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Chanson : besoin de nico-tine ?

Bien sûr il y a ces plans sociaux qui vont venir, lourds de menaces, porteurs d’autant de drames humains ; bien sûr il y a cette future note dégradée : ah, ah, ah… Bien sûr le monde ne va pas bien, qui marche sur la tête et écrase ses peuples. Et les éditorialistes ne cessent d’éditoraliser fort à propos. Mais le pire est ailleurs. Comprenez que les artistes sont quasiment réduits au chômage. Enièmes soubresauts du statut d’intermittent ? Même pas, ou pas encore. Non, juste le baby-blues. Sarkozy était un bon client – le meilleur de tous sans doute – que les caricaturistes croquaient à satiété, que les chanteurs entonnaient avec un plaisir certain, quasi jubilatoire. Certes et par bonheur ce petit Nicolas qui ne doit rien à Sempé et Goscinny n’en a pas fini de rendre des comptes, devant la justice notamment où des juges justiciers le harcèlent pour un oui, pour un non, pour des comptes douteux de campagnes électorales, des valises pleines de chez la vieille Bettencourt, pour d’autres broutilles et que sais-je encore, comme cette correspondance reçue à l’Elysée pour François Hollande avant sa prise de fonctions, que Sarkozy a fait détruire (en théorie, une telle destruction vaut la prison ferme). Bien sûr la grand’œuvre du président sortant et sorti baignera pour longtemps la vie politique et sans doute nos vies, les impactant de lourdes difficultés… Mais quand même : imaginez-vous une seconde un concert sans un aparté ou une chanson sur Nicolas Sarkozy, sur lui ou une de ses initiatives, une de ses (in)conséquences. Que vont donc pouvoir dire nos chanteurs, nos humoristes, nos dessinateurs sans l’homme qui vient de chuter de son hausse-mioche, de ses talonnettes ?

Certains s’énerveront à ce constat. Mais les arts (sauf ceux, beaux arts et arts bourgeois, qui courbent l’échine pour sucer la manne publique) sont ainsi faits qu’ils sont un peu le réceptacle de la vie. Et si on a beaucoup dessiné ou chanté Sarkozy c’est que cet homme s’est constamment mis devant, occupant tout l’espace sans nul partage, prenant tout le lit. Grosso modo, en chanson, on chante la vie ou on se contente de distraire la populace ; ou on chante Ma France ou on chante Il y a du soleil sur la France. L’histoire de la chanson est l’histoire du peuple. Il n’y a vraiment que depuis à peine cent ans, à plus forte raison depuis quelques décennies, que le commerce a perverti la chanson pour en faire des savonnettes, pour décerveler, annihiler toute pensée. Comme il a été dit ici-même, l’ex locataire de l’Elysée a paradoxalement fait beaucoup pour rendre à la chanson son rugueux d’origine, sa vocation première, à son corps défendant. Sans lui, la chanson va-t-elle à nouveau s’étioler, s’amenuiser, se recroqueviller ? Cinq ans de présidence normale, c’est d’un ennui… ! Heureusement que les Cassandre(s) de la presse (et nombre d’électeurs d’hier…) nous prophétisent déjà l’après-Hollande : nos chanteurs se referont alors une santé dans la pharmaCopée Marine, présidente de toutes les droites et, ne nous déplaise, de tous les français. Ça réveillera le Gavroche qui est en tout chanteur et le coq gaulois qui chante si bien les pattes dans la merde.

Sur ce sujet, on (re)lira avec délectation l’article « Merci, Nicolas ! » paru sur NosEnchanteurs le soir du 6 mai 2012, à 20 heures pile.

 

5 Réponses à Chanson : besoin de nico-tine ?

  1. Delorme 11 juin 2012 à 8 h 20 min

    le commerce a perverti la chanson pour en faire des savonnettes, pour décerveler, annihiler toute pensée.
    Dans le meilleur des cas les chansons permettent de s’émouvoir, mais je ne vois pas en quoi elles permettent de « penser ». C’est très difficile de penser, du moins par soi-même, toute une vie y suffit à peine, et pour y parvenir il y a des livres et l’étude. Cela demande un effort constant et bien de l’abnégation. En ce domaine les chansons ne sont d’aucun secours, aussi ambitieuses soient-elles, elles restent un divertissement qui n’a pas grand-chose à voir avec l’intellect. Elles viennent illustrer certaines notions parfois, ou évènements, elles ne créent pas de concepts, elles ne sont pas la vague, tout juste une frange d’écume au-dessus. Elles ne font pas l’Histoire, elles l’accompagnent et deviennent parfois, mais très rarement, des symboles.

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  2. danièle 11 juin 2012 à 9 h 55 min

    Il ne faut pas être si pessimiste, à défaut de chansons contestataires, on va voir arriver des chansons d’amour et d’espoir . Et puis ça m’étonnerait qu’on ait pas matière à gueuler dans le monde de demain, hélas …

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  3. Henri Schmitt 12 juin 2012 à 21 h 00 min

    Eh bien Monsieur Delorme, je crois que vous etes trop restrictif. « Penser » signifie entre autre reflechir, si j’en crois diverse definitions. Peser (au sens figure), soupeser, imaginer peuvent aussi sappliquer a ce verbe, qui implique d’utiliser son esprit, et par la son cerveau pour reflechir. Quand vous ecrivez que c’est « tres difficile de penser », vous vous mettez dans le lot aussi? Je taquine, mais que faites vous quand vous repondz a un poste? Vous ecrivez quelque chose qui vous est venu apres avoir lu une opinion. Vous reagissez en utilisant votre intellect, me semble-t-il. Vous ne pensez pas? Ah bon…
    Et bien je vais vous citer un exemple personnel, qui pour moi me
    fait dire que votre argummmentation est discutable.
    En 1972, j’ai decouvert Maxime Leforestier, et en particulier une chanson qui a fait beaucoup de bruit: « Parachutiste » Ma famille etait plutot de droite, avec des valeurs comme le resepect de l’ordre etabli, de la religion, de l’armee, de l’autorite etc…On avait un peu le culte du General de Gaulle pour faire bonne mesure, on bouffait »du boche  » a l’occasion, et on avait pas une franche attirance pour ce qui etait « rouge ».Un grand -pere avait fait 14’18, ou une balle lui avait enleve un oeil, apres qu’il eut auparavant servi au Tonkin comme officier. C’est dans ce contexte que j’ai decouvert la chanson citee. Mon premier reflexe a ete de la rejeter, pensant que c’etait un tissus de mensonges, d’insultes etc… a des gens qui ne faisaient « que leur devoir ». Cependant , a 16 ans, je commencais a nourrir quelques doutes sur la culture familiale, et le fait que l’on ait reagi assez vilolemment a cette chanson m’a pousse a chercher ce qui avait pu l’inspirer. J’ai lu, discute, echange, et ce que j’ai decouvert est probablement en grande partie a l’origine de mes options politiques et philosophiques actuelles. Il y a eu d’autres cas avec d’autres chanteurs, d’autres auteurs: Gaston Coute, Bernard Lavilliers, Gilles Servat, Brassens , Joan Pau Verdier encore. Je dois au choc de certaines chansons de m’avoir pousse dans une certaine direction, de m’avoir aide a sortir d’un monde etrique, fait de certitudes et de cliches , ou l’ordre etait LA valeur premiere, avec sa consoeur l’obeissance sans discuter, et une certaine haine d’une pensee libre. Je ne puis evidemment pas vous rejoindre quand vous qualifiez la chanson de « divertissement ». C’est terrible, en lisant cela j’ai la vision du bon Arthur Comte, a la tv dans les annees 70, disant qu’il fallait que » la France chante »
    On sait ce que l’on nous proposait en general de chanter a cette epoque dans les emissions de variete, autre terme qui m’a toujours exaspere…
    Je ne me vois pas qualifiant au hasard, Catherine Ribeiro ou Michele Bernard, ou Colette Magny de « divertissement ». C’est d’ailleurs probablement la raison pour laquelle on les programmait rarement ou pas du tout sur certaines radios. Je ne crois pas neanmoins qu’il faille attendre d’une chanson un cours d’economie politique ou de philosophie. Mais en ce qui me concerne , beaucoup de chansons m’ont amene a reflechir…Et je pense que c’est deja enorme. Et il ya bien sur des chansons qui font rever, marrer, ou qui bien que triste,s vous accompagne dans votre deuil, douleur ou desespoir. Tout ca va plus loin qu’un
    divertissement., non?

    Sans rancune.

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  4. Delorme 13 juin 2012 à 10 h 25 min

    Bien sûr je me mets dans le lot.
    Quand j’emploie le mot « divertissement » ça n’a rien de péjoratif
    dans mon esprit. Il y a des divertissements de qualité et d’autres médiocres, voire vils. Quant à avoir une opinion, et tout le monde en a, ça n’est pas la garantie que l’on « pense ». On confond souvent de simples impressions avec « penser ».
    Commencer à penser, c’est peut-être d’abord commencer à interroger ce qui « va de soi », c’est-à-dire les clichés et dans ce blog ils sont nombreux concernant la chanson. C’est peut-être aussi essayer d’exercer son esprit critique par rapport à ses propres goûts et certitudes.
    Que la chanson puisse frapper l’esprit d’un adolescent dont la sensibilité est à fleur de peau c’est bien vrai et j’ai été moi aussi
    à 16 ans touché par certaines chansons. Cependant j’ai
    aujourd’hui 61 ans et je n’entends plus la chanson de la même
    oreille, ce qui paraît être la moindre des choses.
    Je ne vois pas pourquoi vous terminez votre billet par ce « sans rancune ». Pourquoi vous en voudrais-je de répondre à ce que
    j’avais écrit et dire que vous n’êtes pas d’accord? Comme je le
    dis souvent ici, la chanson que nous aimons mérite une véritable critique et une véritable réflexion. En gros sortir des clichés et
    tâcher de « penser » un peu!

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  5. Delorme 14 juin 2012 à 9 h 28 min

    Pour essayer de penser un peu, ce texte ou plutôt cette phrase de Cornelius Castoriadis, avec qui j’ai appris quand même plus
    de choses qu’en écoutant des chansons.
    « Les gens croient qu’ils ont une « pensée personnelle » ; en vérité, chez le penseur le plus original, il n’y a qu’une infime partie de ce qu’il dit qui ne vient pas de la société, de ce qu’il a appris, de ce qui l’entoure, des opinions, de l’air du temps ou d’une élaboration triviale de tout cela […] Si l’on veut, métaphoriquement, quantifier, le noyau vraiment neuf chez un Platon, un Aristote, un Kant, un Hegel , un Marx ou un Freud
    représente peut-être 1% de ce qu’ils ont dit ou écrit. »
    (Cornelius Castoriadis, Une société à la dérive, Seuil 2005)

    On pourra ici changer les noms de ces grands philosophes par ceux de grands créateurs de chanson.

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