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Le temps des Goguettes et de la chanson indocile

Goguette (source Wikipédia)

Goguette (source Wikipédia)

Je vous parle d’un temps que les moins de cent ans… En ces temps-là, au 19e siècle, à Paris comme dans certaines grandes villes de province, existaient des sociétés réunissant tant des ouvriers au sortir de leur atelier, des petits artisans et poètes prolétaires, dans l’arrière-salle de quelques cabarets. Là, chacun y chantait les chansons de sa création, souvent crues et en prise avec le travail, avec la société aussi. Des chansons souvent sur l’air de, parfois sur leur propres musiques.

Ferment de l’expression populaire, de la contestation, de la révolution, nourri des idéaux de 1789, ces goguettes, nombreuses, furent surveillées, inquiétées, souvent interdites.

Souvent un mot en disait un autre, que chacun comprenait, pour déjouer la censure, terrible répression policière, surtout sous la Restauration, où ces sociétés chantantes se multiplièrent.

Chute du premier empire, Restauration monarchique, les Cent jours, seconde Restauration et début du parlementarisme, la Commune qui s’en vient… L’Histoire se faisait et se défaisait sans que le peuple n’ait vraiment son mot à dire. Alors il prenait la parole en chansons, qui naissaient en ces fertiles incubateurs que furent les goguettes.

G_pim_49_1399910867C’est sans doute de cette époque qu’il faut voir la haine des pouvoirs, de tous les pouvoirs en place, pour la chanson, ferment d’idées contestataires et de révoltes à venir. De haine et de mépris. Qui n’a jamais cessé depuis. Qu’il est doux le monde actuel où les grands médias filtrent à la place de nos penseurs et de nos dirigeants ce qui peut atteindre l’oreille du grand public, ce qui pourrait lui donner à réfléchir, à l’armer, alarmé.

De fait la chanson est désormais inoffensive, inaudible, inconnue. Pour mieux s’en assurer, on la fait désormais en un mièvre et pauvre english pour que plus jamais elle n’ose encore éduquer les foules. On lui a même retiré l’appellation « chanson » pour lui substituer le terme incertain et réducteur de « musique ».

C’est le mérite de cette réédition de La Goguette d’enfer de nous rappeler ce temps où on savait ce que chanter voulait dire. Où, pour avoir entamé un couplet, on pouvait se faire embastiller et même pire, pour subversion. L’auteur de ce travail (publié une première fois en 1985) est Claude Duneton, grand historien s’il en fut de la chanson. La direction artistique fut confiée à Jacques Serizier, la coordination à Chantal Grimm. Les goguettiers sont Christian Paccoud, Didier Brémont, Chalotte Maury et Nathalie Solence. Utile et agréable moment d’Histoire. Rouvrez les goguettes qu’on y chante à nouveau !

 

Claude Duneton, La Goguette d’enfer, Eponymes, 2014. Le site des éditions Eponymes, c’est ici. Image de prévisualisation YouTube

Une réponse à Le temps des Goguettes et de la chanson indocile

  1. quemener 2 juin 2014 à 12 h 41 min

    superbe !

    Répondre

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