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Paul Tourenne (Les Frères Jacques), 1923-2016

Paul Tourenne (copie d'écran)

Paul Tourenne (copie d’écran)

Parfois, en fait souvent, je me passe le double DVD des Frères Jacques. J’y aime tant les images d’archives que ce dialogue nostalgique et joyeux entre Pierre Tchernia et Paul Tourenne. Tchernia vient de mourir le mois passé. Tourenne aussi, « mort de vieillesse » ce 20 novembre à Montréal, où, redevenu photographe, il avait choisi de finir sa vie. Plus aucun des quatre Frères Jacques n’est encore vivant (seul Hubert Degex, leur pianiste de 1965 à 1982, est toujours de ce monde). La page définitivement se tourne. Ça a beau être obsolète, ringard, je n’ai jamais réussi à me convaincre que Les Frères Jacques c’était vieux. Pardonnez-moi : je les trouve même d’une étonnante modernité. Même mes amis de Chanson plus bifluorée ne sauraient être à mes yeux aussi modernes qu’eux, Paul Tourenne, François Soubeyran, Georges et André Bellec. Même dans leur tenue un rien moule-boules (leurs premiers collants exposaient bien plus leurs anatomies), même dans leur souci constant de faire rimer à quatre l’humour et la poésie.

667_001Ça fait longtemps qu’ils avaient raccroché leurs gants : c’était en janvier 1982, à Lausanne, après 36 années de chanson. Ça fait presque autant depuis et pourtant ils sont toujours là, nichés dans nos souvenirs, indétrônables. Ils sont nés, après guerre, par des émissions de radio et quelques prestations publiques, avec un répertoire fait de chansons de feux de camps, de folklore, de route, de negro spiritual également. Mais nés sans nom, juste l’idée de copier tous ces américains, des Marx Brothers aux Andrews Sisters, avec ce lien de parenté dans le nom. Les Frères, donc, même s’il n’y avait qu’André et Georges qui l’étaient. Mais les frères comment ? Et ils ont fait le Jacques, une prédisposition qui leur était entre toutes naturelle.

PENSEES VAGABONDES Préface, par Paul Tourenne, du livre « Les Frères Jacques. Un nouveau regard » de Jean Dufour et José Corréa, paru en 2015 aux éditions Trace ta vie – Jean-Jacques Wuillaume) Mes pensées vagabondes me conduisent souvent vers ces années de notre belle aventure artistique et humaine. Nous étions six, pianistes inclus, différents et complémentaires, réunis par une passion espiègle et dévorante à la fois. La nostalgie fait ressurgir l'exigence déterminante de la musique sur le clavier de Pierre Philippe, puis celui d'Hubert Degex. Nos expériences respectives trouvaient alors une convergence incontournable que valorisaient l'esprit communautaire et la ténacité d'André Bellec, notre Monsieur Loyal, la sensibilité élégante de son frère Georges, facétieux, délicat et décapant, puis celle de François Soubeyran, grand mât au vent de sa gentillesse et de son humanité. Notre bateau a connu bien des turbulences. Les conflits mineurs, inévitables au sein d'une petite équipe confrontée à la rigueur du chant, de la comédie et du mime, ont toujours été maîtrisés par la stabilité d'André. L'affrontement de nos modestes talents dans une expression novatrice nous a conduit à la tolérance, puis à la considération, à l'amitié enfin, qui engendre jusqu'à l'affection. C'est ainsi, au prix d'un travail inlassable, dans le respect de nos choix et celui du public, que nous sommes devenusdes complices, des Frères enfin. La scène, notre scène appartient au souvenir. Elle est démesurée sous mes pas de solitude à la rencontre de ces compagnons imprégnés d'humour et de poésie que je porte inlassablement dans ma mémoire et dans mon cœur. PAUL TOURENNE (dessin de José Corréa)

P E N S E E S    V A G A B O N D E S
Préface, par Paul Tourenne, du livre « Les Frères Jacques. Un nouveau regard » de Jean Dufour et José Corréa, paru en 2015 aux éditions Trace ta vie – Jean-Jacques Wuillaume)
Mes pensées vagabondes me conduisent souvent vers ces années de notre belle aventure artistique et humaine. Nous étions six, pianistes inclus, différents et complémentaires, réunis par une passion espiègle et dévorante à la fois.
La nostalgie fait ressurgir l’exigence déterminante de la musique sur le clavier de Pierre Philippe, puis celui d’Hubert Degex.
Nos expériences respectives trouvaient alors une convergence incontournable que valorisaient l’esprit communautaire et la ténacité d’André Bellec, notre Monsieur Loyal, la sensibilité élégante de son frère Georges, facétieux, délicat et décapant, puis celle de François Soubeyran, grand mât au vent de sa gentillesse et de son humanité.
Notre bateau a connu bien des turbulences. Les conflits mineurs, inévitables au sein d’une petite équipe confrontée à la rigueur du chant, de la comédie et du mime, ont toujours été maîtrisés par la stabilité d’André.
L’affrontement de nos modestes talents dans une expression novatrice nous a conduit à la tolérance, puis à la considération, à l’amitié enfin, qui engendre jusqu’à l’affection.
C’est ainsi, au prix d’un travail inlassable, dans le respect de nos choix et celui du public, que nous sommes devenusdes complices, des Frères enfin.
La scène, notre scène appartient au souvenir. Elle est démesurée sous mes pas de solitude à la rencontre de ces compagnons imprégnés d’humour et de poésie que je porte inlassablement dans ma mémoire et dans mon cœur.
PAUL TOURENNE (dessin de José Corréa)

La demoiselle de bas étage, Le poinçonneur des Lilas, En sortant de l’école, Monsieur William, La voix du sang, Les fesses, Le corbeau et le renard, L’inventaire, Chanson sans calcium, La confiture, L’entrecôte, Barbara, Les tics, Le cirque, La truite, La queue du chat, La Marie-Joseph, Méli mélo… chacun de nous gardera sa ou ses chansons préférées que, par bonheur, entretiendront les vidéos, plus d’ailleurs que les disques, le visuel de chacune de leurs prestations étant indissociable de leurs chansons.

Né dans l’idée et la ferveur de l’éducation populaire (au sein de l’association Travail et Culture) ce quatuor s’est débarrassé du folklore pour rapidement se rapprocher d’une chanson d’auteur et ainsi interpréter Jacques Prévert, Charles Trenet, Francis Blanche, Ricet Barrier, Raymond Queneau, Jean Cosmos… même Jean de La Fontaine. Les Frères Jacques donneront plus de 7000 récitals, préférant toujours les théâtres aux music-halls, y présentant chaque fois un spectacle complet où rien n’est pur hasard, tout est étudié. Longtemps après leurs dernières scènes, Les Frères Jacques restent une des plus belles icônes de la chanson, un quatuor en tout point exemplaire qui, désormais sans le savoir, fera encore école, non dans la forme mais dans l’esprit, dans l’intelligence, dans la totale exigence.

François Soubeyran est mort le 21 octobre 2002, André Bellec est décédé le 3 octobre 2008 et son frère Georges s’est éteint le 13 décembre 2012.

 

Ce que NosEnchanteurs a déjà dit des Frères Jacques, c’est ici.

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2 Réponses à Paul Tourenne (Les Frères Jacques), 1923-2016

  1. de GROEVE Pol 20 novembre 2016 à 23 h 35 min

    Effectivement, une page se tourne.

    Je me souviens les avoir vus dans leur tournée d’adieu. Ce devait être en 1982, j’avais 16 ans. J’étais content d’applaudir en vrai ce groupe légendaire. Mais déjà à l’époque, mes camarades de classe avaient du mal à comprendre mon engouement : pour eux, c’était totalement démodé !

    Je ne sais pas s’ils traverseront si facilement l’épreuve du temps. Des chansons fort écrites, un accompagnement musical minimal, les costumes… Pour mes enfants, c’est le top ringardise.

    C’est d’ailleurs paradoxal : si je leur passe un disque, ils accrochent plus, par la qualité des paroles et l’humour des chansons. C’est donc le visuel, qui a pourtant fait toute la réputation des Frères, qui les rebute…

    En tout cas, personnellement, je dois aux Frères Jacques ma chanson préférée de tous les temps : 300 millions (aussi interprétée par son créateur, Ricet Barrier, sous le nom « Les spermatozoïdes »). Rien que pour cela, je ne peux que les chérir jusqu’à la fin de mes jours.

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  2. Ritsuko 21 novembre 2016 à 4 h 11 min

    Moi aussi j’adore le double DVD dont vous parlez. Il m’est arrivé de montrer à mes étudiants « La confiture » « La ceinture » etc. et c’était toujours un bon moment à rire ensemble au milieu d’un cours de français.
    Le disque 2 contient des extraits du spectacle en hommage aux Frères Jacques. Là les quatre ont l’air bien amusés en regardant les jeunes artistes interpréter leurs numéros. Il me paraît qu’ils ne pouvaient pas se priver de fredonner et de mimer avec eux… C’est émouvant… Ne reste-t-il pas un enregistrement complet de ce spectacle si beau et si exceptionnel pour qu’on puisse le reconstituer ?

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