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Bessines : cette chanson qui refait souche

(photo d'archives Serge Féchet)

(photo d’archives Serge Féchet)

Bonne nouvelle sur le front de la chanson. C’est l’histoire d’un village gaulois qui résiste s’est doté depuis l’an passé d’une saison culturelle faite en grande partie de chansons. D’une chanson « à texte », « rive gauche », « de paroles », « de caractère », comme vous l’entendez… En fait une chanson de résistance, au seul fait qu’elle est farouchement ignorée des médias et qu’elle se bat pour vivre. Tout juste annoncée par un entrefilet dans la presse locale, à la même enseigne qu’un concours de coinche ou qu’un loto, le repas des vieux ou des travaux de voirie…

Bessines, dans le Marais poitevin. 1710 habitants. Et le souvenir lointain d’une salle mythique, L’ancre bleue, cabaret renommé à la chanson dédiée. De Ricet Barrier, Henri Tachan ou Bernard Lavilliers, l’histoire de la chanson s’est aussi inscrite dans ce coin des Deux-Sèvres. En souvenir de cette époque, de l’idée de cette chanson-là, de l’éducation populaire qui ici n’est pas un vain concept, on a rallumé la p’tite flamme, vingt ans après. Un maire convaincu qui se retrousse les manches, une commission extra-municipale pour le moins dynamique (sous la conduite du chanteur Bernard Pithon), une salle polyvalente (La Grange) qui la semaine sert de cantine scolaire et se pare du nom de La Grange bleue les soirs de concert. Et des artistes d’une rare exigence : Paul Meslet, Gérard Morel, Michèle Bernard et Monique Brun l’an passé…

La Grange bleue

La Grange bleue désormais

Et ce soir Véronique Pestel, sur une scène neuve, professionnelle. Rideaux noirs et pendrillons, éclairage, son : peu de salles de cette taille peuvent s’enorgueillir d’un tel matériel. Pestel ? Si ce n’est Bernard Pithon et sa commission, peu la connaissaient ici. Elle ne passe pas en radios et télés. Mais on y va, de confiance : les derniers concerts étaient tellement bien que celui-ci, à n’en point douter, doit l’être.

En première partie, Alain Chataignier « J’ai pris le pas du baladin / Et j’en appelle aux musiciens / Qui ont la musique dans la main… » Lui, Alain Chataignier, qui réside dans les Deux-Sèvres, est un inconnu, peut-être plus encore que les autres. Car sans trace discographique. Il a l’âge et l’art d’être grand-père : il l’est. On s’imagine sans le savoir qu’il a depuis toujours écouté de la chanson française, aimé ses pairs. Sans s’en inspirer plus que ça, il porte l’ADN de tous les chanteurs à la guitare, avec ou sans pipe. Tout inconnu qu’il est, il se chante, en une autobiographie sincère et séduisante. De son grand-père mort dans les tranchées (en une brillante chanson très antimilitariste, de celles qu’on verrait bien entonnées au monument aux morts, un 11 novembre, et devant le siège social de chez Dassault : « C’est malheureux de partir se faire tuer / alors qu’il y a tant à faire / Pour engranger le blé ») à ce grand-père qu’il est à son tour devenu. On ne parlera pas de saga familiale mais c’en est l’agréable esquisse : toute sa vie il a semé des graines et de belles chansons ont poussées. Très classiques dans la forme et le rendu, mais pas sans impertinence, ni érotisme parfois, comme dans ce Sommelier qui ajoute cette dimension à la belle ivresse d’un bon cru. Belle prestation, sobre, efficace, chaleureuse. Avec pour complice un autre Alain (Largeot) à la contrebasse comme à la trompette. Un tel répertoire ne bouleverse certes pas les codes de la chanson : n’empêche qu’il ajoute une pierre très respectable et agréable à cet art. Tant qu’on se dit que c’est dommage que cet auteur compositeur et interprète soit passé à côté des radars (et trompettes) de la renommée. Modeste, quasi effacé, il est un simple mais probant artisan de la chanson.

EN PREMIERE PARTIE, ALAIN CHATAIGNIER
« J’ai pris le pas du baladin / Et j’en appelle aux musiciens / Qui ont la musique dans la main… » Lui, Alain Chataignier, qui réside dans les Deux-Sèvres, est un inconnu, peut-être plus encore que les autres. Car sans trace discographique. Il a l’âge et l’art d’être grand-père : il l’est. On s’imagine sans le savoir qu’il a depuis toujours écouté de la chanson française, aimé ses pairs. Sans s’en inspirer plus que ça, il porte l’ADN de tous les chanteurs à la guitare, avec ou sans pipe. Tout inconnu qu’il est, il se chante, en une autobiographie sincère et séduisante. De son grand-père mort dans les tranchées (en une brillante chanson très antimilitariste, de celles qu’on verrait bien entonnées au monument aux morts, un 11 novembre, et devant le siège social de chez Dassault : « C’est malheureux de partir se faire tuer / alors qu’il y a tant à faire / Pour engranger le blé ») à ce grand-père qu’il est à son tour devenu. On ne parlera pas de saga familiale mais c’en est l’agréable esquisse : toute sa vie il a semé des graines et de belles chansons ont poussées. Très classiques dans la forme et le rendu, mais pas sans impertinence, ni érotisme parfois, comme dans ce Sommelier qui ajoute cette dimension à la belle ivresse d’un bon cru. Belle prestation, sobre, efficace, chaleureuse. Avec pour complice un autre Alain (Largeot) à la contrebasse comme à la trompette. Un tel répertoire ne bouleverse certes pas les codes de la chanson : n’empêche qu’il ajoute une pierre très respectable et agréable à cet art. Tant qu’on se dit que c’est dommage que cet auteur compositeur et interprète soit passé à côté des radars (et trompettes) de la renommée. Modeste, quasi effacé, il est un simple mais probant artisan de la chanson.

Il le sera, dans la beauté, dans l’émotion. Dans la qualité d’écoute, celle des applaudissements qui n’en finissent pas. Pestel terminera son tour de chant par Les marteaux de Camille, Vanina s’en va, et Mamie Métisse, trois chansons qui définitivement s’inscriront dans la mémoire de ce public-là. Nous avons souvent évoqué à NosEnchanteurs les prestations de Véronique Pestel. Celle-ci fut encore exemplaire, dentelles de mots, de notes de piano et d’intelligence au service d’une chanson certes exigeante mais accessible à qui le veut, d’une poésie rare. Un récital de pure beauté, plus encore magnifié par cette nouvelle et grand scène toute noire qui semble prolonger, amplifier le chant.

Des villages comme Bessines, il y a en a d’autres, ici et là, certes pas assez nombreux. Où des fous, sans grands moyens, tentent de faire vivre et grandir cette chanson que nous estimons. Une chanson signifiante, comme disait François Béranger. Il y a, le savez-vous, des coins de France, parfois des départements entiers, privés d’une telle chanson. Des lieux sans militants, sans fous, où rien ne s’organise, où la chanson reste en jachère. C’est vrai qu’il faut se battre pour la faire exister, cette chanson, que rien n’est facile, qu’il faut une dose d’abnégation rare. Mais la preuve que c’est possible. En une année, une seule, La Grange bleue de Bessines a réussi à fidéliser un public, qui viendra encore la prochaine fois même s’il ne sait rien de l’artiste (ce sera Philippe Forcioli le mois prochain) : on ira de confiance, parce qu’on sait que ce sera bien.

Il nous faut semer de partout des Bessines.

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Prochaines dates à la Grange bleue 11 novembre 2018 : Philippe Forcioli ; 1er décembre : Gospel ; 9 février 2019 : Hélène Maurice ; 9 mars : Michel Boutet ; 6 avril : Bessines Blues stock ; 5 octobre : Romain Didier ; 16 novembre : Evasion « Les hormones Simone ».

5 Réponses à Bessines : cette chanson qui refait souche

  1. Marie GUYOT 9 octobre 2018 à 9 h 34 min

    Comme on aimerait que ce soit le début d’une onde qui répande un peu partout cette chanson dont tant de personnes persistent à croire qu’elle fût seulement alors qu’on a rarement vu autant d’Artistes de talent la promouvoir bien qu’ignorés des Médias officiels!

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  2. Alain Chataignier 9 octobre 2018 à 19 h 20 min

    Le concert de Véronique samedi, un vrai bonheur! J’ai été impressionné par la dextérité de son accompagnement au piano, la qualité de sa voix, ses textes et son interprétation sans faille. On n’en ressort pas indemne et c’est vrai que le lendemain matin on est content de ne pas avoir raté un tel rendez-vous ! C’est dire si je mesure la chance d’avoir fait la première partie !

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  3. Bernard Pithon 9 octobre 2018 à 20 h 28 min

    Merci à NosEnchanteurs de soutenir notre travail qui permet à nos habitants de découvrir celles et ceux qu’on ne verra jamais chez Drucker ! Parce que, eux, ils ont de l’exigence et de ne pas se vendre mais de garder leur autonomie et de créer l’art qu’ils aiment qu’il plaise ou pas aux Maisons de disque. Merci Michel !

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  4. Paul Meslet 9 octobre 2018 à 23 h 13 min

    Oui Michel, c’est ça ! pile ça ! tu soulignes dans cet article l’immense travail de certains « fous de chansons » qui arrivent avec toute la force que leur procure leur passion à mettre en place un lieu et de vraies conditions de spectacles… Et miracle, ça marche ! La confiance s’installe, le public se fidélise, les cachets sont normaux… La machine à créer du bonheur et de l’intelligence est en route ! Mais voilà il n’y a pas des Bernard Pithon partout et des municipalités d’une telle ouverture. La programmation qui suit à La Grange Bleue est exceptionnelle. Quelle chance nous avons ! Bel article Michel.

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  5. Olivier Andrys 10 octobre 2018 à 12 h 08 min

    Merci Michel, pour ce bel article qui nous conforte dans nos efforts, et qu’on ose imaginer susceptible de raviver l’optimisme du public (et des créateurs) de cette « chanson signifiante » (j’aime cette expression de Béranger), en peine de lieux de diffusion…

    Attention toutefois au nom de notre salle, qui est bien « la Grange Bleue », comme tu l’expliques en milieu de texte, et non « l’Ancre Bleue » (en fin d’article, et à l’annonce des prochaines dates).

    Au plaisir de t’y accueillir à nouveau pour Romain Didier !

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