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Clarys, oratorio en noir majeur

Clarys Photo ©Vincent Bourre

Clarys Photo ©Vincent Bourre

Clarys Pivot méritait bien d’avoir enfin un article sur NosEnchanteurs. Cette artiste indépendante, créatrice infatigable et si l’on peut dire, multicartes, a débuté par des études partagées entre Finances et Beaux-Arts, avant de s’intéresser au Théâtre puis de mettre un pied et le corps entier dans la musique et de ne jamais en sortir. Dès 1996 on la trouve dans un groupe de triphop, puis sous le nom  de Joséphine elle produit sur ordinateur son premier album en anglais, The moth, en 2003 avant d’intégrer un collectif de musique électronique, Meizig. En 2004 c’est sous le nom de Joséphine K qu’elle écrit son premier album personnel de rock électro en français. C’est en 2008 qu’elle lance sous son prénom, Clarys, son album Noces de singe. Se formant à la guitare et à la basse, elle s’oriente vers un rock autant électrique qu’électro et autoproduit avec le comédien-auteur-plasticien Rodolphe Auté un quatre titres, Jachère. On la retrouve en 2011 dans le projet alternatif Tous Buzy , et c’est bien de cette famille là, les Gainsbourg, Bashung,Dominique A, Fontaine, Arthur H, Arno, Murat, Miossec, pour ne parler que des francophones, dont elle fait partie.

Que fuit-cette femme dans la nuit sur la couverture de l’album ? Un amour défunt ? Un monde dévasté ? Comme ce personnage perdu dans « le désert / Personne pour sauver mon squelette égaré » ou celui « égaré dans une ville anonyme où les rêves se vendent sur le net  / Ou en quatre mètres sur trois». Tout l’album s’enchaîne tel un carnet d’un voyage intérieur qui prend une dimension sacrée, entre musiques entêtantes, aux rythmes répétitifs urgents montant en charge, particulièrement poignants sur La Tempête « J’me répands / J’me rempart / J’me répare » qui vous laisse pantelants après un brusque silence. Les percussions en force et subtilité de Marion Grandjean à la batterie, la profondeur des claviers et basse de Boris Boublil – qui a travaillé déjà tant avec Dominique A, Robi, Kent, Wladimir Anselme que John Parish – co-réalisateur de l’album, les guitares de Vincent Bourre et de Clarys elle-même, sa voix profonde et expressive, composent une musique d’une rare élégance. Peter Milton Walsh du groupe australien The apartments, lui donne la réplique dans ce Moment sans répondre, brillante analyse du malaise actuel face à un monde en réseau et son âme dévaluée, un texte de Yan Kouton.

CLARYS 2020 De làQue les paroles soient venues se poser sur des musiques ou qu’elles y aient conduit, les mots urgents, les phrases courtes se percutent, rebondissent, s’échappent, en fusion de sens et de son avec les musiques. Le cri de Mal né, de mal-être intime ou de mauvaise couleur de peau « J’ai les idées noires de peau (…) Fer à briser / fer à lisser / Qu’on me refasse une beauté » tourne en un blues rock très Bashung. Nicolas Jules saisit bien l’attente féminine dans ce texte : « Que lisez-vous mes agneaux / Sur le braille de ma peau / Nos nuits d’éclairs / Jamais n’éclairent (…) Caressez-moi jusqu’au cœur / Si vous voulez mes lueurs » et Clarys l’enchâsse dans une sensuelle musique grave et lente. Tourner coécrit avec Rodolphe Auté, chassé-croisé de séduction « Mêler, mêler, mêler / Nos corps à l’infini conjugués » emprunte quelques vers à Paul Eluard. Et Santiago, pathétique voyage à fond de cale des esclaves traités comme des marchandises, a des vers lyriques sur des chœurs semblables aux chants noirs traditionnels, mutant en un rock lent et évocateur faisant la part belle aux délicates notes des guitares.
Une combinaison savante de mesures et de mélodies, de chœurs et de notes épurées de guitares, pourtant immédiatement accessible, touchant au plus profond de nos émotions, toutes musiques de Clarys. Un chemin de vie qui part De là, pour aboutir en apothéose à ce Memento Mori instrumental construit autour de simples notes de guitare, pour consoler les vivants et ouvrir un horizon de rêve impalpable.

Un soleil noir, où le réalisme des situations se mêle au lyrisme du traitement pour un album terriblement addictif. On n’a qu’une hâte, l’écouter encore et encore.
 

Clarys, De là, Microcultures / Kuroneko (2020) La page facebook de Clarys, c’est ici. Son bandcamp, là.

La tempête Image de prévisualisation YouTube

Je me fais Image de prévisualisation YouTube

Une réponse à Clarys, oratorio en noir majeur

  1. Lapierre Jean 9 janvier 2021 à 15 h 15 min

    J’aime beaucoup ! Merci Catherine…

    Répondre

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