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Avignon 2013. Minvielle Suarez : l’art est création

Tandem (André Minvielle & Lionel Suarez), au Théâtre des Carmes jusqu’au 26 juillet,

Minvielle et Suarez : le tandem ! (photo DR prélevé au site d'André Minvielle)

Minvielle et Suarez : le tandem ! (photo DR prélevée au site d’André Minvielle)

Dans la foultitude des propositions avignonnaises, il est des moments où on ne sait plus où donner de la tête, des pieds, des mains, ni de quelque autre partie d’un corps mis à mal, bringuebalé qu’il est, de lieux mal climatisés en théâtres improbables. C’est la raison pour laquelle, quand point le soir et son espoir de moins souffrir de la canicule ambiante, la perspective d’assister au spectacle du duo André Minvielle/Lionel Suarez fait office de bouffée d’air frais.

Le Théâtre des Carmes est un de mes lieux préférés de la Cité des Papes. Ces murs nus (mélange de bois, de pierres, de briques et de broc) qui surplombent le plateau du regretté André Benedetto (fondateur du Festival d’Avignon Off) ont vu jouer tant et tant de grands auteurs, d’immenses acteurs et de fabuleux textes, qu’ils nous font entrer de plain-pied dans un univers -pour le moins- habité. Il en est ainsi des lieux gorgés d’histoire, dont le moindre interstice dans la plus petite pierre incite l’imaginaire à s’y glisser pour un voyage dont on ignore l’issue avec délice.

Aussi, quand arrivent sur cette scène mythique l’accordéonniste Lionel Suarez et le vocalchimiste André Minvielle, pressent-on qu’il va se passer quelque chose… Et dès les premières notes égrenées par les petits boutons nacrés, la magie opère. Le jeu de Lionel Suarez n’est pas un accompagnement : il n’est pas là pour faire office de faire-valoir à son chanteur de collègue. Non, leur tandem à ces deux-là est à mille lieux d’être traditionnel : ils ne sont pas l’un derrière l’autre, l’un guidant et le second se laissant « transes porter » ; ils sont l’un à côté de l’autre, sur un moyen de transport en commun peu commun. Et quand il y en a un qui roule, c’est son alter régal qui tangue. Et vice-vertu. Et c’est vers ça qu’ils tendent, nos deux cyclo tous risques : vers un but qu’ils ne sont pas pressés d’atteindre. Ils sont si sans cible que c’est vraiment le chemin (lo camin en occitan) qui importe. Et même si ça cahote, ça chahute, ça cahute et ça chantotte à toutes berzingues, ils élastiquent tant et si bien leur (piano à) bretelles et leurs cordes locales et loquaces que la « vélo-cité » devient ici toute relative. Oui ça va vite et ça dépote, mais la virtuosité n’est en aucun cas purement technique ni démonstrative : elle est ici la marque de fabrique d’un duo qui, du haut de ses convictions méli-mélodiques et bouleversificatrices, nous entraîne dans une poésie, déjantée certes, mais jamais désenchantée.

0Gascon, (mais pas con) et occitan (c’est excitant), l’ivre de la jongle et ces mots glissent sur la piste aux étoiles déroulée par le soufflet bien rodé à Rodez de l’ami Suarez. Rodéo percussif persuasif (sans jamais être oisif) ou bien valse-amusette (qui, pour tout gain, guette la larme qui perle dans nos prunelles), l’art consommé de ces deux-là nous consume l’âme avec rudesse et avec tendresse. Quand l’un donne le tempo comme on bat une crème fouettée, l’autre veloute et onctuose et jusqu’à nous faire déguster (et aimer) legato. Quand Lionel déroule, André déboule et quand l’un cogne, l’autre gascogne. Du pince-couilles au sac plastique, on ne distingue plus lequel est l’instrument tant ces deux-là s’instruc-mentalisent et s’alchimisent. Le batteur et le mélodiste s’enchevêtrent, se caressent, s’entrechoquent, se cajôlent et se confortent au point que leur musique se mosaïque dans une harmonie impressionniste et impressionnante. D’éclats de verbes en accroches pointées, ils salvadordalisent un mode d’expression unique et universel : le leur. Mais, le plus beau de cette histoire-là, c’est qu’ils parviennent à le faire nôtre !

En effet, au-delà du propos (qu’il soit tenu en français, en occitan ou dans une langue onomatopéique réjouissante tant elle sonne et résonne), c’est bel et bien le sens qui nous met sang dessus dessous : Suarez et Minvielle nous démontrent avec humilité et élégance que l’universalisme, c’est le local sans les frontières. Sans effet de manche ni mise en scène, sans texte préparé entre 2 morceaux ni décor (hormis la majesté du lieu nu), sans zigouigoui lumineux ni niou-niou sonore, nous nous trouvons bien ici dans un véritable spectacle qui, s’il n’a rien de spectaculaire, est tellement plus qu’un concert ! Tandem roule à tons beaux ouverts vers l’art-évolution que chacunE d’entre-nous appelle de ses voeux. Avec un seul mot d’ordre pour perpétuer le mouvement : groove général !

Le site d’André Minvielle et de Lionel Suarez, c’est ici.
Juliette et Lucie
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2 Réponses à Avignon 2013. Minvielle Suarez : l’art est création

  1. Claude Fèvre/ Festiv'Art 24 juillet 2013 à 16 h 26 min

    Il fallait une telle plume pour dire l’incroyable jonglerie de ces deux là !! Merci !!
    J’ai eu le bonheur de les voir il y a quelques années au festival Bernard Dimey…et de m’entretenir longuement avec André.Un cadeau ! Pas d’autre mot !!
    Quant à Lionel il s’était prêté avec générosité et humilité au jeu de la 3 ème mi-temps !!

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  2. Michel Kemper 24 juillet 2013 à 16 h 56 min

    Eh, Claude ! Belle collection de plumes vraiment. Et c’est pas fini… Amitiés à toute l’équipe !

    Répondre

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