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Poésie et chanson : un cousinage compliqué

« Parlons de la poésie. On considère toujours les rapports poésie-chanson comme si la chanson était une branche secondaire de la poésie qui aurait à porter le poids de cette dégénérescence. C’est une erreur, une inversion totale de la perspective. A l’origine, la poésie est oralité, scansion, vibration vocale, exhalaison, montée du corps. C’est la chanson qui est le corps principal du message poétique et elle n’a pas à montrer ses lettres de créance. Tandis que la poésie de la page blanche est une branche tardive de l’arbre poétique. » (Jacques Bertin, Quelques notes sur la poésie et la chanson in La revue commune n°9, février 1998)

Matthias Vincenot, poète et défenseur de la chanson (photo DR)

Matthias Vincenot, poète et défenseur de la chanson (photo DR)

A première vue, chanson et poésie ont tout pour faire bon ménage. Mais rien n’est simple. Pour Bertin « L’expérience de la chanson poétique, vue par un professionnel, c’est d’abord l’expérience du mépris, puisque la chanson est un art méprisé par les élites intellectuelles. Cela fait que, malheureusement, le niveau de l’interrogation critique sur cette discipline est à peu près nul. »

On connait Matthias Vincenot, enseignant à la Sorbonne, poète et fou de chansons. Il faut l’être pour avoir créé – et chaque été le gérer – ce festival DécOuvrir entre framboisiers et pommiers de Concèze où, justement, durant toute une semaine il fait se succéder sur scène des poètes et des chanteur. Et, par ces chanteurs, tant de la variété que de la « chanson de paroles » comme on dit à Barjac. Fou pour, tant bien que mal, faire exister ce prix Georges-Moustaki du disque indépendant et/ou autoproduit. Fou pour faire chanter à la Sorbonne tant Lalanne qu’Hervé Vilard, Francesca Solleville ou Eric Guilleton et François Corbier. Fou pour relever ce défi d’unir en un même livre (450 pages) la poésie et la chanson, Le mot et la note, ce cousinage si compliqué, si tourmenté entre ces deux genres, l’un étant officiellement un art (la poésie), l’autre n’étant officiellement rien, ce que les pouvoirs publics lui font bien comprendre.

9782355162213FSSi Trenet ne fut pas élu à l’Académie française, ce n’est pas à cause de lui. Mais parce qu’il est hors de question que la batarde chanson puisse siéger chez les immortels. On ne mélange pas les torchons et les serviettes disait ma mère : sous la Coupole c’est pareil (j’ai l’impression, moi, que Brassens à lui tout seul sera bien plus immortel que tous « ces vieux snocks d’académie » comme aurait dit Pierre Perret). Dans Le mot et la note, Vincenot ausculte, rapproche, explique, confronte, convoque. Lui est un fervent convaincu en poète qui connait la chanson se fait l’avocat des épousailles entre les deux.

Résumer le propos, l’argumentation de Matthias Vincenot est un peu vain : il faut lire son pavé captivant et passionné (ça se lit très bien, loin de tout discours universitaire, soyez-en sûr). Le prologue est signé Georges Moustaki lui-même : comme imprimatur, on ne fait guère mieux.

Matthias Vincenot, Le mot et la note, Editions de l’Amandier, 2012. 22 euros. Soirée de sortie ce mercredi 9 avril 2014 à 19 heures dans les locaux du P.E.N. Club français (Poètes Essayistes Nouvellistes). 6, rue François Miron, Paris 4ème, métro Hôtel de Ville. Présentation et lectures. Détails sur la page événement : https://www.facebook.com/events/662021197191020/.

3 Réponses à Poésie et chanson : un cousinage compliqué

  1. Old Nut 7 avril 2014 à 21 h 59 min

    Oui c’est une analyse pertinente je pense que les premières poésies ont été psalmodiées pour célébrer la lune, le soleil ou la femme aimée car n’oublions pas qu’au début il n’ y avait pas l’écriture.

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  2. catherine Laugier 8 avril 2014 à 17 h 53 min

    Oh quel beau propos Michel, et merci à Matthias Vincenot. Je suis tout à fait de son avis et du vôtre. Et quelle belle définition de la poésie que celle de Jacques Bertin !
    Ne déposez pas de musiques sur mes vers, aurait dit Victor Hugo. Heureusement Bassens entre autres ne l’ a pas écouté. Qu’est-ce qui peut apporter plus que le mélange de musique et des mots, quand ils s’accordent parfaitement ? Ah oui, la danse. Par exemple « Je danse » de Thomas Pitiot. Ou « Alors on danse » de Stromae.
    Souvenons-nous des troubadours et des baladins…
    « aveia sotilessa et art de trobar bos motz e gai sons »Bernart de Ventadour

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  3. geryposte 9 avril 2014 à 3 h 00 min

    La première poésie, la première musique… Les êtres vivants expriment leurs sentiments par la voix, le langage, le cri, le chant, les modulent en fonction de ce qu’ils ressentent, et/ou tentent d’exprimer. Décréter tant et et tant de millénaires « après » qui a commencé quoi, c’est un peu l’oeuf ou la poule… On parle de »cri primal » et « Tiffu », un de mes chats semble en être encore à ce stade, mais je comprends ce qu’il me demande par ses miaulements et mimiques; et les minettes du milieu minaudent devant ce misérable mythomane(!). Les êtres humains ont inventé et codifié « la langue », appelée (un peu à tort mais…) maternelle, donc presque innée comme la voix, la musique qui exprime la pensée…

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