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Barjac 2018. Leïla Huissoud, elle a tout d’une grande !

Leïla Huïssoud à Barjac (photos Anne-Marie Panigada)

Leïla Huïssoud à Barjac (photos Anne-Marie Panigada)

31 juillet, Chapiteau du Pradet à Barjac,

 

Sur la scène, le décor se devine dans l’ombre de multiples partitions posées un peu partout, des guitares, un fauteuil, une chaise, une petite lampe en corolle. Devant nous, de jeunes enfants ! Oui, il y en a peu à Barjac pour ce festival, mais ceux-là, une jolie petite blonde et un beau petit brun, sont bien campés sur leurs chaises et attendent Leïla Huissoud avec impatience. C’est qu’ils sont fan de la première heure ! Le papa nous prévient : sa petite fille connaît tout par cœur ! Ce concert-là est une surprise pour les vacances, leur plaisir anticipé est un vrai bonheur. Leïla Huissoud, ils l’aiment, tout simplement. Et nous ? On est bien partis pour les suivre sur ce terrain ! Ok, elle est une émanation de The Voice, mais l’avez-vous entendue interpréter Caravane de Raphaël ? Avez-vous écouté ses compositions ? Déjà la promesse d’un vrai avenir dans la chanson…

Oui, Leïla Huissoud est toute jeune ; son visage de petite fille et sa fine robe fleurie (mais que porter d’autre en cette chaleur ! elle n’a pas pu mettre son habituelle robe rouge de scène) la rajeunissent encore. Mais on ne va pas lui en parler des siècles, parce qu’elle chante déjà depuis longtemps, plus jeune dans la rue (et on y est à très bonne école !) puis sur scène, et ensuite parce qu’il y a bien plus à dire à son propos !

Petit effet de scène pour commencer : ah mince, le micro est réglé pour une géante ! Rires dans la salle, elle grimpe sur une chaise pour nous dire Bonsoir en pleine lumière. C’est qu’elle n’a pas « la taille qui rassure » ; comme d’autres avant elle, Leïla pose ses peurs sur scène : « Ils sont beaux mais je vous assure / Y a rien d’plus flippant que vos regards ». On en devient tout de suite plus attentifs, et touchés par ce p’tit bout de femme « qui se cramponne à la rambarde » mais qui « est fière d’être debout ».

On s’en rend compte tout de suite, on ne va pas être brossés dans le sens du poil… Avec La farce, Leïla Huissoud annonce la couleur : « J’vais parler et vous vous ferez rien On va pas encore s’le cacher / Sur scène on n’est pas plus malin Mais vous êtes censés la fermer ». Elle dirige le jeu, ne vous méprenez pas ; mais voilà « Si je suis jolie c’est que j’suis de loin », hors de question de se prendre au sérieux, « chanter, ça ne change rien du tout », elle reste elle-même. Sa jeunesse ne veut pas dire sans caractère, le reste du récital nous le confirme et c’est tant mieux.

0c LH 0044Déjà les quelques enregistrements laissaient entendre une voix au timbre particulier, original, affirmé. La curiosité n’en était que plus forte de l’entendre sur scène. Et là, quelle maitrise ! De douce et modulée, presque acidulée par moment, elle peut prendre une ampleur surprenante, des accents rauques, âpres, avec une belle maturité. Cette voix-là n’a plus à prouver, le contraste est saisissant, émouvant ; et si tous les goûts sont dans la nature (et à Barjac !), on ne peut imaginer qu’elle laisse indifférent !

Leïla Huissoud n’est pas seule sur scène, arrive Kevin Fauchet (guitare, voix, harmonica) pour « Nous, on s’connaît depuis longtemps / On dit c’qu’il faut au bon moment ». En duo, ils entonnent le dialogue intemporel de l’ami quasi frère, tentant de faire comprendre que « Tu vois, c’est pas un gars pour toi » et elle lui répondant : « Ça m’allait tant qu’il ne le savait pas ». Leur jeu en demi-teinte nous interpelle, où est la connivence, où est la réalité ? Voilà une belle interprétation, car on comprend bien vite que la complicité est immense entre ces deux-là !

Quoi d’autre ? Elle nous scotche. Il faut oser passer après Evelyne Gallet pour interpréter La Vieille (Patrick Font), à Barjac d’autant plus. On l’apprendra après le concert, ces chansons sont vraiment une histoire d’amour depuis longtemps. Aucune provocation, sinon celle de la liberté de chanter ce qu’elle veut quand elle veut : « On m’a souvent demandé si je n’avais pas honte de chanter ça, en tant que jeune fille. Non, je n’ai pas honte. Maintenant, on ne me le demande plus, il est mort [Patrick Font] » nous dit-elle. Et toc. Elle chantera plus loin Infidèle avec ce même et délicieux culot « Moi les hommes je les aime tous (…) La liberté / Ah c’est tout ce qui me fait jouir / Bien qu’ce n’soit pas original ».

Les 10% du grand amour, c’est celui des parents qui ne divorcent pas, sauf lorsqu’un des deux veut enfin vivre sa vie sur le tard… Même grande fille, la colère est bien là car « Comment en vouloir à personne quand ma maison devient nulle part », la voix se brise « Voilà que mon mythe se casse la gueule ».

Elle n’hésite pas, Leïla Huissoud, elle y va. Et pour oser mettre sur scène cette Chianteuse, cette « ronchon de la chanson, cette mal peignée du diapason », il en faut. Elle défait ses cheveux, prend des poses de « sensible et torturée, une chieuse en un mot ». C’est drôle et acide, on vous le disait, le brossage c’est pas son truc et nous ça nous va bien ; on aime les « brut de décoffrage », les sourires qui pétillent et les filles qui ont du cran.

La p’tite lampe s’allume, elle nous confie : « J’ai fait une lettre à la Suisse pour m’excuser ». C’est que « Sans t’connaître c’est marrant / J’t'aurais pas mis un pied d’dans ». Mais y a Monsieur Jacques qui parlait d’elle là-bas à chaque coin de rue, ce monsieur parti trop tôt qu’elle n’a jamais pu remercier de l’avoir invitée à chanter. Et on se dit que c’est ça aussi qui touche en elle, ce qu’on pressent de sincère, de fidèle, de vrai. Des valeurs de cœur, quoi.

Tiens, « la chanson d’amour, c’est maintenant » nous dit-elle. On devine que les violons ne seront pas de la partie, et d’ailleurs là c’est une seule guitare pour deux ! L’amour comme une surprise « Tu ressembles à rien de c’que j’donnais à mes vingt ans / Y avait ma gratte un lit une place et l’horizon au bout du vent », l’amour comme « l’hiver qui croise l’été, ça fait autant d’peur que de bien », et se croisent sur la guitare Les Doigts glacés de Leïla en arpèges et ceux de Kevin sur le manche. Jeux de mains, sourires complices, que ce duo est beau, tout simplement.

La petite lampe déménage sur le clavier de Kevin pour Les Tours de rond-point, une toute nouvelle chanson où « Je traîne mon manque d’ambition / Ce n’est qu’un tour de chant ». C’est aussi ce qui nous touche, elle ne s’en croit pas, cette jeune femme déjà très lucide, « Parce que les sommets font des pentes / Je préfère quand ils sont petits ».

Eh bien, on lui en espère quand même beaucoup, des tours de chant et de beaux sommets dans la chanson française : oui, Leïla Huissoud a du talent, une belle voix riche et singulière et une vraie écriture. On aime son culot plein de charme, sa présence sur scène et ses chansons. Elle sort à l’automne Auguste, son deuxième album (après L’ombre et un EP En chantier) alors on vous en reparlera très bientôt !

 

Le site de Leïla Huissoud, c’est iciImage de prévisualisation YouTube

4 Réponses à Barjac 2018. Leïla Huissoud, elle a tout d’une grande !

  1. MICHEL BOYER 11 août 2018 à 23 h 36 min

    En décembre 2017 j’ai découvert Leila Huissoud grâce à la technologie moderne (télévision connectée, internet et « You tube ») mais aussi un peu par hasard. J’adore sa voix, ses textes, ses interprétations, son sourire, son œil malicieux Ses textes en français sont remarquables. Mais elle chante aussi Brassens, Barbara, Raphael, Patrick Font et plus. Ses textes ont une inspiration autobiographique réaliste. Depuis tous les matins à l’aube (je suis un lève tôt) j’écoute LEILA. Le réveil se fait en douceur tout en mettant les neurones en fonctionnement. Sa présence est essentielle pour la chanson française. Ses textes ont une inspiration autobiographique réaliste. Depuis tous les matins à l’aube (je suis un lève tôt) j’écoute LEILA. Le réveil se fait en douceur tout en mettant les neurones en fonctionnement.

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  2. François 12 août 2018 à 11 h 05 min

    Les textes de Leïla Huissoud sont de véritables petits bijoux. Ils font honneur et à la poésie et à la chanson françaises dont elle est manifestement nourrie et auxquelles elle vient apporter son originalité propre.
    Une plongée en apnée dans un bain de Brassens, Baudelaire, Leïla, Brel, Rimbaud et encore Leïla est profondément revigorante et réconfortante.

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  3. André Robert 15 août 2018 à 10 h 38 min

    Je souscris à tout ce qui est dit ici sur Leïla; juste une petite remarque à propos des chansons de Patrick Font : c’est quand même bien difficile de passer après Evelyne Gallet.

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  4. Frédéric 4 septembre 2019 à 22 h 59 min

    Je vois que je ne suis pas seul ! Depuis que j’ai découvert Leïla Huissoud sur « U-tube » il y a quelques semaines, j’ai les mêmes symptômes que François, je l’écoute tous les matins (et aussi le soir !) et comme André je trouve (je change l’adjectif) que ces écoutes sont particulièrement roboratives. Tout est nickel : les textes, la voix, l’énergie, le coeur. Son oeuvre est déjà prolifique, mais même en recherchant un peu partout : concerts, albums ou interviews, « y’a rien à jeter ». C’est authentique, vrai et d’une vraie qualité littéraire. Un bémol, mais ai-je peut-être mal cherché ou je dois simplement patienter, elle n’a pas l’air de faire (encore) de concert dans toute la France… Snif!

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