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La noire chanson de La Blanche

La Blanche est tant le nom d’un groupe lyonnais que celui de son créateur et chanteur. Enfin, un surnom, à peine un pseudo. Chômeur à trente ans, Éric La Blanche crée alors un groupe et chante les bienfaits du RMI qui lui permet de vivre. Logique donc qu’il baptise son premier opus Michel Rocard en clin d’œil au créateur du revenu minimum d’insertion. Mine de rien, ça fera son raisonnable buzz et lancera le groupe. Le deuxième disque aurait pu faire fortune, non parce qu’il est excellent (il l’est) mais qu’il contient une petite perle, La Mort à Johnny, imaginant avec luxe de détails le jour fatal où l’icône défunctera. Mais aucun programmateur censé ne peut diffuser ça, se permettre un tel crime de lèse-majesté envers Hallyday et la sacro-sainte puissance discographique qui régente et édicte ses lois (la preuve, même les Fatals Picards, creusant le même sillon, se feront taper sur les doigts). Les pleutres remballent le disque. C’est foutu pour la gloire même si, prémonitoire dérision, il se nomme Disque d’or.
Le troisième opus de La Blanche, Imbécile heureux, vient tout juste de sortir. C’est du beau, du bon encore, toujours avec cet humour froid, distancié, pince-sans-rire, qui le caractérise. La Blanche sait vous glacer le sang, vous mettre mal à l’aise, en chantant les froides restructurations industrielles : « Je nettoie je renvoie / je vire je licencie les gens / c’est utile c’est sympa / je m’occupe des encombrants ». Malgré les cuivres, la musique de La Blanche est tout aussi glaciale, accentuant le malaise, remuant le couteau dans le play. Pareil quand il nous chante Un monsieur sans histoire, ou Le Forcené (« Je suis le forcené / je suis votre visage / J’ai pas choisi la haine / toute seule elle est montée ») ou des amours partis qui ne reviendront pas… Avec sa voix qu’on dirait parfois empruntée à Gainsbourg, avec mots et musiques (pop-rock) redoutablement bien écrits, La Blanche est, il me semble, une des valeurs sûres d’une chanson bien plus qu’estimable, somme de mini dramaturgies qui en disent long sur l’état de notre société.

La Blanche, Imbécile heureux, 2009, autoprod distribué par L’Autre Distribution

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