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Festival chansons sous les étoiles, Mathieu Pirro, de feu et de glace

Mathieu Pirro sous les étoiles 2020 Photos©Gycéel

Mathieu Pirro sous les étoiles 2020 Photos©Gycéel

18 juillet 2020, 20h 47, Bouc-Bel-Air, esplanade du château. 

 

Ce samedi, il y avait un léger mistral bienvenu dans la journée. Pourtant, sur les hauteurs du château vers 21 heures, il faisait frais. Très frais… Et les épaules de l’été du poème d’Andrée Chedid, plutôt que de ruisseler de plaisir, frissonnaient de froid. Peut-on l’imaginer en ces températures caniculaires ? L’altitude de 300 m ferait rire jusqu’aux bas-alpins, mais la réalité est là. Les artistes, très professionnels, ont affronté le froid. Ce sont deux artistes originaires de la région que nous avons déjà chroniqués plusieurs fois sur NosEnchanteurs, Matthieu Pirro et Christian Vives, amis et si différents qu’ils représentent bien à eux deux la variété de la chanson française, au sens noble du terme. Et chacun à tour de rôle va s’efforcer de réchauffer l’atmosphère.

C’est Mathieu Pirro qui démarre cette glaciale et brûlante soirée, s’accompagnant au clavier. Christian Duneau ne l’a-t-il pas présenté – et il n’est pas le seul – comme un Pirro-man ?
Comédien, auteur à la plume baroque et expressionniste, son interprétation est torturée à la manière de Brel, et si ses chansons (et leurs transitions parlées) comportent toujours une part de dérision acérée, souvent tournée vers lui-même, les sujets portent le plus souvent sur des problèmes existentiels qu’il pousse à leur paroxysme. Mince, l’allure éternellement d’un jeune homme, le visage extrêmement mobile, exprimant ses sentiments et ses émotions, lâchant sans retenue une voix grave, vibrante, où chaque consonne envoie des voyelles qu’il tord. Capable de chanter les grands de la chanson française tels Ferré, Brassens – dont il s’inspire pour La nonne adultère, petite pièce sensuelle et tragique où la charité chrétienne est poussée jusqu’à l’abnégation – Brel ou Leprest. Il tire aussi son inspiration du pop rock dont les Beatles sont les plus beaux diamants, cherchant toujours à en réaliser l’impossible fusion, l’impossible rêve, « Brûler d’une possible fièvre / Partir où personne ne part », comme le chantait Brel. « Ferré Brassens Allain Leprest / Brel à la barre dans la houle / Sur mon bateau Le manifeste / Parti du port de Liverpool (…) Il reste quoi de nos sanglots / Peut-être une autre part des anges ».

PIRRO Mathieu 2020 Sous les étoiles- souriant©GycéelC’est avec La quarantaine, chanson de son avant-dernier album, qu’il commence le concert. Rien à voir avec les quatorzaines imposées par un virus en couronne, c’est bien une chanson bilan, non exempte d’amertume, comme à son habitude, sur les rêves d’enfance et le temps qui ronge les espoirs déçus :
« L’enfant que tu n’as pas eu / A dû vieillir dans ta tête / La vie dont tu aurais voulue / Elle se rêvait à tue-tête ». C’est l’éternel retour à une enfance heureuse mais qui côtoya le drame, l’incertitude d’un enfant choyé, sensible, et comme tous les êtres doués, sans cesse en questionnement sur ses relations avec les autres et particulièrement les femmes. Qui lui inspirent des envolées de peintre « Un Caravage en cavale / Semblait réfugié dans ses yeux / Gris verts beaux un vrai scandale », mais sans cesse des interrogations irrésolues. Hommes et femmes, sommes nous faits pour nous entendre, ou juste nous retrouver quelques instants pour perpétuer l’espèce ? Thème qu’il reprend dans son dernier album, Les mêmes goûts, parmi différences politiques ou religieuses, celles qui l’obsèdent, de genre, est-ce faute de phallus, Mesdames, que « La paix est une respiration entre deux guerres deux jalousies »?

Au milieu de ses chansons à succès, Cigarette, (on va s’en griller une, parce qu’il fait froid !) perfection d’écriture lui donnant vie comme à une amoureuse, et  bien servie par sa mélodie, ou le célèbre Tango aixois, il a glissé une inédite, qualifiée d’incendiaire (on continue le réchauffement), Je suis un homme-femme. En suspension musicale après le « Je suis, Je suis… », un bel exercice de plume pour tenter de résoudre l’ineffable contradiction, une pierre pour édifier la construction du genre. « Mes entrailles de garçon / Stériles et désertées / Gardent le souvenir / De féminins empires / Mon ventre a dans son fond / Des trompes avortées / Embryons d’embryons / Sans guère de portée ».

Cadeau encore d’une inédite pour le final, qui, cela vous surprendra peu, s’intitule L’angoisse : « C’est une étoile éteinte au fond de l’estomac / Cendre d’un astre mort qui te brûle de froid / Un soleil écrasé  / Par la poussière grise ».

Juste le temps de reprendre ses esprits, un petit entracte en attendant la suite…

Le site de Mathieu Pirro, c’est ici.  Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.


Les yeux du Caravage Image de prévisualisation YouTube
Cigarette Image de prévisualisation YouTube 

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