulsion.

Étonnement, la discographie de Georgette Lemaire est bien maigre : six albums, de 1966 à 2014 (mais, on s’en doute, beaucoup de 45 tours…). Son ultime album, Paris-Jazz, n’était fait que de reprises de chansons célèbres, de Sous le ciel de Paris à La Complainte de Mackie, de La Complainte de la Butte, à À quoi ça sert l’amour (interprétée avec Sanseverino) : du grand et bon classique, de quoi retrouver les origines de son entrée en chanson, de quoi définitivement la ranger à ce chapitre-là.

Morte dans la pauvreté, Georgette Kibleur est née tout aussi modestement, dans le quartier de Belleville. Une scolarité normale, sans gloire, avec tout de même ce plus, cet avantage qui la prédestine : elle est première en chant. Plus tard, alors jeune femme, elle chantera tous les dimanches aux puces de Saint-Ouen avec un répertoire de chansons réalistes, de Piaf à Ferrat…

En 1965, le destin frappe à sa porte. Sa mère l’incite à s’inscrire au télé-crochet alors très en vogue : Le Jeu de la chance, l’émission aux votes à l’applaudimètre de Raymond Marcillac. En novembre de cette année-là, elle y participe à trois reprises, chaque fois avec un titre d’Édith Piaf : faut dire qu’on y célébrait la mémoire de l’icône morte deux ans auparavant et dont le biznesse cherchait une successeuse. Pour au final être ex-aequo avec une certaine Mireille Mathieu. L’histoire officielle – celle dont le public se souvient pour l’avoir vue sur le petit écran en noir et blanc – veut que Georgette se soit désistée au profit de Mireille, après toutefois avoir signé un contrat discographique avec Philips. On saura bien plus tard par Georgette Lemaire elle-même qu’elle fut quelque peu forcée à prendre cette décision dont jamais elle ne se remit professionnellement. Une vérité d’airain qui se vérifie toujours : c’est moins le public qui fait le succès d’un artiste que les « gens du métier ».

Le succès de l’avignonnaise, bien mieux entourée professionnellement qu’elle, nuira durablement à Georgette Lemaire, un temps poulidor d’une vaine compétition (on les présenta longtemps comme rivales) avant de s’estomper, à quelques succès près, et peu ou prou disparaître de la mémoire populaire.

Georgette Lemaire eut à son actif quelques beaux succès, d’autant méritoires qu’à cette époque le yéyé s’était imposé, balayant sur son passage une grande partie de la chanson : A faire l’amour sans amour, Le Cœur désaccordé et Et si c’était vrai, signés du compositeur Charles Dumont, figurent sur son premier album. Mais son plus grand succès fut un titre écrit par Pascal Sevran, Vous étiez belle, madame, en 1968. On citera pareillement des titres comme Des millions d’amoureux en 1969 ou Demain sera différent, chanson du film Le Professeur en 1972 avec Alain Delon. En 1967 elle se produisit à Bobino en première partie d’un Georges Brassens qui souvent l’a soutenue, notamment dans les médias qui avaient tendance à ne privilégier que celle d’Avignon. Elle connaîtra encore de belles scènes dans les années soixante-dix. Et des distinctions, comme ce « Grand prix de la chanson populaire française », décerné par un jury d’écrivains, dont Boudard, Fallet et Le Breton, ce qui n’est pas rien, ou encore la dédicace d’un certain Charles Aznavour : « Une voix, un cœur, une authenticité, et dans son chant les cris de l’animal blessé, telle qu’en elle-même Georgette Lemaire. »

Georgette Lemaire avait signé une autobiographie, À m’en déchirer le cœur, parue en 2010.

 

« Vous étiez belle, madame » : Image de prévisualisation YouTube

« C’est trop facile, monsieur » : Image de prévisualisation YouTube

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