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Alertez les kékés !

La divine Brigitte Fontaine vient de sortir Prohibition, nouvel opus incorrect autant que bouleversant sur lequel nous nous pencherons prochainement. L’occasion est créée d’extirper de la pile cette chronique de concert rédigée en mai 2002, lors du festival Paroles et Musiques à Saint-Étienne. Sept ans après il me semble qu’on pourrait écrire la même prose, puisée aux mêmes mots…

 

Archive. C’est Blanche-Neige à Kékéland, c’est Brigitte Fontaine en scène, l’énigmatique folie d’une femme libre qui n’a plus rien à prouver mais tout à donner. Belle offrande à Paroles et Musiques
Envoyé spécial à Kékéland, sur le terrain des opérations, près de la Fontaine, pas une fable, une légende ! Debout, en parterre frénétique, ou assis, à l’inaudible étage. Dame, voici la star, étrangement belle et tragique, comme une lointaine mariée qui n’aurait jamais quitté sa nuptiale robe. Vieil hymen, daté zazou, relooké kéké. Les instruments hurlent, les cordes crissent : «Salut les kékés !». Fontaine est un mythe d’horlogerie : le temps s’y est arrêté qui n’a plus prise sur son corps décharné au poil ras. Elle oscille entre Égypte de Champollion et pure SF, en héroïque fantaisie. On attend d’elle du Fontaine de la meilleure eau : elle s’y emploie dans ce rôle qu’elle s’est forgé, objet chantant non identifié d’un lointain ailleurs, ne souffrant d’aucune comparaison. Unique. Et libre ! Lignes mélodiques affirmées, élans quasi-lyriques, évidente grâce… Et coups de folie. Tout Fontaine est là, fulgurant et énigmatique, prodigieux, parfois irritant. Mélopée orientale, chargée de loukoums, pour réclamer nougats, air qui fanfaronne pour célébrer zazous, élévation thermique d’une artiste alors globulée de rouge pour chanter L’incendie, accents rock pour fêter Higelin, Brigitte Fontaine se fait la totale dans une salle acquise, sous le regard bienveillant et complice d’Areski, tambourineur en chef d’orchestre, avec melon pour couvre-chef.
On vient se faire Fontaine et, comme d’hab’, cette mante religieuse nous bouffe tout cru. Elle est reine en Kékéland et rare diva en ce bas monde. Pour peu qu’on se laisse vampiriser, on la dira impératrice des paroles et des musiques. C’est à peu près ça !

(photo Marcus Mam)

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