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Béatrice Arnac, 1931-2020

Béatrice Arnac en 1973, pochette vinyle

Béatrice Arnac (chansons contemporaines), pochette vinyle

Le 5 octobre 2020 disparaissait en Dordogne la chanteuse et artiste Béatrice Arnac à l’âge de 89 ans. Son nom ne vous dit rien ? Belle (dans tous les sens du terme) interprète des grands poètes dans les années 60, chanteuse, actrice, comédienne, sa vie est pourtant digne d’un roman et pourrait faire l’objet d’un film. Sans doute une vie trop remplie de passions et quelque peu marginale pour rentrer dans le cadre de la production commerciale. Une partie de sa carrière à l’international (De 1968 à 1980 on la retrouve aux USA, en URSS, en Italie, en Ecosse, au Maroc et en Tunisie), une activité au théâtre et au cinéma (de 1955 au début des années 70), la création d’ateliers à Paris où elle enseigne le Dire poétique et l’Expression scénique, et aussi (surtout ?) son action en faveur des animaux avec la création du spectacle Animale qui donnera lieu à un disque autoproduit en 1979. Seul Pascal Sevran lui donnera accès au média télévisuel dans les années 80/90. 

Fille de Marcel Arnac, dessinateur (pour L’épatant, Fantasio, Le rire, La vie parisienne…), précurseur de la BD, avec son roman animé Les mémoires de Monsieur Coupandouille (1931), qui meurt accidentellement dans l’explosion d’une usine voisine, alors que sa fille avait quelques mois, c’est aussi la petite fille du journaliste pamphlétaire, libertaire anarchiste et anti-militariste Zo d’Axa (Alphonse Gallaud de la Pérouse), grand voyageur, fondateur en 1891 de l’hebdo satirique L’En-dehors, où participent Octave Mirbeau, Louise Michel ou Tristan Bernard. Et la petite-nièce de Marie Gallaud, exploratrice, photographe et sculptrice française de la première moitié du xxe siècle. Avec un tel pedigree on ne peut que s’attendre à une personnalité hors du commun.

En 1962 celle dont Luc Bérimont disait : « Cette voix venue du plus nocturne, du plus insoumis, du plus tendre des pays de la poésie » interprète Boris Vian, Rimbaud, Gilson, Le Cunff, Lafforgue / Kosma (L’éternel féminin)… et reçoit un Grand Prix du Disque de l’Académie Charles Cros. Qui la récompense à nouveau en 1963, au titre du disque – révélation pour son album Chante Alain Saury. Ce dernier, mannequin, comédien, acteur, poète, écrivain, peintre et sculpteur, le père de sa fille, la met en scène dans le Bel indifférent de Cocteau. Malade, il se tourne vers les médecines naturelles et devient naturopathe, ses ouvrages, souvent illustrés par Cocteau, ses colloques et conférences traitent déjà dans les années 60 d’écologie, de protection de la nature – agriculture biologique, végétarisme – et d’action humanitaire. 
Elle est également en 1962 la voix chantée du film Le soupirant de Pierre Etaix.

Son récital, représenté du 3 au 27 février 1966 au Théâtre d’Essai et de Culture des Trois-Baudets, présente vingt-deux chansons sur des textes de Paul Eluard, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Robert Desnos, Bertolt Brecht, Luc Bérimont et Alain Saury…, et elle joue en seconde partie Le Bel indifférent. Elle enregistre la même année chez Vogue un disque de quinze titres où l’on retrouve Tu n’en reviendras pas (Aragon/ Ferré, ici à La Chance aux chansons , sans doute fin 80 ou début 90 ) ou Et s’il revenait de Maeterlinck (Ici une version récente a cappella enregistrée par Pierre Pascual, accompagnée de son témoignage). Puis en 1967 des chansons traditionnelles, écouter Paris à 5h du matin (Désaugiers, 1802).

Un album de douze titres d’auteurs contemporains, dont Une noix, de Trenet, Le temps des amazones et La nonne, bien représentatives de l’époque, mais aussi Le chant de Barbara, de l’Opéra de Quat’sous de Brecht/ Weill, ici chanté à La Chance aux chansons en 1992, ou La chanson de la Glu de Jean Richepin paraît à la même époque. En 1973 paraît un album de dix chansons personnelles, également composées, ou co-composées avec Claude Cagnasso, dont cette Athée ou à Té .

En 1968 elle chante au Théâtre des Champs Elysées un récital de trente chansons, de Lulli à Ferré. Deux années de suite elle chante au Théâtre du Fanal où a lieu un enregistrement public pour un disque sorti en 1979. En 1985 sa recherche artistique et spirituelle lui fait créer le spectacle chorégraphié Crier dans le désert. En 2001 elle auto produit un disque des textes de son grand père, Chante Zo d’Axa. En 2009 elle fait paraître sur YouTube une série baptisée Béatrice Arnac et ses 40 poètes (extraits dits ou chantés). En 2018 elle joue dans le film de Pierre Pascual  Hunter nights à paraître, et dont elle a pu voir le montage.

Laissons la parole à Béatrice Arnac, en 2008 : « Un artiste cherche et enfante dans la solitude pour mettre au monde un sourire sur vos lèvres, une larme sous vos paupières, un souvenir à conserver, un instant d’espoir, de courage, un peu de rêve… Notre seul droit, celui de vous aimer et d’être aimé de vous. Notre seul devoir, vous offrir le goût du choix, œil à œil, cœur à cœur, sans intermédiaire. Lorsque, comme le tigre, l’Inuit, l’albatros ou la joie, nous disparaîtrons, la BÊTE pleurera comme les crocodiles. »

 

Le site très complet de Béatrice Arnac, où vous trouverez d’autres vidéos de ses interprétations de chansons et poèmes, spectacles théâtraux ainsi que des entretiens, c’est ici.

Enfance (Rimbaud) 1962
Image de prévisualisation YouTube

Le temps des amazones, une chanson du duo gagnant auteur/compositeur pour Bécaud ou Barbara, pour évoquer le réveil du féminisme à l’époque. Enregistré à la Radio Télévision Suisse en 1972.Image de prévisualisation YouTube

Baudelaire , La Beauté (extrait)
« Je suis belle O mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s’est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière. »
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Une réponse à Béatrice Arnac, 1931-2020

  1. cecile cagnasso 22 octobre 2020 à 20 h 02 min

    Je viens d’apprendre a l’instant la triste nouvelle, qui me cause bien de la peine. J’ai eu le plaisir de cotoyer Béatrice au temps ou elle travaillait avec mon mari, le musicien Claude Cagnasso, sur ses chansons. Il en est une que je trouvais très belle, c’était « Le jardin de mon bien aimé ». Et j’avais eu l’occasion de garder le contact avec elle depuis le départ de mon mari. Je me proposais justement de lui envoyer son dernier CD paru recemment . C’est une perte pour la poésie, qu’elle a si bien servie !
    J’adresse mes plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches, et à elle, où qu »elle soit, ma fidèle mémoire.

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