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Jean Duino, la fine fleur de l’Humanité

Jean Duino (photo Jean Antonio Pedraza)

Jean Duino (photo Jean Antonio Pedraza)

16 juin 2017, Cave du Hublot à Aix-en-Provence,

 

Jean Duino est une personnalité discrète et lumineuse de la chanson. Toujours de blanc vêtu, jusqu’à ses cheveux, le sourcil noir, armé de sa seule guitare, c’est le Provençal vrai, profond, fin sourire mais réservé, gardant une part de mystère. Une voix douce, modulée, conte avec ce délicat accent de soleil qui ourle aussi ses chansons.

On peut lui trouver une  parenté avec les plus grands, Brassens pour le rythme, Moustaki pour la nonchalance méditerranéenne doublée d’un engagement réel, une vision concernée du monde.

Bien sûr l’auteur de IOAAOI (voir le livre de Michel Kemper, Si Sarkozy m’était chanté) peut avoir la plume acérée. Mais le plus souvent, ses indignations prennent naissance au détour des mots, cachés sous l’humour, la douceur et la poésie : si « Théo a sept ans pour toujours », c’est à cause d’un « Général fossile », Pinochet, « grand-père timbré » qui n’en finit pas de tyranniser son peuple.

Voyage dans le temps, la cromorne rime avec salicorne, pour rendre hommage aux détenues protestantes entre sel et sable de La tour de Constance. Et sa Complainte africaine est cauchemar où il se rêve à son tour esclave : « J’aurais pu naître en Afrique / Et jouer du balafon ».

Ses questions nous interrogent :  Où, Qui, Comment ?
Où ça joue sur les oxymores, dont la plus belle : « L’amer, l’aigre et l’errance dulcifiant la souffrance ».
Qui
 ? dénonce les sans foi ni loi qui croient que tout s’achète. « Qui trie le bon grain de l’ivraie à la machette » a dû bien plaire à Véronique Pestel : elle l’a mis en musique sur un air de tango.
Comment être indulgent qui plut tant à Moustaki fait penser à La prière de Francis Jammes, chantée par Brassens, chapelet de tous les maux du monde qu’on ne peut plus ignorer : « Pour le quotidien turpide / Et l’horreur banalisée / Pour l’épouse qu’on lapide / Et pour la sœur excisée / Pour le viol de Madeleine / Et pour celui des enfants / Pour la pêche à la baleine / Et la chasse à l’éléphant…»

Mais Duino c’est aussi l’émerveillement devant la beauté du monde. Dans ses textes, ou plutôt devrais-je dire ses poèmes, il tresse ses mots comme son grand-père Vannier tressait ses paniers. Les abeilles bourdonnent sur les forsythias et toute la flore méditerranéenne aux jolis noms, saladelle rime avec asphodèle, « la nature se renippe, rouge tapis de tulipes », la mer scintille au creux des rochers… Les couleurs, il les peint avec des mots comme son épouse Gaétane, peintre et aussi son illustratrice, sait le faire avec ses pinceaux, Espérance de bleu des migrants, ou Epidermes des humains, du « cuisse de nymphe » à l’ébène, caramel au café, terre d’ombre et terre de Sienne.

Jean Duino chante alors que d’autres se contentent de respirer, écrit quand d’autres rédigent, compose des musiques complexes quand d’autres font des tubes. Mais il sait aussi utiliser deux accords pour vous faire la seule chanson à message qu’il veut nous donner, un hymne à La fève, cet or vert du pauvre, petit chef-d’œuvre de poésie et d’humour douinesque. Il revisite les chansons de ses amis artistes disparus, Brassens, Bruno Lauzi, Nougaro. Quatre de ses fabulettes renouvellent les thématiques des grands fabulistes avec leurs morales piquantes, pourquoi les crabes marchent de côté, ou « Souffrez donc qu’elle aussi vous ponde quelques vers » (La mouche et le poète, dédiée à Jean-Marc Dermesropian qui l’interprète également).

Un message intemporel et universel. Merci aussi à ceux qui ont partagé cette soirée, son organisateur Richard Daumas, en chansons et en poésie, le poète de la scène ouverte, enfin Fanfan pour un Nautilus le hibou a cappella, réponse très réussie aux fabulettes.

 

Le site de Jean Duino, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.

« Comment être indulgent » Soirée autour de Moustaki, 2014 Image de prévisualisation YouTube
« Les fèves », audio (mise à jour 2023Image de prévisualisation YouTube

2 Réponses à Jean Duino, la fine fleur de l’Humanité

  1. Bernard Lacotte 28 juin 2017 à 9 h 17 min

    Très bel article sur un artiste merveilleux et hélas trop méconnu.
    Jean est de ceux qu’il faut connaître.
    Hélas peu de chance de le voir à la télé , dans une de ces émissions de merde comme hier soir «  » les copains d’abord « .

    Répondre
  2. Michel Trihoreau 29 juin 2017 à 7 h 57 min

    Il y a eu de grandes injustices dans le phénomène de reconnaissance de la chanson. On peut citer Jacques Debronckart, Jehan Jonas et d’autres. Jean Duino en est aussi un exemple. On ne peut pas l’expliquer, c’est du domaine de l’irrationnel où se mêlent l’incompétence des médias, les mauvais rouages, la malchance…
    Merci Catherine, il faut parler de Jean Duino, ne serait-ce que pour donner une chance à ceux qui sauront le découvrir d’avoir un petit peu de bonheur en plus.

    Répondre

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