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Barbara Weldens, jusqu’à plus soif

Barbara Weldens (photo Barbara Heide)

Barbara Weldens (photo Barbara Heide)

A Thou bout d’Chant, Lyon, 26 janvier 2017,

 

C’est fin, c’est fort, c’est audacieux. Barbara Weldens porte en elle le vibrant étendard de la condition d’être femme. Petit f rencontre petit h, elle porte haut et avec des textes ciselés l’envers du décor amoureux. D’entrée, le ton est donné. Escarpins rouges, élégance en noir, du glamour sur mesure, l’illusion est parfaite, étincelante comme les lumières accrochées à ses pendentifs d’oreille aux éclats argentés. Stop ! A peine le temps d’écrire cette phrase, elle avait déjà ôté ses souliers, descendu le micro de dix centimètres et narré l’hystérie d’une nuit loin de lui. « Reste ! et je t’expliquerai pourquoi du pain bloque les rouages du réveil matin ? » Comme si Bridget Jones s’était étoffée d’accents à la Klaus Nomi, d’une belle énergie punk, de cris d’entrailles, de tripes, de sang, de vie, de vrai.

« Vous aimez les chansons d’amour ? » Sous la plume précise et incisive de Barbara Weldens, on se laisse porter d’une histoire désastreuse à un « va voir ailleurs », embarqué par de jouissifs oxymores. « Faire de ma vie une suintante symphonie », l’artiste nous la joue réaliste et nous balade jusqu’à cette Purple room qui fait monter le cri. Lumière sur le public, « à la genèse, elle a 13 ans dans sa chambre mauve », frisson, mélopée du chœur des femmes qui saigne. Elle est fortiche la Weldens, a jeté une bombe et poursuit, Madame Loyal de ce grand cirque émotionnel pour une ambiance gramophone et encore un amour raté. Ah, la vie est mal faite des fois, s’exclame la gouailleuse poétesse. Parce que ses textes, elle les écrit depuis longtemps et sa subtile maîtrise affleure à chaque mot.

Des envies toujours inassouvies, des hommes blessés, les flancs, le corps, ses attributs décortiqués, féminine condition de gourgandine incarnée par la violoniste Marion Diaques, alter ego de la pianiste Barbara Hammadi ; acide, acidulé, le tour de chant se resserre. Le trio de choc et de charme dégaine toute la puissance de sa verve. On y vient, et ça grince sous l’archet, Lewis Carroll au-delà du miroir, référence introduite d’un ton si innocent. Poème d’introduction, avec une petite touche qui fait basculer une fois encore avec brio vers un autre registre. Barbara Weldens s’est permis d’y ajouter un refrain : « Merci Monsieur Lewis, merci Monsieur Carroll, d’avoir fait d’Alice au pays des idoles une baby doll, un sex symbol. »

Les oripeaux de la féminité conditionnée s’effeuillent comme des couperets pour faire « place au macho de (ses) tripes ». Chair androgyne arborée, le rythme primitif remplace les variations parfaitement exécutées de la panoplie séductrice. La conquête du grand H commence ! Homosapiens, Homme, eux, nous, quoi. Et de bondir en simiesque déambulation, l’esprit de ses origines circassiennes n’est jamais loin. Le public assiste alors à un manifeste féministe de haute tenue, la parade du trio, mais, excuse, « je ne suis pas misandre, je suis poète ». Et quelle voix pour clamer cette identité bicéphale. On rit, on exulte, le on étant ces femmes, ces hommes, « égaux dans le grand H qu’ils ont conquis » : « je les entends parfois rire à la même table », entonne-t-elle assise au milieu du public, soudainement frêle, « viens, il n’y a plus rien de ce foutu passé qui puisse nous réchauffer ». Un couple s’embrasse, un autre s’enlace, ça frisonne sous les voûtes.

« Je me sens trop légère, il faudrait me lester », un cri incarné qui prend feu a capella, porté par le trio ovationné. Thèse, antithèse, synthèse.

 

Le site de Barbara Weldens, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là. Du pain pour les réveille-matin Image de prévisualisation YouTube

3 Réponses à Barbara Weldens, jusqu’à plus soif

  1. André ROBERT 27 janvier 2017 à 11 h 26 min

    Deuxième coup de projecteur sur Barbara Weldens en moins de 8 jours ! Mais tellement justifié, à la (dé)mesure de son talent !

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    • Michel Kemper 27 janvier 2017 à 11 h 59 min

      Oui, ça tient au pur hasard. Notre nouvelle coéquipière Sylvie, une lyonnaise, s’est proposée à NosEnchanteurs il y a trois jours et a voulu entrer dans le bain aussi sec pour y tremper sa plume. Le bain, c’était justement Barbara Weldens à A Thou bout d’Chant ! On ne va pas le regretter : Sylvie et Barbara ont toutes deux un grand talent. Tout comme Catherine, qui venait de signer la chronique du disque de Barbara Weldens.

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  2. Anna Coluthe 27 janvier 2017 à 12 h 06 min

    En tous cas, magnifique chronique ! Qui donne envie de voir le concert !

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