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Les Fatals Picards : putain de rimes pour mutins du rock

(photos Vincent Capraro)

(photos Vincent Capraro)

C’est un « club » comme ils disent : quatre mutins de la rime et du rock qui nous enchantent depuis bien longtemps. Paul Léger (chanteur vénéré), Jean-Marc Sauvagnargues (batteur, chanteur), Laurent Honel (guitariste), Yves Giraud (bassiste) nous reviennent avec ce nouvel album Le Fatals Picards Country Club. Bien que d’origine (assez douteuse) picarde, les Fatals Picards respirent l’intelligence, la subtilité et le talent. Ça va ! les Bretons, les Corses et les Tchis  n’ont rien à envier aux Picards en matière de consanguinité et d’alcoolisme. Attention, nous ne les aimons pas uniquement pour leur beauté plastique exceptionnelle qui déchaîne les foules mais surtout pour leur esprit facétieux et pétillant. Il faut croire que nous ne sommes pas les seuls puisque c’est le public lui même qui finance leur travail et en redemande. Condamnés au succès, à force de Ululer (à l’Armor) comme des dingues, ils ont récupéré un pactole de 60 000 € ! Compte tenu de leur incompétence totale en matière d’escroquerie et d’optimisation fiscale, l’idée des placements financiers sur des comptes offshore a été abandonnée, au profit de la création d’un très bel album. On ne va pas s’en plaindre. Une mise en garde : l’iconographie de cet album peut choquer par sa violence. Nous craignons que certains punks à chiens ne survivent pas à cette débauche d’aristocratiques images, insoutenables…

25914Pas d’inquiétude, la marque de fabrique des Fatals Picards est bien là. Du rock puissant et festif, des sujets graves de société, traités avec humour, un second degré toujours décapant. A la vie à l’Armor brosse le portrait du con qui se pointe dans tous les concerts avec un drapeau breton. On l’a tous rencontré un jour, c’est factuel ! Pourquoi ? dénonce cette mode insupportable des albums de reprises, souvent sans que les interprètes n’aient beaucoup de légitimité à le faire, ou pire, ne savent même pas ce qu’ils chantent : «  Leur vision édulcorée m’a vite fait comprendre qu’il faut plus d’un bandana pour pouvoir nous faire bander », «  Quelqu’un a décidé… que tu étais la seule pour parler dans l’hygiaphone, moi j’aurais préféré ce jour-là que tu sois aphone » adressée à une chanteuse A entre deux Z. Un couplet pour Patriiiiiiickk qui massacre la Dame en noir aurait judicieusement trouvé sa place dans cette chanson. Le chanteur de variété est un clin d’oeil au Chanteur de Balavoine qui n’aurait pas eu le succès espéré. Voilà un portrait social d’un has-been touchant, croqué simplement, mais efficacement, comme savait si bien le faire Renaud : « J‘ai eu mon petit succès sur les parkings de supermarchés / J’étais cloclo, Adamo, Dave et Johnny Hallyday ».

Tais-toi et creuse ouvre une série de titres plus concernés (oui, on ne dit plus « engagés », le terme étant désormais réservé exclusivement aux chansons de Bernard Lavilliers). Sur une biguine lancinante qui inspire plus le farniente et les cocktails au bord de la piscine, on aborde l’exploitation des ouvriers, des esclaves modernes qui triment, creusent, bâtissent et meurent sur les chantiers qatari pour préparer la fête d’une coupe du monde de 2022. Vladimir Poutine organise celle de 2018 en Russie… les Fatals ne l’oublient pas et lui brossent, au passage, deux « fervents hommages » avec fils de P… et Poutinka.

On retiendra Le magnet du Jura qui permettra à tous les collectionneurs compulsifs de gadgets trouvés dans les produits de la grande distribution de se sentir moins seuls dans leur détresse consumériste. Enfin, Le défibrillateur pose un cas de conscience essentiel : serions-nous en capacité de sauver un crétin si le cas se présentait ? Il y a peu de chance que le nouveau président des Etats-Unis fasse un malaise à côté de nous dans le métro mais, si cela arrivait, un acte aussi important que celui-ci nécessiterait de longues heures de réflexions.

Les Fatals Picards, Fatals Picards Country Club, Warner 2016.

 

Fatals Picards côté scène

 

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Un album des Fatals c’est croustillant, jubilatoire, mais c’est sur scène qu’il faut les découvrir absolument. Nous étions de la fête pour leur date parisienne, à La Machine du Moulin Rouge. Comme à chacun de leurs concerts, on y vient en famille, entre amis pour partager une soirée festive. C’est réellement ce qui est perceptible dès l’entrée dans la salle : des visages ravis, tout le monde a la banane, avant même les premiers accords de guitare. Une ambiance bon enfant, chaleureuse, dont peu d’artistes peuvent se vanter. La liesse du public est particulièrement exceptionnelle. En ces temps d’aseptisation de la pensée, du politiquement correct, les Fatals réussissent cette belle performance d’oser la résistance à la bêtise par l’humour. Les titres joués ce soir, Le combat ordinaire, La sécurité de l’emploi, Atomic Twist, Manouches, Tais-toi et creuse, abordent de graves sujets de société : la souffrance du chômeur, l’échec de notre système éducatif, le péril nucléaire, le racisme, l’esclavage moderne… Quel beau travail que celui de transformer les drames du quotidien en légèreté et rires, forme d’exutoire salutaire. Les Fatals Picards sont de remarquables auteurs et compositeurs. Les messages politiques sont clairs et sans prétention. Avec Mon père était tellement de gauche, titre emblématique du groupe, on retrouve à la fois l’autodérision, l’humour, la sensibilité et l’émotion. C’est Jean-Marc Sauvagnargues qui laisse un instant sa batterie de côté pour nous interpréter, en avant-scène, ce titre qui lui va si bien. Ils travaillent collectivement à la création et sur scène cela prend tout son sens par des interprétations généreuses et musicalement de grande qualité. Paul Léger, le chanteur vénéré charismatique du groupe, dispose d’un sens du show incroyable. Il maîtrise à la perfection son jeu de scène. Espiègle, faussement naïf, volontiers provocateur, avec la complicité de ses trois compères Paul embrase la salle qui lui dira tout son amour à coup de… « à poil !» et de « ta gueule !»…

AQ6A6203b,medium_large.1478139283Pour A la vie à l’Armor la salle est chaude comme la Breizh. Les Fatals l’auront bien cherché, les « cons » d’un soir font flotter leurs drapeaux bretons dans la foule. Un classique comme Bernard Lavilliers ou la reprise de Niagara L’amour à la plage seront encore de bons prétextes à la déconne et aux rires. Le groupe sortira de scène en se posant une question essentielle, à savoir, s’il y a des « punks au Liechtenstein », chanson dans laquelle on retrouve d’autres questions très pertinentes comme « Quand on parle de frappes chirurgicales / L’armée attaque-t-elle l’ennemi au bistouri ? / Si un éléphant prend la défense d’un autre / Est-ce de l’altruisme ou du vol? / Les oeufs brouillés vont-ils se réconcilier ? » Avant de repartir méditer ces aphorismes dans le dernier métro, nous aurons la chance de passer quelques instants de convivialité (boire une bière, quoi…) avec les quatre Fatals qui nous feront quelques confidences sur leur actualité. Bien évidemment des dates de concert des Fatals sont prévues un peu partout. En marge du groupe chacun a des projets. Jean Marc nous réserve de belles surprises : il est actuellement en répétition pour son premier concert solo, le 24 janvier 2017 à l’Européen (Paris 17e) où il nous prépare un bel écrin pour présenter sur scène son album personnel de chanson française Novembre 67 (dont nous avions déjà parlé à sa sortie). A cet effet, il part tourner un nouveau clip de Mon père était tellement de gauche qui devrait nous impressionnerYves Giraud se produit, quant à lui, comme guitariste avec son groupe de Rock Partouzzzze Bastards.

 

Le site des Fatals Picards, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là. Pour voir toutes les photos des Fatals Picards par Vincent Capraro, c’est là et c’est là (Fête de l’Huma 2015).

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