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Cristini, ça tient (particulièrement) debout

Il y a ceux qui n’envisagent la chanson que par le futile, et les autres, qui ont déjà pris le maquis, en une forme revendiquée de résistance.
À faire vivre coûte que coûte une chanson d’engagement, à labourer le champ des mots et l’ensemencer. À en polir le verbe, à choyer ses musiques. Et, forts de cet outil, à dénoncer, lutter, résister et reconstruire. Être acteur et témoin de cette vie.
Cristini est du lot, du clan. Il chante, qui plus est, avec rare élégance, perpétuant une tradition dans laquelle il s’inscrit pleinement, qui fait songer aux plus fameux folk-singers qui soient et convoque en son sein les folklores du bassin méditerranéen. De L’Estaca chère au catalan Lluis Llach à l’italienne Bella Ciao, Cristini inscrit son art dans cette culture-là, par une chanson qui bombe le torse, galvanise et lève le poing.
Le titre de ce troisième opus, Tenir debout, donne le La et fait posture et droiture : « Et je chante pour tenir debout et rester droit. »
Du précédent album, Les Yeux cousus (2009), nous avions gardé quelques vers de combat : « Si je résiste, j’existe / Si je renonce, je m’enfonce. » Sillons semblables ici, mais autrement labourés, plus profondément encore, plus subtilement peut-être. Car l’engagement ne suffit pas à faire une bonne chanson et même si les vers de Cristini s’abreuvent à cette source, la matière n’en est pas moins travaillée à l’extrême, en une épure de beauté et d’efficacité.
À la manière d’un dessin, une bonne chanson vaut mieux qu’un long discours : c’est cette chanson-là qu’il cisèle de sa gouge, en artisan impliqué, soucieux du bel ouvrage, sans jamais en abdiquer l’esthétique.
Des maquis de l’île de Beauté au souvenir diffus des canuts dans ce Lyon qui lui est désormais voisin, toute l’histoire de Cristini est là, comme l’ADN d’une révolte viscérale. Et d’une liberté sans prix, « dans l’herbe tendre / d’une vie de contrebande. »
L’actualité de cette société qui rivalise de cynisme, fournie, certes, à profusion matière à chansons. Celles de Cristini me semblent s’inscrire plus profondément encore dans l’histoire. Mondes meilleurs, pays de cocagne, moulins à vent parfois, l’art dessine les contours de lendemains qui chantent, d’un mieux-vivre pour ligne d’horizon. Plus que des chroniques sociales, plus que des slogans politiques de toutes façons rétifs à trop de discipline, la chanson de Cristini est un appel au bon sens, à l’absolue dignité, au nécessaire sursaut : « Si tu te rends, si tu abandonnes, c’est renoncer à tout ce qui fait de toi un homme. »
Cristini réussit à faire vivre une chanson plaisante, aux racines évidentes car familières, aux vers gorgés de luttes et d’espoirs comme un fruit peut l’être de jus et de sucre, comme les cerises de Clément. Toujours et plus que jamais en complicité avec Pierre Jouishomme avec qui il partage vers comme portées, Cristini avance plus sûrement encore dans l’exigence de son art. Et dans une lumineuse beauté.

Cristini, Tenir debout, 2011, Timber/Socadic. Sortie nationale le 15 octobre. Le site de Cristini, c’est ici.

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