Fred Nevché, la terre est bleue comme un orage
Issu de familles que l’on qualifierait actuellement de migrantes, depuis l’Espagne franquiste ou l’Arménie, grandi dans un quartier populaire de Marseille au nom parfumé, les Olives, baigné dès l’enfance de mots et de poésie, Nevchehirlian est devenu professeur de Français en se rêvant poète, ce qu’il n’a pas tardé à devenir, avant de mêler la musique à ses mots. Le petit slammeur de Marseille s’est mué en un grand artiste, acteur de la culture marseillaise, associé à la Scène nationale du Merlan, créateur de la coopérative Internexterne, qui manage, programme, produit, conseille… tout un panel d’artistes.
C’est sa quête qu’il nous livre ici, après le spectacle Décibel que nous vous avons présenté en mars au Théâtre National du Merlan. Sort aujourd’hui l’album Valdevaqueros, qui en reprend les chansons-musiques dans un minimalisme calculé.
Aux synthétiseurs, consoles et séquenceurs divers, on trouve à côté de Martin Mey, l’habituel complice aux claviers et au chœurs, un jeune magicien de la musique électronique, Simon Henner (French 79), également aux basses, guitares et batteries. Ce vosgien s’ensoleille depuis quelque quinze années à Marseille, puise son inspiration dans les rythmiques africaines tout autant que les polyphonies traditionnelles ou les groupes de rock alternatif ou de pop électro. On le connaît comme producteur, compositeur, chanteur et musicien. Des chœurs où l’on note la présence de Babx ou de Raphaële Lannadère, des cordes (violon, violoncelle) complètent les guitares de Nevché.
Nevché nous a initié progressivement à sa démarche, nous donnant tour à tour le poème musical Décibel à la base du projet, puis le single et le clip du Besoin de la nuit, l’EP trois titres accompagné du clip de Moi je rêve de Johnny souvent, enfin, avec l’album, le clip de l’Océan. Tel Pénélope, une des clés du spectacle, Nevché tisse sa toile, voilant et dévoilant son œuvre patiente, ramassant entre les mailles du filet les sirènes égarées, les amours parties, « L’amour est allé voir ailleurs, sans branche où se poser », les barbaries terroristes rattrapant les univers commerciaux aseptisés, les espoirs infimes : « Là, le silence s’est fait, mais moi / Moi je rêve de Johnny souvent. »
Treize titres qui font tous l’objet d’un clip, qu’il nous offrira jusqu’au film final, images de la bande son déjà écoutée, en 2019.
L’album est une quête initiatique, ouverte à toutes les interprétations, les appropriations, un voyage tout au cœur de l’humanité. Il vous immergera tout autant que le spectacle loin, très loin, au cœur de la vie qui bat, s’envole comme les cerfs volants, retombe au plus près du bitume pour s’élever vers un ciel intérieur. Hymne à la vie, hymne à la mer ( Valdevaqueros est le nom d’une immense plage de sable fin andalouse battue par les vents qui l’ont encerclée de dunes ), il est tout entier sous le signe du bleu, celui de l’âme, des rêves, des flots affleurant les rivages, des retours au port, de l’Océan, « qui déborde le ciel, met la lune à l’envers, et autour l’océan, c’est l’océan ».
Même sans paroles, les interludes sont là pour vous emporter au-delà des sens , au gré des nuages et des vents, vers vos rêves. Le vocoder utilisé subtilement crée un support magique qui introduit la voix douce et envoûtante de Nevche : « Je naviguais vers le vent, dans mon embarcation de rêve, je disais des poèmes , j’étais bien ».
Et le titre le plus court, murmuré en trio a cappella, n’est pas le moins émouvant : « Si tu crois qu’on fuit, tu te trompes / c’est la peur qu’on boit pour en faire du bruit / et le jour qui se lève comme une onde / c’est le vent, c’est l’amour qui revient ».
Fred Nevché, Valdevaqueros, Internexterne 2018. Le site de Nevche, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
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