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Yves Jamait : « Les artistes doivent rejoindre les Gilets jaunes, en tant que citoyens, pas en tant qu’artistes »

Salle Jeanne-d’Arc à Saint-Etienne, ce samedi 15 décembre 2018. Les balances sont terminées. Plus de deux heures avant l’ouverture des portes, bravant le froid hivernal, le public se masse déjà devant l’entrée de la salle. Pas loin de là, en marge de la manifestation des Gilets jaunes, « rue Traversière », casseurs et forces de l’ordre s’affrontent dans l’inquiétant halo des bombes lacrymogènes. Avec Jamait, le sujet de discussion s’impose : Gilets jaunes, crise sociale, représentativité… « On refait le monde, mais on n’a même pas un canon à boire, ça n’a aucun intérêt ! »

Yves Jamait, 15 décembre 2018 (photos Yves Jamait)  Yves Jamait, 15 décembre 2018 (photos Yves Jamait)

Yves Jamait, 15 décembre 2018 (photos Yves Jamait)

« Je n’ai pas franchement d’avis là-dessus… Je fais des trucs à longueur d’année, des interventions…. Je ne fais pas que ça, mais quand on m’a demandé d’intervenir pour des usines qui ferment, je suis intervenu. J’ai peur de faire de la récup, d’avoir cette sensation. Je pense qu’il y a une gêne pour ça. Se pointer à côté de gens qui en chient  – je le sais, jusqu’à l’âge de quarante balais je n’ai touché que le Smic, je sais ce que c’est de bosser et de ne pas arriver à finir le mois. Après, pour ceux qui regardent la télé ou écoutent la radio – ce qui n’est pas mon cas – on s’est dit « c’est pas mal de gens du Front national, des gros beaufs », et ça a dû en gêner beaucoup aussi.

Je suis un peu ce mouvement depuis le début, même si je n’ai pas été tout de suite concerné : je n’avais pas la sensation que ça allait aboutir à quelque chose. Par contre j’écoute beaucoup Etienne Chouard (1) depuis longtemps. Ou des gens comme Onfray, qui parlait déjà du RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne). De voir qu’il y a eu rapidement des demandes dans ce sens-là, ça me convient. Je fais la fête du 1er mai, à chaque fois j’essaie d’y être : défiler est un droit pour lequel il faut se battre. Par contre les gens qui sont censés nous représenter… Je suis en colère contre les syndicats, je suis en colère envers les partis politiques pour lesquels j’ai voté, ceux aussi pour lesquels je ne votais pas. Je n’ai pas voté aux dernières élections, je ne regarde plus la télé, je n’écoute plus la radio, je fais un peu l’autruche. Mais je vois sur le terrain, là où je rencontre les gens. Le filtre des médias, je ne veux plus en entendre parler !

Que font les autres artistes ? Je ne vais pas te mentir en te disant que je ne les croise pas beaucoup, je ne sais pas. Je ne baigne pas dans un milieu artistique, à part quand je suis au boulot. Le reste…  Il y a, me semble-t-il, un peu de frilosité. Quand on parle des artistes, est-ce qu’on parle des gens connus, je ne sais pas…

Ce que je sais, c’est qu’il y a beaucoup de choses qui ont été soulevées et qui m’intéressent bien : le RIC en fait partie, c’est pour moi à la cime du truc. Et puis le fait que, pour un coup, les gens se retrouvent, veulent que personne ne les représente, en ont marre d’être représentés, mal représentés, même si effectivement c’est difficile de discuter avec quelqu’un dont tu ne sais pas les idées… Mais c’est ce que ça représente aussi : une colère, et pas « Suivez-moi je vais vous montrer la voie ». J’ai l’impression de revoir ma chanson Y’en a qui ou Le maillon. Celle-là, je l’ai écrite il y a deux ans, j’ai pété les plombs, j’en avais marre des banques, de tout. Sans qu’il y ait obligatoirement une réflexion derrière : les gens ont eu simplement envie de dire J’en ai marre ! Pour pas mal d’artistes, les Gilets jaunes sont vus comme des gros beaufs. Et donc des Patrick Sébastien entre autres, tu vois un peu la réputation vis-à-vis du milieu de gauche bien-pensant culturellement… Alors ils ne foncent pas : il n’y pas le bon tampon dessus.

A quoi sert de travailler
Sans raison sans passion
Juste pour gagner
De quoi pouvoir me payer
L’opulence d’une pitance
(Le maillon, 2018)

Moi je soutiens complètement, je suis très enthousiaste pour ce que ça ouvre. Par contre je ne suis pas dupe du fait que ça va vite se refermer. Mais, par contre, le fait qu’on ait parlé du RIC déjà, il y a une petite amorce de quelque chose. Il y a eu les Nuits debout il y a quelque temps, les Bonnets rouges à une époque… Des gens ont eu envie de réfléchir tout seuls, ils prennent une conscience politique sans avoir besoin d’un parti qui les guide. Je ne suis pas dupe : ça va s’étouffer parce qu’ils sont très habiles devant, ils savent comment enterrer un truc, diviser, ce ne sont pas des amateurs, eux. Mais les amateurs que sont les Gilets jaunes se sont rendu compte à certains endroits qu’ils ont le pouvoir de faire des trucs apparemment impossibles, si on écoutait ceux qui se disent responsables. Jamait selfie 2Tu as vu que Total va donner 1500 balles à chacun de ses employés en prime. Ils doivent avoir vraiment peur de quelque chose… S’ils donnent 1500 balles, c’est qu’ils ont largement de quoi redistribuer encore plus. C’est intéressant tout ça, ça ouvre plein de portes.

Je ne crois plus la presse, tu as vu comme ils ont fait sur la place de l’Etoile, on s’y est fait grenader, tu pouvais pas sortir, il n’y avait pas d’issue. Ça jamais les médias ne sont venus le dire, eux qui ne parlent que de  casseurs, de gens qui pissent sur l’Arc de Triomphe… Mais, attention, ils étouffent le feu avec une couverture : la braise reprendra. Je pense qu’on peut obtenir dix fois plus que ce qu’on a obtenu là.

Y en a qui s’ront jamais dans la merde
Y en a qu’auront jamais d’problèmes
Et ce sont souvent ceux-là même
Qui nous dirigent et qui nous gouvernent
(Y’en a qui, 2003)

Tout ça remonte, cette colère. Culturellement aussi. Toutes ces ouvertures de saisons, ces discours de SMAC (2), avec ce « lien social » dans la bouche de ces nantis qui sont dans la culture. Quand tu vois vraiment sur le terrain ce qu’ils font… Il est où ce « lien social », ce fantasme de ces gens, de ce total entre-soi ? Moi j’ai l’impression de faire plus du lien social que n’importe quel mec qui fait une programmation de trucs abscons qui ne donnent pas accès aux gens. Qu’est-ce que c’est que cette plaie ? Tout se ressent, tout. Je pense effectivement qu’on peut amener les gens grâce à la culture à une vision différente. A condition de les y inviter, de les y faire venir. Moi, chaque soir, je ne joue pas pour ma chapelle. J’ai un panel de gens, quand je dis quelque chose, ils ne sont pas toujours d’accord avec moi. Mes chansons parlent de social, des choses qui ne s’entendent pas. Je chante une chanson sur les mecs qui tapent sur leur nana : je ne jurerais pas dans mon public qu’il n’y a que des mecs qui n’ont pas tapé la leur. A ce moment-là, j’ai l’impression de faire un peu plus que ceux qui disent être dans le « lien social » (…)

VU SUR LE NET / « SOIS TRANQUILLE », PAR BRUNO RUIZ « Une petite pluie fine descend dans ton cœur. Une meurtrissure mélancolique. Des volets se referment. N’abandonne pas tes pas, ton attente. Pense à la nuit lente des hommes. Aux poitrines de l’espérance qui respirent en secret. Ce n’est pas du silence qui habite nos lèvres closes, c’est une détermination transparente, la permanence d’une aurore qui s’entête sans connaître le jour. Tu peux rentrer chez toi ce soir. Tu existes désormais sur d’invisibles carrefours. Notre danse n’a jamais cessé et ne cessera jamais. C’est une chorégraphie séculaire et profonde. Sois tranquille. Sois tranquille puisque tu as raison. » Bruno Ruiz, 2018

vu sur le net
« SOIS TRANQUILLE », PAR BRUNO RUIZ
« Une petite pluie fine descend dans ton cœur. Une meurtrissure mélancolique. Des volets se referment. N’abandonne pas tes pas, ton attente. Pense à la nuit lente des hommes. Aux poitrines de l’espérance qui respirent en secret. Ce n’est pas du silence qui habite nos lèvres closes, c’est une détermination transparente, la permanence d’une aurore qui s’entête sans connaître le jour. Tu peux rentrer chez toi ce soir. Tu existes désormais sur d’invisibles carrefours. Notre danse n’a jamais cessé et ne cessera jamais. C’est une chorégraphie séculaire et profonde. Sois tranquille. Sois tranquille puisque tu as raison. »
Bruno Ruiz, 2018

Pour en revenir à ta question, j’ai un peu du mal à aller faire le beau aux côtés des Gilets jaunes. C’est un côté qui me gêne, qui peut gêner un certain nombre d’artistes. Je le fais en tant que citoyen, pas en tant qu’artiste. On a pensé aller jouer pour les gilets jaunes, deux trois chansons sur un rond-point puis aller ailleurs, sur un autre… L’ambiguïté de la situation fait que ce n’est pas évident pour tout le monde. Je ne condamne pas le fait que les artistes ne s’y mettent pas. Par contre j’ai vu que les intermittents allaient s’y mettre. Moi je ne suis pas pour qu’on y aille sous une étiquette. Je suis pour qu’on y aille sous « gilets jaunes », pas parce que je suis artiste, pas parce que je suis intermittent. On n’a pas à se coller… Ce mouvement refuse les syndicats, tous… On doit y aller en tant que citoyens, c’est tout. L’Acte 6 je vais peut-être pouvoir y aller : je ne bosse pas ce jour-là. Il faut faire une action citoyenne, il faut grossir les rangs.

 

(1) Étienne Chouard est un blogueur et militant politique français. Il accède à la notoriété en 2005 en faisant campagne pour le « non » à l’occasion du référendum sur la constitution européenne, grâce à un texte publié sur son blog qui bénéficie d’une communication virale (Wikipédia) 

(2) Scène de musique actuelle.

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En pièce jointe à l’interview d’Yves Jamait, Michel Fize, sociologue, intervient sur le plateau de RT France pour commenter cette nouvelle journée de mobilisation du 15 décembre des Gilets jaunes :

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5 Réponses à Yves Jamait : « Les artistes doivent rejoindre les Gilets jaunes, en tant que citoyens, pas en tant qu’artistes »

  1. Christian Camerlynck 17 décembre 2018 à 10 h 02 min

    Un mot Merci

    Répondre
  2. André Robert 17 décembre 2018 à 14 h 15 min

    Yves Jamait, juste quelqu’un de très bien

    Répondre
  3. Bernard Lehoucq 17 décembre 2018 à 16 h 22 min

    C’est bien ce qu’il dit Jamait ! Comme ce qu’il chante d’ailleurs !

    Répondre
  4. Guyom Touseul 18 décembre 2018 à 14 h 51 min

    Sur la note en bas de page concernant Etienne Chouard : il faudrait rajouter « Étienne Chouard se dit de gauche, mais fait l’objet de polémiques pour avoir défendu des thèses et s’être rapproché de diverses personnalités d’extrême droite ou conspirationnistes, notamment Alain Soral. Il s’est cependant défendu de partager toutes leurs idées. » (wikipédia également)

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  5. André Robert 18 décembre 2018 à 15 h 40 min

    Bonjour Guyom,
    Il est certain que si Chouard entend une personne dire qu’il fait jour à midi, que cette personne soit d’extrême droite, d’extrême gauche ou d’extrême centre, il pourra partager son jugement !
    Pour le reste, vouloir toujours rattacher des gens à des chapelles…
    Quand à Yves Jamait, puisque c’est quand même le sujet du jour,
    ça me semble très naturel qu’il s’intéresse aux idées de Chouard. Question d’état d’esprit.

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